PETIT SUIVI SUR LES PESTICIDES

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Si vous gardez le pointage à la maison, vous savez que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, présentait, le 22 octobre dernier, son nouveau plan d’agriculture durable (« Le Plan ») qui a pour but, entre autres, de réduire l’utilisation des pesticides sur nos terres. Et justement, les pesticides sont revenus en force dans l’actualité récemment avec le lancement du livre Pour le bien de la terre, de l’agronome Louis Robert, qui avait sonné l’alarme concernant l’utilisation des pesticides au Québec et le rôle-conseil que les compagnies jouaient désormais auprès des agriculteurs.
« Les entreprises qui proposent des produits fertilisants et des pesticides (ont) la mainmise sur une partie de notre agriculture », peut-on notamment y lire.
Même le ministre Lamontagne a dû réagir au livre, admettant publiquement que « Oui, on utilise trop de pesticides » au Québec.
Louis Robert dénonce aussi l’utilisation massive de pesticides « tueurs d’abeilles », alors que scientifiquement, ils ne sont pas vraiment utiles dans un contexte québécois.
Manque de pot, le gouvernement canadien en a aussi remis une couche récemment en annonçant qu’il ne comptait pas interdire ces pesticides, mais plutôt imposer des « restrictions supplémentaires » qui entreront en vigueur d’ici deux ans.
Vu tous ces développements, et vu qu’on avait présenté un dossier assez exhaustif sur le sujet récemment, on se permet donc un petit suivi sur trois points précis concernant les pesticides et le fameux nouveau Plan d’agriculture qui, faut-il le rappeler, a été présenté en octobre dernier.

1. Qu’est-ce qu’on fait pour encourager les agriculteurs à utiliser moins de pesticides ?

Le ministre André Lamontagne avait expliqué, lors du lancement de son Plan en automne dernier, qu’« au moment où on se parle il y a des experts — entre guillemets — qui vont vraiment s’asseoir et la commande est de trouver une façon de rétribuer et d’encourager des nouveaux comportements ou des comportements qui vont au-delà des cadres réglementaires pour faire bouger l’aiguille ».

Il était question de lancer un projet pilote cette année, pour encourager les agriculteurs à réduire leur utilisation de pesticides et évaluer les résultats, pour ensuite éventuellement étendre le programme à la grandeur de la province en 2022.

Puisque nous sommes presque en juin et que les champs s’activent, on a posé la question au Ministère à savoir combien de fermes participent au projet pilote, quelles étaient les balises pour encadrer ce programme, les détails, etc. La réponse, en date du 6 mai :
« Le projet pilote qui se déroulera cet été, et qui sera géré par le Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA) dans le cadre de leur mandat, visera à tester une proposition préliminaire du mécanisme de rétribution auprès d’un groupe d’entreprises agricoles, en assurant notamment une représentativité des régions et des productions. À ce moment-ci, les modalités du projet pilote ne sont pas arrêtées. »

Autrement dit, après plus de 219 jours, la « commande » du ministre n’a pas encore été livrée et disons que l’aiguille n’a pas trop bougé. 

2. Et la Loi sur les agronomes ? 

Depuis 1990, le ministère de l’Agriculture s’est discrètement retiré de son rôle-conseil auprès des cultivateurs et laisse plutôt cette besogne… aux compagnies qui vendent des pesticides. Le nouveau Plan doit une fois pour toutes corriger cette aberration.

Le ministre Lamontagne a d’ailleurs rappelé en avril, en réaction au livre de Louis Robert, qu’il a demandé à sa collègue Danielle McCann, la ministre de l’Enseignement supérieur, de revoir la Loi sur les agronomes.

Le hic c’est que la demande avait déjà été faite (et annoncée) au mois d’octobre 2020.
Où en sommes-nous sept mois plus tard ?
« L’Ordre des professions du Québec poursuit ses travaux, et il doit remettre ses recommandations au maximum à l’automne prochain, ce qui mènera à la révision de la Loi sur les agronomes », de nous expliquer un relationniste du Ministère par courriel.
Du côté de l’Ordre des agronomes du Québec, après un échange de courriels, on nous a répondu le 5 mai : « La première rencontre avec l’Office des professions a eu lieu. Tel que mentionné dans mon courriel précédent : Dès que nous en saurons davantage, l’Ordre publiera les avancements dans ces différents outils de communication. »
Donc, 219 jours après l'annonce, on a eu droit à une première réunion.

C'est déjà ça.

3.… Et les abeilles qui sont mortes subitement ?

Finalement, puisqu’on parle de morts d’abeilles, en juin dernier, un apiculteur de Montérégie avait été sidéré de retrouver de ses millions d’abeilles mortes. Le ministre Lamontagne avait lui-même déclaré, lors d’une entrevue à la radio, que son ministère allait faire enquête.

Presque un an plus tard, on s’est permis de demander une copie des résultats de cette analyse, question de savoir ce qui peut bien entraîner des millions d’abeilles à subitement crever d’un coup sec, un bel après-midi d’été.

On nous a tout de suite indiqué qu’il fallait passer par l’accès à l’information.
Après avoir logé une demande en bonne et due forme pour connaître les résultats de l’analyse faite sur les abeilles, nous avons reçu une lettre assez costaude et rigoureuse de quatre pages, au sentiment d’urgence, nous informant que :
« … À cet égard, concernant les résultats d’analyse, il appert de l’analyse du dossier que nous ne pouvons y répondre favorablement, et ce, conformément aux articles 14, 23, 24, 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), ci-après “Loi sur l’accès” ».

On parle ensuite de protection de vie privée, Charte des droits et libertés de la personne et de secret professionnel.

On se permet une suggestion, comme ça : Et si on appliquait la même rigueur et le même sentiment d’urgence pour protéger la vie tout court à la place ?

(Publié le 29/05/2021)

LES PESTICIDES ET NOUS

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1. LES DOUZE SALOPARDS DE LA BOUFFE

On commence cette semaine avec la liste des fruits et légumes les plus contaminés par les pesticides aux États-Unis, telle que rédigée par l’Environment Working Group, surnommée affectueusement « Les Douze Salopards ». Le podium en 2021 : les fraises, suivies de près des épinards et du kale, qui est pour une première fois ex aequo avec les autres légumes-feuilles.

En effet, un total de 94 pesticides différents ont été trouvés sur les légumes-feuilles, y compris les néonicotinoïdes, cette classe d’insecticides qui agissent sur le système nerveux de certains insectes, surtout les abeilles.

En gros, les tests du Département de l’agriculture américaine (USDA) ont décelé des résidus de pesticides chimiques potentiellement nocifs sur près de 70 % des produits frais conventionnels (non biologiques) vendus aux États-Unis. Et avant de tester les fruits et légumes, sachez que l’USDA les lave, les frotte et les épluche, comme nous le faisons tous assidument à la maison (riiiight).
Sans surprise, le EWG presse « les consommateurs qui s’inquiètent de leur consommation de pesticides à envisager, si possible, d’acheter des versions biologiques des aliments qui se trouvent sur notre liste ».
De l’autre côté du spectre, on retrouve aussi les « 15 propres », soit les aliments les moins contaminés. Le top 3 des immaculés : les avocats, le maïs et les ananas.
Si vous pensez que toute cette contamination chimique est un problème uniquement réservé à l’agriculture débridée de nos voisins du sud, on profite de l’occasion pour faire un petit survol de ce qui se passe chez nous. Voyons voir…

2. PETIT SUIVI SUR LES PESTICIDES 

Chez nous, la dernière analyse du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), en 2018-2019, sur 18 types d'aliments révélait que « des résidus de pesticides ont été observés dans 74 % des échantillons, soit dans 496 des 668 échantillons analysés. Au total, toutes provenances confondues, ce sont 107 résidus de pesticides différents qui ont été observés dans 1868 résultats d’analyse positifs.». Donc, disons que quand on se compare aux États-Unis, on ne se console pas tellement.

Le rapport souligne quand même « qu’un excellent taux de conformité global de 97 % a été observé » parce qu’il faut se rappeler que dans les pesticides, tout est dans le dosage — même si idéalement, un peu comme les taxes, la fumée de cigarette et les films avec Adam Sandler, on aimerait toujours les éviter.

En novembre 2015, Radio-Canada rapportait que Québec avait carrément perdu le contrôle des pesticides et que leur utilisation atteignait des niveaux records. Pourquoi ? Depuis 1990, il appert que le ministère de l’Agriculture s’est discrètement retiré de son rôle-conseil auprès des cultivateurs et laisse plutôt cette besogne… aux compagnies qui vendent des pesticides. Tous ensemble : « Ben là… » L’agronome Louis Robert avait justement souligné cette incohérence (restons polis) pour ensuite être viré en janvier 2019. Puis après une belle crise médiatique comme on les aime au Québec, il a été réintégré dans ses fonctions.

Pris de court, le gouvernement québécois a donc dû se pencher sur l’épineux dossier des pesticides, et a mis sur pied une commission parlementaire au nom de super-vilain de films de James Bond — la CAPERN —, la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles. Après avoir reçu près de 800 recommandations et 76 rapports provenant de différents groupes, coup de théâtre : certains membres de la commission veulent des recommandations concrètes, pendant que les élus caquistes du groupe penchent plutôt pour des « conclusions et observations », ce qui soulève la question existentielle : on fait tout ça pour quoi au juste ? Après une autre chicane médiatique, on se ravise. Il y aura finalement 32 recommandations… qui sont plutôt faibles, et qui ressemblent, en fait, à une liste de voeux pieux. Comme nous le soulignait Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques avec la Fondation David Suzuki : « La première recommandation mentionne de prioriser la lutte aux pesticides. C’est déjà l’objectif de la stratégie du ministère de l’Environnement et du MAPAQ, donc je ne sais pas ce que cela apporte de nouveau. »

Puis, le 6 juin 2020, une pluie d’abeilles s’abat sur la Montérégie et un apiculteur perd 600 ruches. La raison, on présume, est reliée aux pesticides. Le ministre de l’Agriculture André Lamontagne annonce en entrevue qu’il y a aura enquête. (Note : On a envoyé un courriel au ministère la semaine dernière pour avoir les résultats de l’enquête. On vous tient au courant.)

Finalement, l’automne dernier, le même ministre de l’Agriculture présente enfin son Plan d’agriculture durable pour les 10 prochaines années. On y aborde notamment le dossier des pesticides avec du concret. Voyons voir.

3. LE PLAN 

Le Plan, qui a été présenté aux médias le 22 octobre dernier, s’est donné les moyens pour réussir, avec 25 millions $ par année pendant cinq ans — ou 125 millions $ sur 5 ans, cela fait plus gros et beau  — dont 70 millions $ pour rétribuer les agriculteurs qui adopteront de meilleures pratiques et réduiront leur utilisation de pesticides. Autrement dit, on veut encourager/récompenser les comportements positifs, soit la méthode « carotte » — pour utiliser un terme technique.

Mais en décodant les propos du ministre, une chose apparaît assez claire : les pesticides sont là pour de bon. Car malgré les dangers connus de certains produits comme le glyphosate (pour lequel la compagnie Bayer s’apprêterait à débourser une somme controversée de 2 milliards pour tenter de freiner les poursuites) ou les néonicotinoïdes qui déciment les abeilles partout sur le globe, quelques mois après l’annonce du plan, le ministre mentionnait en entrevue à La Presse que penser que les pesticides disparaîtront demain matin relève « d’Alice au pays des Merveilles… Ce qui est important, c’est de mettre en place un environnement qui va faire en sorte que les comportements vont changer ».

OK. On veut bien. Mais est-ce que cela relève du génie d’Aladin que de souhaiter que notre gouvernement nous protège et prenne ses responsabilités rapidement pour au moins encadrer et conseiller l’utilisation des pesticides sur nos terres, au lieu de laisser cela à l’industrie agrochimique ?

Lors de l’annonce, le ministre a plutôt déclaré qu’on allait réaffecter 75 agronomes sur le terrain et revoir la Loi sur les agronomes, mandat qu’il a confié à sa collègue Danielle McCann — ce qui veut dire, encore des délais. Comme le mentionnait Thibault Rehn de l’organisme Vigilance OGM en entrevue à La Presse : « Ça fait longtemps que prescription et vente sont séparées dans le domaine de la médecine. En 2020, pourquoi attend-on encore ? »

Pendant qu’on tergiverse d’un côté, le ministre du Travail Jean Boulet s’apprête cette semaine à modifier la loi 59  pour moderniser le régime de santé et de sécurité du travail, afin de reconnaître la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle. Pourquoi? Pour dédommager les agriculteurs, agronomes ou travailleurs qui sont victimes des pesticides. En effet, selon une professeure de santé environnementale de l'Université de Montréal, les personnes exposées aux pesticides pendant plusieurs années augmentent leur risque de 70 % de développer la maladie de Parkinson.

Lorsqu’on a demandé au ministère de l’Enseignement supérieur où on en était avec la révision de la Loi sur les agronomes, la réponse par courriel fut assez éloquente : « À ce sujet, il est difficile pour le moment de déterminer un échéancier, mais nous vous invitons à suivre l’actualité en la matière. » Traduction libre : « Don’t call us, we’ll call you. »

4. DES MESURES CONCRÈTES DANS LES CHAMPS … MAIS PAS AVANT 2022

Lors de l’événement de presse, on s’est aussi beaucoup vanté des mesures concrètes que proposait Le Plan, notamment au niveau de la recherche. Mais lorsque les journalistes ont commencé à poser des questions un peu plus — euh — concrètes du genre : Avez-vous des exemples de mesures incitatives pour inciter les agriculteurs à utiliser moins de pesticides ? Est-ce qu’il y aura un maximum que chaque ferme pourra recevoir de ces 70 millions ?, on a eu droit à un flou artistique assez impressionnant. « … Le combien par ferme, par producteur et tout ça — honnêtement, cela va être au cours des prochains mois qu’on va être en mesure de jauger et de décider tout cela. »

Un peu perplexe, la journaliste a osé pousser un peu plus loin, pour connaître les détails du Plan : « Par exemple, une réduction de 10 % de pesticides donnerait un 50 $ par hectare, est-ce que c’est vers ça qu’on s’enligne ? »

On vous laisse regarder l’échange :

Traduction libre : On a l’argent, mais on ne sait pas encore comment cela va se traduire dans le champ. Du moins, pas avant 2022.

Coïncidence ou non, le journaliste Thomas Gerbet de Radio-Canada a aussi déploré avoir reçu le fameux Plan à 14 h 10 alors que la conférence de presse était à 14 h, ce qui supposait que les journalistes devaient trouver une faille dans la courbe spatio-temporelle pour pouvoir prendre connaissance du Plan avant l’événement.

D’ici 10 ans, Le Plan veut aussi diminuer de 15 % les pesticides vendus au Québec par rapport à la moyenne de 2006-2008, soit une réduction immense de 500 000 kg. Mais le mot clef ici est « vendus ».
Car en consultant les plus récentes données disponibles, Radio-Canada dévoilait un mois plus tard que les ventes de pesticides au Québec avaient déjà mystérieusement diminué de 662 000 kilos depuis la période de référence. Donc, c’est déjà mission accomplie… avant même de commencer ? Nadine Bachand, analyste d’Équiterre avait même déclaré : « Si on se fie à 2018, on n’a pas besoin d’avancer. » Pourquoi cette baisse de ventes soudaine dans les stats ? Des agriculteurs québécois se seraient approvisionnés en pesticides en Ontario et sur le web en 2018… et les ventes n’apparaissent donc pas dans les données de Québec.

5. LES QUÉBÉCOIS SONT PRÊTS À PAYER

Et pendant qu’on doit encore attendre deux ans pour voir des nouvelles pratiques à grande échelle dans nos champs, les Québécois, eux, disent qu’ils sont prêts à payer sur le champ pour du changement.
En effet, une étude publiée au début du mois de mars dans la revue scientifique Ecological Economics révélait que les Québécois étaient prêts à payer 100 $ par année pour aider les agriculteurs à diminuer leur utilisation de pesticides.

Et la préoccupation des Québécois pour les pesticides est 10 fois supérieure à celle de la protection des milieux humides, ce qui prouve qu’on est toujours plus incliné à se mobiliser contre quelque chose qui peut nous tuer.

On le sait, un petit brun ne va pas aussi loin qu’avant, mais une fois extrapolé à l’échelle de la population, c’est donc dire que les Québécois seraient prêts à investir une somme de 176 millions $ en un an pour aider nos agriculteurs, soit plus que la totalité du Plan — et juste pour contrecarrer les pesticides.

On sait que le virage qu’on tente de prendre au ministère est colossal, et que même les agriculteurs les plus attentionnés sont pris dans un engrenage complexe. Et on sait qu’on veut agir. Mais quand on joue avec les chiffres, quand on présente un plan qui a certes de l’ambition, mais qui a aucune nouvelle initiative concrète à proposer dans l’immédiat, quand on demande de réviser une loi au lieu de changer des pratiques douteuses qui sont déjà connues, et quand on a des citoyens qui sont prêts à payer, mais qu’on est incapable de livrer, on n’a beau avoir toutes les réponses et les compétences, il semble manquer un élément important.

L’urgence.

Textes et montage : Stephane Banfi

(Publié le 29/03/2021)

DOSSIER SPÉCIAL : LES PESTICIDES ET NOUS

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Lorsque vous croquez dans une pomme, mangez votre salade ou savourez votre brocoli, vous avez des maudites bonnes chances d’en avaler. 

Malheureusement, on ne parle pas de fibre, mais plutôt de pesticides, et ce n’est pas qu’on veuille vous faire peur, mais il n’en demeure pas moins que ces produits chimiques, qui ont été conçus, rappelons-le, pour tuer, font désormais partie de notre agriculture et par extension, de notre alimentation et de nos vies. 

C’est ce que révèle le rapport de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN), dévoilé cette semaine, qui s'est penché sur l'utilisation des pesticides. On en profite pour faire le point sur le sujet.

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DANS LE CAS DES PESTICIDES, LA SCIENCE N'EST PAS TOUJOURS EXACTE

Si on est d’accord que les pesticides comportent des risques pour la santé humaine, on ne connaît pas — ou on ne s’entend pas toujours — sur leurs effets nocifs.
L’exemple du glyphosate utilisé dans le Roundup de la compagnie Monsanto est assez frappant : en Europe, le produit a été classé « cancérigène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer en 2015 ; le Luxembourg est le premier pays européen à l’interdire dès cette année et la France veut en faire de même d’ici 2021.
Pourtant, Santé Canada optait pour le maintien son utilisation sur nos terres, le jugeant sécuritaire, ce qui a poussé l’organisme Safe Food Matters, il y a quelques semaines, à demander à la Cour fédérale de Toronto de revoir cette décision.
Pendant ce temps, aux États-Unis, on ne compte plus les recours collectifs contre le produit, phénomène qui a même fait son apparition au Canada.
C’est dans ce contexte que la Commission a dévoilé son rapport tant attendu sur les pesticides, qui contient pas moins de 32 recommandations.

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LES GRANDES LIGNES DU RAPPORT

Le rapport dresse en premier lieu un portrait de la situation au Québec :

+ En 2017, au Québec, il s’est vendu 3 348 328 kg de pesticides pour la production végétale, soit l’équivalent en poids de près de 1 760 bélugas — ce qui est évidemment un chiffre fictif puisqu’il resterait seulement un peu plus d’un millier de bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent. (Mais ça, c’est une autre histoire — ou pas).

La dernière analyse du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) en 2016-2017 sur 16 types de fruits et légumes au Québec révélait que des résidus de pesticides ont été observés dans 78 % des échantillons analysés.

+ Également présents dans nos cours d’eau, les pesticides comportent des risques pour la santé humaine, mais la gravité varie selon le degré d’exposition. Et même si les travailleurs agricoles sont les plus exposés, la population en générale y est aussi, à plus faible dose, de façon chronique.

+ Ajoutez à cela que le gouvernement s’est graduellement retiré des services-conseils auprès des agriculteurs, ce qui veut dire que les fabricants de pesticides sont devenus les conseillers-experts sur l’utilisation de ces / leurs produits — ce qui pourrait sembler drôle, si ce ne l’était vraiment pas. Cela a notamment mené au congédiement de l’agronome Louis Robert qui dénonçait la situation.

+ Finalement, rappelons qu’en toile de fond, il y a un enjeu économique énorme : les consommateurs veulent des beaux fruits et légumes, et à bon prix, mais pour être compétitifs, l’utilisation des pesticides est une pratique qui n’est pas si facile à éliminer ou négliger. Cela va donc prendre des subventions, de la formation, de l’innovation, de la sensibilisation, bref un grand virage avec un V majuscule pour y arriver, que plusieurs souhaitent voir dans le Plan d’agriculture durable promis par le ministre de l’Agriculture André Lamontagne.

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RÉACTIONS AU RAPPORT 

Devant ces constats, on pouvait s’attendre à 32 recommandations musclées, un échéancier serré pour redresser la situation et apporter les correctifs qui s’imposent. On a discuté du rapport avec Louise Hénault-Ethier qui est chef des projets scientifiques avec la Fondation David Suzuki.

« Ma première réaction a été ENFIN, le rapport est déposé. On est content, parce qu’il va y avoir un débat et cela va aider grandement à structurer la gouvernance autour des pesticides et cela a introduit le sujet des pesticides dans le domaine collectif. »

« Ceci étant dit, les recommandations sont somme toute assez faibles. Ce ne sont pas des recommandations qui sortent des solutions particulièrement innovantes aux problématiques. On a fait des recommandations qui sont déjà des évidences, bien inscrites dans les démarches actuelles. »

« Par exemple, la première recommandation mentionne de prioriser la lutte aux pesticides. C’est déjà l’objectif de la stratégie du ministère de l’Environnement et du MAPAQ, donc je ne sais pas ce que cela apporte de nouveau. Aussi, par rapport à l’indépendance de la recherche scientifique, il y a un problème quand des intérêts privés empêchent la diffusion de connaissances acquises sur des projets de recherche appliquée grâce au financement public. Ça, c’est un énorme problème et cela n’a pas été adressé.
D’un point de vue alimentaire, c’est bien d’avoir mentionné la nécessité de faire plus de tests sur les aliments et de mieux diffuser les résultats de ces analyses, mais il faut que les analyses soient représentatives des aliments sur le marché sur le plan statistique, ce qui n’est pas le cas en ce moment.
Le rapport aurait pu aussi aller plus loin, en demandant à ce que les vendeurs de pesticides ne puissent pas prescrire les pesticides. »

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EST-CE QU'IL Y DES CHOSES INNOVANTES DANS LE RAPPORT? 

« Pas beaucoup mais il y a deux éléments qui me viennent à l’esprit, » poursuit Louise Hénault-Ethier. On voit que les membres de la Commission s’inquiètent des effets de toxicologie des cocktails de pesticides mélangés avec d’autres produits chimiques dans notre environnement. Ce sont des effets qui sont très difficiles à étudier, on s’inquiète des effets potentiels qu’on a du mal à quantifier, mais on ne sait pas comment cela va s’articuler. Aussi, on veut mieux encadrer la publicité sur des pesticides — ça, vraiment il était temps. Dans le domaine du tabac et de la pharmaceutique, on n’a pas le droit de vanter les mérites ni d’un médicament, ni d’un produit qui cause des effets pervers sur la santé. Par contre, il n’y avait pas d’encadrement pour des produits qui sont faits pour tuer des organismes vivants. Par exemple, pour les pesticides d’usage domestique, on rentrait dans les quincailleries, et ils étaient placés de façon frontispice, en bout de rangée devant les caisses, exactement où on met les bonbons, pour être certain qu’on en achète. L'impact des pesticides sur le développement du cerveau des enfants est bien connu, bien documenté, donc si on pouvait minimiser l’usage de ces produits au lieu d’en vanter les mérites, cela serait une bonne chose. »

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ALORS, ON FAIT QUOI MAINTENANT? 

C’est LA question. Parce que le rapport ne donne pas d’échéance, ne propose pas de date ou de mode d’implantation précis pour ces recommandations, ce qui n’est pas si surprenant quand on sait qu’initialement, il devait contenir de simples « observations ».

Le gouvernement du Québec a également promis une politique d’agriculture durable qui vise à améliorer les pratiques agricoles, donc on peut s’attendre à ce que plusieurs éléments du rapport — et des points soulevés dans les mémoires déposés qui n’ont pas été retenus au rapport final — soient réutilisés à cet effet.
Entre temps, il y a plein de petits trucs et gestes qu’on peut faire pour tenter de réduire l'impact des pesticides dans nos vies, y compris laver nos légumes à l’eau vinaigrée ou acheter bio.

Mais pour la suite des choses sur le plan gouvernemental, on s’est quand même permis de poser la question à l’Assemblée nationale qui nous a répondu, par courriel : « La Commission a formulé 32 recommandations dans son rapport. Les recommandations contenues dans les rapports de commission n’ont toutefois pas de caractère contraignant. Les ministères, organismes et agriculteurs auxquels s’adressent les recommandations sont donc libres de les suivre ou non. »

Autrement dit, après plus d’un an de travail, des déplacements en région, en Belgique et en France, 76 mémoires et 26 témoignages recueillis, et devant un constat pour le moins inquiétant sur les effets des pesticides sur la santé et l’environnement, et malgré les conflits d’intérêts évidents entre l’industrie des pesticides et le rôle-conseil qu’elle joue auprès des agriculteurs, le message de la Commission semble être : « Voici 32 choses qu’on aimerait vraiment — mais vraiment — changer, mais en fin de compte, faites donc ce que vous voulez. »

ZOOM SUR LA FRAISE

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La fraise est un fruit particulier. Primo, il y a ce fait plutôt inusité que parmi tous les fruits, la fraise est le seul qui porte ses graines à l’extérieur (insérer votre blague grivoise ici). On compte, en fait, plus de 200 graines par fruit. Mais il y a plus. C’est aussi le premier fruit qui est prêt à cueillir, généralement à la mi-juin. C’est un des rares fruits qui est cultivé dans chaque État des États-Unis et dans chaque province canadienne. C’est une vivace. Elle a fait l’objet (indirect) d’une chanson des Beatles. Il y a la lune des fraises. Et comble de l’ironie, vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que la fraise n’est techniquement pas une baie (comme un bleuet par exemple)… à cause de ses graines à l’extérieur. Finalement, si l’on veut tomber dans l’existentialisme botanique, sur le plan purement technique, la fraise elle-même n’est même pas un fruit ; c’est en fait chaque petite graine qu’elle contient qui est considérée comme le fruit. La fraise fait plutôt partie de la famille des roses, nous rappelant encore une fois qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences, surtout quand on porte ses graines à fleur de peau.

LES FRAISES ÉTAIENT VÉNÉRÉES DES CATHOLIQUES… MÊME TROP 

On sait que la pomme a une sale réputation dans la religion catholique, mais, étrangement, la fraise s’en sort plutôt bien merci, figurant dans de nombreuses peintures médiévales religieuses — dans les mains de la Vierge Marie par exemple, en bordure de peinture de l’Enfant Jésus comme décoration, ou en arrière-plan dans une peinture de 1420 intitulée « La Madone aux fraisiers ». Quelques années plus tard, l’image pure du fruit a été quelque peu… euh… pervertie ? dans l’oeuvre rocambolesque du peintre néerlandais Hieronymus Bosch datant de 1500 intitulée « Le jardin des délices », où l’on aperçoit, entre autres, trois hommes nus, pâles et lugubres, au regard tordu, qui mangent une fraise gigantesque avec une certaine idée troublante derrière la tête. On ne sait pas trop comment ce fruit qui symbolisait la pureté et la virginité s’est subitement transformé en symbole de sensualité et de désir, mais disons qu’on soupçonne que les Hollandais en fumaient du bon...

IL Y A PLUS DE 600 VARIÉTÉS DE FRAISES

C’est un peu le problème du 21e siècle : on prend un fruit ou un légume et on présume tout bêtement que l’aliment qu’on a en main est l’unique représentant de son espèce (un peu comme on fait pour les humains, malheureusement…). Bref, vous serez peut-être surpris d’apprendre que l’on compte près de 600 variétés de fraises, qui ont franchement des noms intéressants et qui remplissent différentes fonctions : comme, la Sweet Charlie, qui est plus sucrée, la Diamante, qui est plus large et brillante, idéale pour des fraises couvertes de chocolat, ou encore la Éros, qui, on soupçonne, était très prisée dans le temps médiéval. Toutes ces variétés font de la fraise un fruit très populaire sur le marché mondial, avec pas moins de 8,89 tonnes métriques produites en 2019, soit plus que l’avocat, le kiwi ou les cerises.

Comme cela devient une tendance, les Chinois sont devenus les plus grands producteurs et exportateurs de fraises, avec notamment 100 000 hectares de serres de fraises. Mais parfois, les résultats sont mitigés, comme l’ont appris à leurs dépens 11 000 pauvres écoliers allemands qui ont subi un virulent empoisonnement alimentaire après avoir mangé des fraises congelées à l’école… provenant de Chine.

Puisque nous sommes en Asie, les Japonais, eux, sont particulièrement friands de la fraise blanche, qu’ils surnomment la White Jewel (ou la Shiroi Houseki), qui est plus grosse, quasiment albinos, et qui à l’air assez répugnante, ce qui évidemment en fait un aliment de luxe au pays du Soleil-Levant, qui va chercher jusqu’à 10 $ US l’unité.

Chez nous, avec la volonté du gouvernement d’accroître notre autonomie alimentaire, on se tourne de plus en plus vers les serres pour une production de fraises plus stable, à longueur d’année, et qui utilise moins de fongicides, puisque plusieurs des maladies et des champignons qui les attaquent viennent du sol.
Mais peu importe celles que vous choisissez, deux petits conseils : 1. Il est toujours mieux de les acheter localement et en saison et 2. Vous pouvez facilement les conserver en les mettant sur une plaque au congélateur, puis en les transférant dans des sacs Ziploc pour usage tout au long de l’année, dans vos smoothies ou vos tartes. Et comme ça, vous ne serez pas malade.

CÔTÉ SANTÉ, LA FRAISE EST DURE À BATTRE

Sur le plan nutritionnel, la fraise a été étudiée de tout bord, et les résultats sont assez époustouflants, merci. Avant tout parce qu’elle contient plein de bonnes choses comme des antioxydants, en particulier des flavonoïdes, qui aident notamment à contrecarrer le cancer, et aussi… de la vitamine C. En effet, à poids égal, la fraise contient plus de vitamine C que l’orange, donc chapeau aux gens de marketing de l’orange qui ont vraiment fait de l’excellent travail. Car clairement, la fraise mérite aussi de monter sur le podium nutritionnel. Quelques exemples :

+ En 2013, une étude de la Harvard School of Public Health (HSPH), qui s’est basée sur les données de santé de 93 600 infirmières âgées de 25 à 42 ans, a révélé que manger trois portions ou plus de bleuets et de fraises chaque semaine peut réduire le risque de crise cardiaque. Les fraises contiennent de l’anthocyane, de la famille des flavonoïdes, qui serait bénéfique pour le cœur en améliorant la circulation sanguine et en luttant contre l’accumulation de plaque.

+ En 2014, des chercheurs italiens et espagnols ont eu une idée toute simple : on prend 23 volontaires, on leur tire un peu de sang, puis on les oblige à manger un demi-kilo de fraises par jour pendant un mois (soit une vingtaine de fraises par jour), et ensuite on retire encore un peu de sang et on compare. Génial, non ? Les résultats aussi :

- Une baisse de 8,78 % de cholestérol
- Chute de 13,72 % du « mauvais cholestérol »
- Baisse de 20,8 % de la quantité de triglycérides

+ Plus près de chez nous, en 2016, le professeur d’horticulture à l’Université Laval Yves Desjardins a dirigé une étude clinique sur une cinquantaine de personnes qui étaient légèrement obèses et qui souffraient d’un début de diabète de type 2. Une consommation quotidienne d’environ une tasse de fraises permettrait de régulariser la glycémie des personnes atteintes de diabète de type 2.

+ Et puis en 2019, on vous parlait d’une étude danoise qui a suivi pas moins de 56 048 participants sur une période de 23 ans. On a découvert que plus on consomme de flavonoïdes, qu’on retrouve notamment dans les fraises, plus le risque de mortalité baisse en général, surtout au niveau du cancer et des maladies cardiovasculaires. Constat doublement intéressant : le même effet a aussi été perçu chez les fumeurs et buveurs d’alcool, ce qui suggère que les flavonoïdes aident aussi ceux qui ne s’aident pas.

Bref, le constat semble être assez limpide : se paqueter la fraise de fraises est vraiment une bonne idée.

LA FRAISE CONTIENT BEAUCOUP DE PESTICIDES

Oui, autant que possible, on essaie de favoriser les fraises du Québec et heureusement elles sont assez bien identifiées et ne sont pas victimes du même flou géographique qui peut planer sur d’autres aliments du Québeccomme on l’a vu récemment.

Mais il est aussi bon de se rappeler que la fraise figure régulièrement sur la liste des « 12 salopards » aux États-Unis, ces fruits et légumes qui contiennent les plus grandes traces de pesticides.

Et qu’en est-il au Québec ?

Le dernier rapport du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a été déposé en juin 2020 et a analysé des échantillons de 18 fruits et légumes au Québec, entre avril 2018 et mars 2019, dont la fraise.

Au total, 87 échantillons de fraises ont été analysés : 17 biologiques et 70 provenant d’agriculture « conventionnelle ». Les 70 échantillons de fraises dites conventionnelles provenaient du Québec (32 échantillons), du Canada (4) et de l’international (34).

Voici le bulletin pour les 32 échantillons de fraises du Québec :

    • -  On a trouvé un total de 30 différents pesticides sur les 32 échantillons de fraises analysés.
    • -  97 % de tous les échantillons contenaient des traces d’au moins trois pesticides, ce qui en fait l’aliment le plus « contaminé » de la liste des aliments analysés provenant du Québec
    • -  78 % des échantillons contenaient cinq types de pesticides ou plus (comparativement à 45 % en 2016-2017, pour l’ensemble des fraises analysées)
    • -  Trois échantillons de fraises du Québec étaient non-conformes et contenaient du captane, de la cyperméthrine et du glyphosate. Les producteurs concernés ont fait l’objet d’un suivi du service d’inspection du MAPAQ.
    • -  Le rapport ne fait pas mention des analyses faites sur les fraises bios, et on espère que c’est pour des raisons évidentes.

Malgré le constat déconcertant, il est important de rappeler que le rapport mentionne d’emblée que « la vaste majorité des échantillons analysés respectaient les normes en vigueur ». Autrement dit, on a trouvé beaucoup de traces de pesticides, mais il semblerait que la majorité des quantités étaient faibles et conformes aux normes, mis à part les trois cas mentionnés. Aussi, aucun aliment n’a été rincé avant l’analyse et seules les parties non comestibles ont été retirées.

Mais ce qui est quand même inquiétant dans tout cela c’est que les normes sur lesquelles Santé Canada se base pour fixer les limites maximales de résidus de pesticides sont souvent issues de l’industrie. Donc, disons que cela peut soulever des questions de conflit d’intérêts (ben voyons).

Aussi, il y a l’effet « cocktail » des pesticides qui est encore très méconnu. Oui, on peut établir qu’un infime résidu de pesticides est inoffensif, mais qu’est-ce qui arrive quand votre fraise contient des résidus de sept pesticides différents ou plus, comme c’est le cas pour plus d’une fraise conventionnelle sur trois du Québec ?

Si vous ne voulez pas attendre la réponse, le bio demeure toujours une option.

(Publié le 22/06/2021)
Textes et recherches : Stephane Banfi

NOS DEVOIRS POUR LA RENTRÉE

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Dans cette nouvelle ère de pandémie qui ne finit plus, on parle beaucoup de s’adapter.

Et avec raison, on parle d’investissements, de précaution et de prévention.
Mais curieusement, on ne parle pas souvent d’alimentation.
Pourtant, la majorité des problèmes qui nous affligent — de l’obésité aux maladies cardiovasculaires, en passant par le cancer, le diabète, la pollution de nos terres et même le réchauffement climatique — ont tous une souche en commun : ce que nous mangeons.

La bouffe moderne, de sa production industrielle à sa surconsommation démentielle, ne nous a jamais autant fait suer.

Et tué.

Et cruelle ironie, voilà que les récentes statistiques du Centres for Disease and Control concernant la COVID-19 démontrent un lien fulgurant entre l’obésité, les maladies du coeur et… les risques de mourir du virus.

Devant ces constats, et en cette semaine de rentrée scolaire, on profite de l’occasion pour dresser une petite liste de devoirs pour nos élus, question de leur rappeler qu’il y a des solutions à notre portée concernant la nourriture, pour que cela aille effectivement mieux.

Car au-delà d’une nouvelle autoroute, d’un voyage dans le sud ou d’un match de hockey, cette pandémie nous a rappelé que LA chose la plus importante dont nous avons vraiment besoin pour vivre, c’est la bouffe.

Ça, et du papier de toilette.

NOS DEVOIRS POUR LA RENTRÉE

L’alimentation et la cuisine doivent faire leur entrée comme matières à l’école. Et pas comme activité parascolaire. Par la grande porte.

Car nos jeunes ont clairement besoin d’apprentissage à ce niveau, afin de connaître les avantages d’une saine alimentation et les dangers du fastfoodauxquels ils sont constamment exposés.

Selon l’INSPQ (Institut national de santé publique du Québec) et Statistique Canada, 10 % des enfants et adolescents du Québec souffriraient d’obésité et 30 % font de l’embonpoint. Récemment, 221 pédiatres ont signé une lettre ouverte afin « de rappeler l’urgence d’agir afin de contrer l’épidémie » d’obésité qui frappe notre jeunesse.

Et le mois dernier, le Journal de l’Association médicale canadienne suggérait que l’obésité soit traitée comme une maladie. Mais on aura beau classer l’obésité comme maladie tant qu’on le voudra, visiblement, cela ne s’attrape pas en oubliant de se laver les mains. En effet, selon une récente étude de l’Organisation mondiale de la santé, même les pays les plus pauvres du monde sont aux prises avec une épidémie d’obésité à cause de la montée en flèche de la consommation de malbouffe. Quand on sait à quel point les compagnies defastfood visent les jeunes dans leurs stratégies marketing, on peut parler ici de relation de cause à effet.

L’arme la plus redoutable pour lutter contre ce fléau demeure avant tout l’éducation. Alors Monsieur Roberge, pourquoi ne pas parler intelligemment de l’alimentation à nos jeunes, dès le primaire ? Suivi d’un cours obligatoire de cuisine au secondaire ?

Parce que bien manger, c’est comme compter, écrire, attacher ses souliers et gouverner un ministère : cela s’apprend.

Cela existe au Chili. Au Royaume-Uni. En Hollande. Et en France. Et cela sauve des vies. En effet, le système d’étiquetage qui indique aux consommateurs quels produits contiennent trop de gras, sel, calories ou sucre fonctionne. Au Canada, en février 2018 la ministre de la Santé de l’époque, Ginette Petitpas Taylor, proposait quatre prototypes d’étiquettes, dont une devait un jour être apposée sur les produits malsains. Dans un geste d’ouverture symbolique, on demandait même au public de voter pour leur étiquette préférée.

C’était il y a deux ans. Depuis, après un remaniement ministériel et l’arrivée de Patty Hajdu au ministère, plus rien. Donc comme second devoir, on demande à Madame Hajdu : Est-ce qu’on pourrait s’assurer que le système d’étiquetage ne passe pas à la déchiqueteuse ?

Il y a une inégalité cruellement inexplicable que nous affichons envers les animaux. On adore nos minous et nos toutous. On remue ciel et terre pour protéger les tigres et les baleines. Mais les cochons ? Bof. Pourtant, comme le déclarait si justement l’ex Beatle Paul McCartney : « Si les abattoirs avaient des murs de verre, tout le monde serait végétarien. »

Malgré un mouvement végé qui prend de l’ampleur, il y a 800 millions d’animaux d’abattus au Canada chaque année. Et cet appétit insatiable pour la protéine animale et le développement effréné de l’élevage industriel sont désormais devenus de véritables incubateurs à pandémie.

En plus, ces gigantesques complexes industriels polluent les cours d’eau et contaminent leur entourage, ce qui explique les éclosions récurrentes de salmonelle et E. coli qui contaminent nos oignons et nos laitues. Aux États-Unis, le problème de contamination des eaux est majeur et attribuable à l’ampleur des « CAFOs » — un acronyme pour Concentration Animal Feeding Operations —, des camps de concentration animaliers, gigantesques et industriels qui peuvent héberger des centaines à des millions d’animaux, pour maximiser leur croissance. (Au Canada, on les appelle des « Opérations d’élevage intensif ».)

Leur empreinte écologique est si déconcertante que le sénateur américain Cory Booker propose une nouvelle loi pour les éliminer graduellement d’ici 2040.

Bref Madame Bibeau, il serait grand temps d’emboîter le pas et d’encadrer ces géants.

Avant qu’on se retrouve les pieds dedans jusqu’aux genoux.

En 2017, au Québec, il s’est vendu 3 348 328 kg de pesticides pour la production végétale, soit l’équivalent en poids de près de 1 760 bélugas — ce qui est évidemment un chiffre fictif puisqu’il resterait seulement un peu plus d’un millier de bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent.

Toujours est-il que face à cette réalité, et aux préoccupations grandissantes dans la population, le gouvernement a produit un beau rapport (bleu) en février dernier sur le sujet, qui ne devait pas contenir de recommandations, puis, après une petite querelle politique comme on les aime, qui en contient finalement 32. Le problème : on nous sert majoritairement un « wish list » plutôt vague et flou, qui relève de l’évidence même, avec des phrases creuses comme : « Que le gouvernement fasse état de la situation des pesticides au Québec et agisse en conséquence, notamment par des mesures d’information et de sensibilisation. » Vous voyez le genre.

Parallèle à cela, il serait grand temps que le gouvernement revoie et revisite aussi le concept de la « ferme » au Québec, qui priorise systématiquement les mégafermes au détriment de tous ces jeunes agriculteurs qui rêvent d’une ferme à taille réduite, accessible, responsable et humaine, mais qui ne cadre pas dans les critères du ministère.

Si vous voulez tenter de comprendre l’absurdité à laquelle fait face toute personne qui veut cultiver la terre ou élever des bêtes autrement au Québec, on vous suggère l’excellent documentaire « La Ferme et son État » de Marc Séguin. (Mais gardez-vous des Gravols pas trop loin, c’est assez étourdissant.)

La bonne nouvelle est que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, aurait récemment déclaré aux députés qui ont pondu le rapport sur les pesticides qu’un Plan d’agriculture durable serait présenté au mois d’octobre.

On se croise les doigts et on retient notre souffle.
Mais on se réserve le droit de douter.

Et de rêver.

On le sait, quand il s’agit de trouver de coupables, on est plutôt habile à pointer du doigt au Québec.  Et même si nos élus on leur part de responsabilités dans l’engrenage alimentaire, il reste qu’une économie de libre marché a ceci de magique : elle réside sur le principe de l’offre et de la demande (sauf pour le milieu artistique, qui est plus axé sur l'offre et la quémande. Mais bon.) Autrement dit, quand il s’agit de manger, nous avons tous ce pouvoir singulier de faire bouger les choses, d’être un « vecteur de contagion » (pour utiliser un terme populaire), par l’entremise des choix et gestes que nous posons, à tous les jours.
Mais pour cela, il faut que l’alimentation soit recentré au coeur de nos priorités.

On doit exhiber la même fougue et passion pour se nourrir qu’on semble avoir pour se divertir ou se vêtir.

Une bonne bouffe ne doit pas être réservé pour le weekend, pour un événement familial ou mondain; cela devrait plutôt être une préoccupation constante, au quotidien.

Et avec les produits québécois qui représentent seulement 5% de ce que nous mangeons, nous sommes nettement plus préoccupés de savoir où sont fabriqués nos chandails, que où pousse notre ail.

Donc, avec cette rentrée qui s’amorce, faisons tous un petit devoir collectif de prendre le temps de mieux manger. De faire des choix alimentaires plus éclairés, que cela soit les produits qu’on consomme ou leur provenance.  Et surtout, de ne pas avoir peur de poser des questions et de se remettre en question.

Car le geste le plus concret qu’on peut faire pour notre santé et notre planète, commencera toujours dans notre assiette.

Bonne rentrée.

(Publié le 31/08/2020)

Comment savoir si vous mangez bio en 2 secondes

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Manger bio comporte des avantages, comme ingurgiter moins de pesticides nocifs ou de métaux lourds, ou encore, l’avantage de ne pas pisser du glyphosate.

Mais il n’est pas toujours facile de détecter un produit affiché bio au goût. Voici donc un truc assez simple pour vous rassurer : jeter un coup d’oeil au petit auto-collant chiffré qu’on retrouve normalement sur la majorité des fruits et légumes (et qu’on avale une fois sur deux sans le savoir).

Le numéro composé de quatre chiffres entre 3000 et 4000 est le code PLU(Price Look Up), un système mondial d’identification implanté et géré par l’International Federation for Produce Standards. 

Les fruits et légumes produits de façon conventionnelle ont tous quatre chiffres. Toutefois, si le numéro a cinq chiffres et qu’il commence avec un 9, cela signifie qu’il est bio.

Bien que ce système soit répandu, il n’est toutefois pas applicable aux fruits et légumes que vous achetez directement à la ferme ou d’un producteur dans un marché local.

Toutefois, dans ces cas, il existe une méthode ancestrale encore plus fiable de savoir si votre producteur fait du bio.

Vous pouvez le lui demander.

(Publié le 31/07/20)