Puisqu’on est dans la saison des virus et des contaminations, on en profite pour faire le point sur un aliment qui nous a causé sa part de malaises cette année : la salade romaine.

En effet, Santé Canada vient tout juste de lever son alerte sur la dernière éclosion de bactérie E. coli liée à la laitue romaine contaminée provenant de la région de Salinas, en Californie, ce qui soulève la question : coudon, comment se fait-il que la laitue romaine soit si problématique ?

Le diable est aux vaches

Oui, il y a le fait qu’on mange la laitue crue (à moins d’être vraiment fancy) ce qui fait qu’on ne peut pas neutraliser une bactérie sournoise qui peut s’y cacher en la cuisant.

Et il y a la quantité rocambolesque de laitue romaine qu’on bouffe ; elle représente à elle seule près du tiers de toute la laitue consommée aux États-Unis, avec un million de tonnes produites par année.

Car vous vous en doutez, la laitue romaine que vous trouvez en magasin en hiver provient majoritairement de la Californie ; elle est normalement plantée en août et récoltée en octobre.

Et une des raisons pour laquelle on installe des clôtures de huit pieds autour des périmètres de ces terres de laitues avec des sentinelles postées à des endroits stratégiques n’est pas d’empêcher l’arrivée de voleurs ou vandales végés mais plutôt d’animaux ; une bouse intrusive d’un animal égaré peut venir bousiller une récolte rapidement.

Mais le scénario de contamination à répétition soulève un problème à la fois endémique et énorme : la contamination des cours d’eau par les éleveurs de bétail avoisinants ; eau qui est par la suite utilisée pour arroser la laitue ; laitue qui se retrouve sur un camion puis au Super C de Laval et qui envoie Matante Lucille à l’hôpital deux semaines pendant les Fêtes.
Si vous avez encore des images bucoliques de vaches qui trottent allègrement dans de grands pâturages verdoyants de la Californie, du genre Heidi rencontre la Vache qui rit, on vous ramène tout de suite sur le plancher des vaches.
Aux États-Unis, le problème de contamination des eaux est majeur et attribuable à l’ampleur des « CAFOs » — un acronyme pour Concentration Animal Feeding Operations —, des camps de concentration animaliers, gigantesques et industriels qui peuvent héberger des centaines à des millions d’animaux, pour maximiser leur croissance. (Au Canada, on les appelle des « Opérations d’élevage intensif. »)

Leur empreinte écologique est si déconcertante que le sénateur Cory Booker propose une nouvelle loi pour les éliminer graduellement d’ici 2040.

Et ce genre d’opérations n’est pas étranger chez nous puisque selon le Sierra Club, on estime que les huit millions de porcs en Ontario produisent deux fois plus d’eaux usées brutes (ce qu’on appelle affectueusement du raw sewage) que l’ensemble de la population humaine de la province de l’Ontario.

Donc, malgré la récente implantation de nouveaux protocoles agricoles en Californie qui exigent que les eaux utilisées pour arroser la laitue soient testées quatre fois durant une culture, disons que le risque de contamination sera toujours présent, vu que la cause de la dernière éclosion n'a jamais vraiment été identifiée. 
En effet, lors de l'enquête, les chercheurs se sont finalement butés à… une loi américaine qui interdit les accès aux CAFOs.

Vous excuserez le jeu de mots, mais c’est vraiment le bout de la marde.

(Publié le 31/01/2020)