Amandes déshonorables

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Les noix — et particulièrement les amandes — ont une réputation solide sur le plan nutritionnel. Bonnes contre le cancer. Bonnes pour le cerveau. Contre le diabète. Bref, pas surprenant qu’on en fasse du lait, des collations et qu’on réutilise même les coques d’amandes pour faire de la bière, du plastique et de l’électricité. Sans surprise, l’amande est la noix la plus consommée au monde et 80 % proviennent de la Californie.

Mais voilà qu’un minuscule problème vient possiblement bouleverser l’avenir de notre collation préférée. Un parasite microscopique sournois au nom vraiment épeurant — le Varroa destructordécime des colonies entières d’abeilles en Californie. Moins d’abeilles, moins de pollinisation d’amandiers ; moins de pollinisation, moins d’amandes dans votre barre granola — le cercle de la vie, quoi. Les fermiers aux prises avec ce phénomène, qui s’ajoute déjà aux effets dévastateurs des pesticides — ont recours à une solution qui nous est familière ; face à une pénurie de main-d’oeuvre locale, on fait venir de l’aide d’ailleurs, dans ce cas-ci, des camions abeilles d’aussi loin que la Floride pour butiner.

Résultat : la Californie a malgré tout produit un record de 2,5 milliards de livres d’amandes, une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. Mais à quel prix ? Selon un récent sondage sur le terrain du Bee Informed Partnership, pas moins de 37,7 % des colonies d’abeilles aux États-Unis sont mortes en 2018, une véritable hécatombe qui n’augure rien de bon pour les prochaines saisons.

(publié le 28/06/2019)

Le portrait en chiffres

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+ 90 000 000

31 000 000 000

133 000 000

3 000 000 000 $

Nombre d'amandiers en Californie.

Abeilles nécessaires afin de polliniser ces amandiers.

Nombre d'abeilles qui se sont échappées suite à un accident de semi-remorque au Montana, le 11 juin dernier.

Chiffre d'affaires annuel des
services de pollinisation de fruits aux États-Unis.

Un peu plus de glyphosate avec vos céréales?

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Parlant déjeuner, cette semaine, une autre nouvelle qui nous a fait avaler notre café de travers. L’Environment Working Group(EWG) a testé en laboratoire plusieurs produits alimentaires destinés aux enfants —notamment des céréales et des barres tendres — pour détecter des traces de glyphosate, cet ingrédient jugé «probablement cancérigène» par l’Organisation mondiale de la santé, qui est au centre de la tourmente de l’herbicide Roundup de Monsanto.

Résultats des analyses :

+ Tous les 21 produits testés  - des Cheerios aux barres tendres Nature Valley— relevaient des traces de glyphosate

+ Les céréales ont particulièrement scoré fort sur l’indice glyphosate : les Cheerios Honey Nut  avaient une concentration de 833 parties par milliard (ppb) et les Cheerios Toasted Whole Grain Oat Cereal  enregistraient un taux de 729 ppb

+ Les scientifiques du Environmental Working Groupestiment que le seuil sécuritaire pour les enfants du glyphosate est de 160 ppb.

Pendant ce temps, chez nous, rappelons que Santé Canada avait maintenu son approbation de l’utilisation du glyphosate au pays.

Avec toutes ces informations inquiétantes et le récent congédiement de l’agronome Louis Robert qui avait dénoncé l’ingérence des firmes privées dans la recherche publique sur les pesticides, nos parlementaires québécois se penchent enfin sur l’utilisation de ces produits. Des élus à Québec remettent même en question le travail de l’organisme fédéral responsable de leur homologation. Et le premier ministre Legault a même présenté ses excuses à l'agronome aujourd'hui.

Entre temps, petite suggestion : Évitez donc les Cheerios au déjeuner.

(Publié le 14/06/2019)

L’entrevue sérieuse : James Kennedy

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Dans notre monde alimentaire de plus en plus technologique et chimique, James Kennedy livre un message aux antipodes de la tendance bio actuelle  — ce qui est peut-être prévisible, puisqu’il vit en Australie. Professeur de chimie et auteur du livre Fighting chemophobia, il a notamment attiré l'attention en publiant sur son blogue des fiches alimentaires de produits naturels comme la banane, le kiwi ou les bleuets— avec leur liste complète des composantes chimiques. Son message est à la fois percutant et controversé : notre monde entier est «chimique», donc il faut ne faut pas nécessairement capoter en voyant des gros mots sur nos étiquettes. Tout est dans le dosage. Et, toujours selon le professeur, notre phobie des produits chimiques et des pesticides est démesurée. Les Explorateurs culinaires l'ont rejoint Down Under pour obtenir un point de vue qu'on pourrait qualifier de différent. Vraiment. À vous de juger.

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Vous dites que notre préoccupation collective concernant les produits chimiques dans notre alimentation est irrationnelle…

Oui, elle l’est. La chimiophobie est une aversion ou peur des produits chimiques qui sont perçus comme toxiques, synthétiques ou autre. Ces types de phobies s'apparentent davantage à une personne devenue islamophobe en regardant une chaîne de nouvelles particulière ou homophobe en étant exposé à des messages particuliers. La bonne nouvelle c’est qu’il ne s’agit pas d’une véritable phobie clinique. En modifiant la qualité de l’information que nous diffusons et en aidant à mieux communiquer avec les gens, en leur enseignant la science et la chimie, nous pouvons réellement aider les gens à surmonter cette phobie, pour qu’ils se sentent mieux. Parce que le terme «chimique» est si vaste qu’il englobe littéralement tous les objets physiques de l’univers. Cela n’a aucun sens de juger de la qualité ou de la sécurité d’un aliment en utilisant ce terme. Et en plus de la substance, il y a son utilisation, son dosage - on ne peut donc pas l’utiliser pour juger si tout sur Terre est «bon» ou «mauvais».
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Mais la nourriture est un élément vital, n'est-il pas normal d'être préoccupé par la façon dont elle est produite?

 

Historiquement, produire et consommer notre propre nourriture faisait partie intégrante de nos vies de village. C’est une chose humaine qui remonte au début de l’agriculture. Toutefois, nous constatons aujourd’hui une tendance intéressante dans certains pays développés — aux Royaume-Uni, aux États-Unis en Australie et en Nouvelle-Zélande, notamment — où nous nous détachons volontairement de la manière dont nous produisons notre nourriture. Par exemple, nous ne voulons pas manger de la nourriture qui ressemble trop à des animaux, nous ne voulons pas manger de poissons ou de poulets avec la tête, nous sommes devenus un peu dédaigneux, ce qui est étrange car la plupart des autres pays ne le sont pas. C'est une tendance dans certains pays de l'Occident et c’est justement ces pays plus «délicats» qui sont les plus chimiophobes. Ils ont cette étrange attitude envers la nourriture : elle doit être propre et clinique, mais elle doit aussi être naturelle en même temps, et ils ne sont jamais satisfaits tant que ces critères ne sont pas remplis. Donc, oui, il était naturel d’être préoccupé par les origines de notre nourriture, mais plus maintenant. Nous ne voulons pas savoir. Je ne suis donc pas surpris que nous soyons non seulement dégoûtés du fait que nous abattions des animaux mais aussi que nous ajoutions des produits chimiques à nos aliments. Et tout cela, pour aucune raison valable.
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Vous avez déjà mentionné que les grandes entreprises sont les mieux placées pour étudier et tester leurs pesticides. Les récents jugements contre Monsanto démontrent pourtant que la compagnie n’a pas averti les consommateurs des risques de cancer et qu’elle a agi avec négligence. Comment réconciliez-vous cela?

 

Toutes ces poursuites ont eu lieux aux États-Unis. Pendant ce temps, au Canada, qui a une culture similaire et environ le dixième de la population, il n’y a eu aucun procès. (Note des Explos: une première demande d'autorisation d'action collective contre Monsanto a été déposée hier au Québec, et une autre en Saskatchewan la semaine dernière.) Les amendes et les paiements exigés sont astronomiques, et n’ont pas vraiment de sens. Je pense que nous devons reconnaître que le système juridique — et le système politique aux États-Unis — est quelque peu brisée, et détachée de la science. C'est une tendance inquiétante aux États-Unis, mais ce n'est pas un reflet de la science. Maintenant, lorsque ces causes seront portées en appel, je vous garantis que les jugements seront renversés, mais cela ne fera pas nécessairement la nouvelle. L’histoire de David contre Goliath est plus intéressante. Alors oui, je pense que les décisions ne sont pas basées sur la science et qu’elle seront finalement renversées. Parce que si nous suivons cette logique, nous nous retrouverons dans 10 ou 20 ans avec des poursuites contre tous ceux qui ont déjà cultivé des fines herbes - car elles contiennent également des substances cancérigènes. Le chou, le céleri — cela va finir où ? Cela devient simplement ridicule.
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Les agriculteurs biologiques utilisent-ils des pesticides?

 

Bien sûr. Premièrement, les plantes elles-mêmes produisent 99,99% des pesticides que nous ingérons quotidiennement et il n’existe aucun moyen de les éliminer. Ce sont des armes chimiques naturelles produites par les plantes car elles ne peuvent fuir les insectes ni les prédateurs. Ces pesticides naturels sont donc toujours présents, quelle que soit la provenance ou la culture, de manière conventionnelle ou biologique. Les agriculteurs biologiques pulvérisent-ils des pesticides supplémentaires? Oui ils le font. Et dans certains cas, les pesticides sont tout aussi toxiques que les pesticides synthétiques utilisés dans les fermes conventionnelles. Mais cela ne devrait cependant pas nous inquiéter, car les doses sont réglementées et testées. Celles-ci ont fait l'objet de nombreux tests et, s'il est vrai que les fermes biologiques utilisent généralement moins de pesticides, ils ne montrent aucun effet secondaires sur la santé. En fait, cela contribue à améliorer les rendements, et aucune différence nutritionnelle n’a été démontrée entre les cultures d’agriculture biologique et conventionnelle.
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Quelle est LA chose que vous voulez que nos lecteurs retiennent au sujet des produits chimiques et des aliments?

 

Utilisez tout selon le mode recommandé et aux doses prévues. Tout est toxique, allergène ou cancérigène à des doses ridicules. Cela inclut le pain, les bananes, l'eau, le café, les pesticides ... tout. Faites toujours confiance à votre professionnel de la santé, qui est de loin la source d’information médicale la plus fiable. Enfin, sachez que les entreprises, particulièrement les jeunes entreprises et leur force de marketing, se livreront à l’acte hautement irresponsable d’utiliser des terme comme «naturel» comme substitut pour «sécuritaire et efficace». Un produit «naturel» ne dit rien sur sa sécurité ou son efficacité. L'arsenic, la botuline, la variole, le mercure sont tous naturels mais sont hautement toxiques. Les produits «naturels» ne sont donc pas nécessairement meilleurs ou pires que les produits conventionnels. Ne vous laissez pas avoir par ces revendications douteuses. Le monde est plus sûr et plus propre aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été. Enjoy it!

Le portrait en chiffres

2$ MILLIARDS

Somme que Monsanto a été condamné à payer, le 13 mai dernier, à un couple septuagénaire atteint du cancer, en Californie.

2 153

Nombre d’entreprises agricoles avec la certification biologique au Québec (comparativement à 1 025 en 2006).

10 466 753

Ventes totales, en kilogrammes, de pesticides au Québec en 2017, une diminution de 1,3 % par rapport aux ventes de 2016.

13

Députés du Québec qui questionneront, en commission parlementaire à la fin mai, Santé Canada qui homologue les pesticides au pays, parfois en se basant uniquement sur les études fournies par les fabricants.

Un additif à prendre en grippe

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Avec le printemps qui arrive enfin, on peut se vanter d’avoir survécu à un autre hiver assez brutal merci, et aussi d’avoir passé à travers une saison de grippe plutôt virulente. Car le virus de l’influenza gagne incontestablement du terrain à chaque année, avec un nombre alarmant de 80,000 morts aux États-Unis en 2017-18 ainsi que deux fois plus d’hospitalisations au Canada cette année chez les jeunes de moins de 16 ans comparativement à l’an dernier. Quel rapport avec la bouffe vous dites? Justement.

Figurez-vous qu’une étude cette semaine de l’université d'État du Michigan démontre qu’un additif alimentaire couramment utilisé dans une panoplie de produits transformés — comme les frites McDonalds, les croquettes de poulet, le popcorn micro-onde, la margarine, les céréales et la gomme à mâcher  — aurait un effet secondaire dévastateur sur notre capacité de lutter contre la grippe.

En effet, le butylhydroquinone tertiaire (BHQT pour les intimes) viendrait sournoisement affaiblir notre système immunitaire notamment lorsqu’il s’agit de combattre la grippe, au point de même neutraliser l’efficacité des vaccins.

Autrement dit, pour utiliser des termes scientifiques, manger de la scrap scrapperait nos chances contre la grippe. Pour terminer, vous serez heureux d’apprendre que le butylhydroquinone tertiaire est une fabrication parfaitement artificielle, qu’il se retrouve aussi dans les vernis, les pesticides et les produits cosmétiques et qu’utilisé de façon judicieuse, il peut aussi vous rapporter 113 points au Scrabble.

(Publié le 5/04/2019)

Les 12 salopards

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Pendant que le nouveau Guide alimentaire canadien nous encourage à manger plus de fruits et légumes, voilà que l’Environment Working Group (EWG) aux États-Unis vient de publier sa liste annuelle de fruits et légumes les plus contaminés par des résidus de pesticides. Surnommée The Dirty Dozen, le Top 5 des cancres de cette année sont les fraises, les épinards, le kale, les nectarines et les pommes.

Et si vous pensiez résoudre la problème en rinçant vos aliments sous l’eau du robinet, sachez que les tests ont été effectués après avoir lavé et pelé les fruits ou légumes en question.

Quelques suggestions pour atténuer le phénomène :

+ Tremper vos légumes dans un mélange d’eau et de vinaigre une vingtaine de minutes
+ Utiliser de l’eau avec du bicarbonate pour les laver
+ Miser sur le bio pour ces aliments (à moins d’en connaître la provenance).

Mais rassurez-vous, tout n’est pas toxique. De l’autre côté du spectre, la EWG nous présente aussi sa liste des «Clean Fifteen» — les 15 immaculés — qui sont les plus propres. Le Top 5 de cette catégorie impeccable : les avocats, le maïs, les ananas, les pois congelés et les oignons.

(Publié le 22/03/2019)

FAIRE PATATE

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Parlant de produits transformés, un autre bel exemple du gâchis dans lequel on vit : la frite. Cela devrait pourtant être plutôt simple, non? Pomme de terre + huile = patate frite, right? Et bien non. La fameuse frite de McDonald contient pas moins de 19 ingrédients dont un en particulier — le diméthylpolysiloxanetrop — que des scientifiques japonais ont récemment identifié comme ingrédient pouvant enrayer…la calvitie.

Avec toute cette habile manipulation alimentaire, la frite de McDonald score fort dans le dernier palmarès de la meilleure frite « fast-food » aux États-Unis, compilé par le Los Angeles Times, terminant au 2e rang pour son goût.

Mais comme nous le rappelle le journaliste et écrivain Michael Pollan dans cette vidéo plutôt troublante, la quête de la frite parfaite chez McDonald a des effets secondaires néfastes, comme l’utilisation de pesticides si puissants, que les cultivateurs de patates de l’Idaho ne s’aventureront pas sur leurs terres cinq jours après l’avoir épandu. Joyeux festin.

(Publié le 21/02/2019)

La patate en chiffres

388 191 000

Tonnes de patates produites dans le monde en 2017.

550 410 

Tonnes de patates produites au Québec, 16 fois le poids du pont Jacques-Cartier.

510 

Calories dans une grosse frite chez McDo (un Big Mac en a 540).

4,3

Grammes de protéines dans une patate, l'équivalent d'un verre de lait.