L’ENTREVUE SÉRIEUSE AVEC MICHAEL MOSS

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L'ENTREVUE SÉRIEUSE AVEC MICHAEL MOSS:

Si une de vos résolutions en 2022 est de mieux manger — mais que vous êtes tout simplement incapable de déguster une poignée de Doritos sans voir le fond du sac trois minutes plus tard, les deux poignets orange et l’estomac noué de honte —, vous serez peut-être content d’apprendre que vous n’êtes pas seul. Et surtout, que vous n’êtes peut-être pas si responsable que ça de votre appétit vorace et compulsif pour la bouffe transformée.

Dans son plus récent livre intitulé Hooked : Food, Free Will, and How the Food Giants Exploit Our Addictions, l’auteur et journaliste d’enquête du New York Times Michael Moss a plongé pendant cinq ans dans le ventre de la bête du monde de la nourriture transformée.

« Je pense qu’en général, ils auraient préféré que je ne sois pas né, explique-t-il de sa relation avec les gens de l’industrie. Mais je pense qu’en bout de ligne, ils ont trouvé que le livre était dur, mais juste. J’aime à penser que le livre se lit comme un roman policier, je ne prêche pas, je m’infiltre dans les entreprises et j’explique, à l’aide de leurs propres documents et entretiens, avec leurs propres employés, comment elles procèdent. »

Le résultat est à la fois fascinant et effrayant, et selon lui ne laisse plus de doute : « Après mon travail sur Hooked, j’ai complètement changé d’avis, je suis absolument convaincu qu’à certains égards, leurs produits sont encore plus puissants que les cigarettes, l’alcool et l’héroïne dans la mesure où ils utilisent notre propre biologie contre nous pour détruire notre volonté et notre capacité de prendre de bonnes décisions. »

Aux Explorateurs culinaires cette semaine, on vous propose donc un entretien avec M. Moss, sur ses découvertes et ses conclusions, et sur cet irrésistible poison qu’est la malbouffe qui, rappelons-le, représente un marché de 2 billions de dollars sur la planète.

 

1. POURQUOI LEURS
PRODUITS SONT-ILS SI ATTIRANTS ? 

Dans son premier livre, Salt Sugar Fat : How the Food Giants Hooked Us,sorti en 2013, Moss avait abordé le sujet de la « Sainte-Trinité » des ingrédients utilisés par l’industrie alimentaire pour les rendre irrésistibles, soit le sel, le gras et le sucre. Réunis, ils créent un attrait quasi insurmontable pour nos cerveaux. Selon Moss, il s’agit certes d’un facteur important qui rend leurs produits si séduisants, mais il y a plus.

« Il y a aussi le marketing, parce qu’ils sont très forts pour trouver et toucher ces boutons émotionnels qui nous poussent à manger alors que nous n’avons même pas faim. Et finalement, ils ont trouvé des moyens d’exploiter notre nature fondamentale, les choses qui nous attirent vers la nourriture, qu’ils sont capables d’exploiter, de capitaliser et de retourner contre nous d’une manière qui n’est pas bonne pour notre santé.»

Pour résumer le phénomène, Moss cite la psychologue et neuroscientifique de Yale, Dana Small, qui a aussi travaillé à l’Université McGill : « Je pense qu’elle a très bien résumé la situation lorsqu’elle a dit que ce n’est pas tant que nous soyons dépendants de la nourriture — bien sûr que la nourriture est addictive, sinon nous ne mangerions pas et nous mourrions de faim —, c’est que la nature de notre nourriture a été modifiée de façon si radicale par ces entreprises que notre capacité génétique à composer avec n’a pas eu le temps de la rattraper. »

En plus des ingrédients, de la publicité, de la texture et de la couleur des aliments, les compagnies ont rapidement réalisé l’importance d’un autre facteur pour nous accrocher à leurs produits : la mémoire.

« Nos souvenirs entourant la nourriture sont très puissants, surtout quand on est enfant, quand nous mangeons quelque chose pour la première fois et que c’est bon. En goûtant, nous allons associer cela avec les autres aspects émotionnels du moment. Coca-Cola et Pepsi ont travaillé dur pour être dans les stades de baseball sachant que s’ils pouvaient mettre une boisson gazeuse dans les mains des enfants quand ils étaient avec leurs parents dans ce beau moment d’être à un match de baseball, ce soda sera à jamais associé à ce sentiment émotionnel. »

2. CE N’EST PAS TOUT LE MONDE QUI EST ACCRO. MAIS...

Cela dit, on connait tous quelqu’un qui est capable de dire non, ou qui peut certes flancher devant des chips à saveur « Roast beef mesquite » un soir devant la télé, puis ne plus en retoucher pendant des mois. De son propre aveu, Moss et sa famille se considèrent comme chanceux, ils sont capables de modération.

« Mais il est clair que certaines personnes ne peuvent pas se contenter de manger quelques biscuits Oreo ou une pizza surgelée une fois par mois.»

Pour ces gens, il est carrément préférable d’éviter ces produits, ce qui n’est pas toujours facile.

«J’ai rencontré des personnes qui ne peuvent pas toucher un grain de sucre sans perdre le contrôle. Pour eux, faire les courses c’est comme aller dans un champ de mines parce qu’il y a du sucre partout dans l’épicerie, dans les produits, c’est vraiment difficile.»

 

3. LES GOUVERNEMENTS NE PEUVENT PAS FAIRE GRAND-CHOSE 

Mais les statistiques démontrent clairement que nous sommes de plus en plus incapables de résister à ces produits. Les dommages collatéraux de la malbouffe se font en effet sentir aux quatre coins de la planète, avec une épidémie d’obésité mondiale qui fait des ravages, y compris ici où l’obésité et l’embonpoint touchent plus de 4 millions de Québécois. 

Afin de responsabiliser l'industrie, en 2003, Jazlyn Bradley et Ashley Pelman, deux jeunes femmes du Bronx, ont tenté de poursuivre McDonald’s pour leur obésité, mais le juge a rejeté la plainte, marquant un tournant dans le débat. Mais comme le relate Moss d’entrée de jeu dans son livre, par la suite, le lobby de l’industrie s’est immédiatement activé dans plusieurs États américains, aboutissant au Commonsense Consumption Act, une loi qui interdit désormais de tels futurs recours en justice dans 25 États.

Depuis, certaines villes comme Berkeley en Californie, penchent vers une taxe sur les boissons sucrées. D’autres pays comme le Chili, le Mexique ou la France, avec son Nutri Score, ont imposé un système d’étiquettes sur les produits pour aider les gens à prendre des décisions plus éclairées. Moss demeure sceptique face à ces initiatives.

« Le seul danger, c’est que ces entreprises sont très douées pour concevoir un produit qui pourrait leur donner le feu vert sur le devant de l’étiquette, mais qui n’est toujours pas un vrai aliment et qui n’est peut-être toujours pas vraiment bon pour vous de quelque manière que ce soit. Je pense donc que ce type d’intervention gouvernementale est un jeu qu’elles peuvent tourner à leur avantage. »

Pour ce qui est d’une intervention gouvernementale plus musclée, Moss ne croit pas aux résultats, surtout après le succès mitigé de l’initiative « Let’s Move » de Michelle Obama en 2010 qui avait fait de l’alimentation une priorité nationale aux États-Unis.

« Elle a travaillé très fort, mais elle n’a pas réussi à provoquer de véritables changements dans l’industrie alimentaire. En partie parce que les entreprises sont si puissantes et représentent tellement d’emplois et que le président Obama était confronté à une situation financière désastreuse lorsqu’il est entré en fonction. De sorte que tout ce que les entreprises auraient eu à faire est de dire “Regardez, vous allez perdre 10 000 ou 100 000 emplois en faisant cela.” Je ne suis donc pas très optimiste quant à l’intervention du gouvernement, je pense que cela doit venir de la base, par le biais de l’éducation, pour que nous exigions un réel changement et que cela se traduise par des décisions d’achat. Si les compagnies subissent une pression dans les épiceries en termes de ventes, ce sera incroyablement alarmant pour elles et elles changeront. »

Autrement dit, l’industrie n’est pas prête à chambarder une formule gagnante, à moins que cela ne soit payant. Une anecdote savoureuse dans le livre illustre bien ce propos : en 2007, Steve Yach a été embauché par Pepsi afin d’entreprendre un virage santé dans la panoplie de produits que la compagnie offrait. Après une rencontre avec le PDG sortant afin de discuter de sa nouvelle vision, ce dernier a ouvert un sac de Doritos et l’a vidé sur la table.

« Tu dois accepter que la rentabilité provienne de ceux-ci pendant un certain temps », lui a-t-il rappelé.

4. IL FAUT PARLER D’ALIMENTATION DANS LES ÉCOLES ET LES HÔPITAUX 

Parlant d’éducation, deux endroits où Moss voit une opportunité de changement sont les écoles et les hôpitaux.

«Oh ! mon Dieu, absolument ! Si j’étais roi pour un jour, chaque école aurait un jardin. Pas seulement pour nourrir les enfants, mais aussi pour les exciter pour des choses comme des radis. Et ensuite, chaque quartier aurait un magasin qui vendrait des radis frais. Chaque communauté aurait accès à des exploitations agricoles locales, et il y aurait des serres dans les régions du pays où il n’est pas possible de cultiver des légumes et des fruits frais, dont tous les nutritionnistes disent que nous devrions manger davantage.»

L’effet domino se traduirait par des produits frais plus abordables, même dans les déserts alimentaires.

«Certes, il y a dix choses qui doivent se produire, mais il est essentiel de commencer par la prochaine génération et de leur enseigner ce qu’est de la nourriture et la relation de notre corps avec les bons aliments. »

Pour ce qui est des hôpitaux, il voit là une occasion perdue de faire une réelle différence dans la vie des gens.

« Je pense que les médecins en formation commencent à s’intéresser à la nutrition. Mais c’est encore quelque chose d’assez nouveau. C’est tellement une occasion ratée d’aider les gens à s’informer sur l’alimentation lorsqu’ils sont à l’hôpital. Imaginez que vous êtes à l’hôpital, que vous arrivez, qu’ils vous sauvent la vie dans une salle d’urgence, puis que vous êtes hospitalisé. Pensez à ce moment-là si un nutritionniste pouvait venir et vous enseigner la valeur incroyable de la nourriture et vous apprendre comment faire les courses et préparer la nourriture? Mais le système de santé est tellement stressé par les problèmes immédiats de vie ou de mort que les soins préventifs à long terme lui sont plus difficiles. »

1. CE QUE NOUS RÉSERVE L’AVENIR 

L’industrie alimentaire a toujours été à l’affût des nouvelles tendances, c’est une des raisons qui a poussé Heinz à mettre la main sur Weight-Watchers en 1978 — afin de profiter « des deux côtés ». Moss remarque qu’elle se mobilise en ce moment sur plusieurs fronts pour mieux répondre à nos préoccupations alimentaires. Réduction de sel, de sucre et de gras en manipulant leurs produits. Réduction de produits chimiques ou d’ingrédients à consonance effrayante. Limite de 4 ou 5 ingrédients par produit.

« Ou encore, elles répondent à notre souhait de manger bio en ajoutant des mots comme “naturel” sur leur emballage — qui ne veut absolument rien dire. »

Les compagnies veulent aussi développer des aliments personnalisés, selon notre profil génétique. Comme l’écrivait un ancien dirigeant de Nestlé dans le livre Nutrition for a Better Life en 2016 : « À l’aide d’une capsule semblable à celle de Nespresso, les gens pourront prendre des cocktails de nutriments individuels ou préparer leur nourriture via des imprimantes 3D en fonction de recommandations de santé enregistrées électroniquement. »

Rien de rassurant quoi.

Mais un des plus grands changements mise sur une réduction — ou plutôt une substitution — du sucre.

« Les entreprises commencent à utiliser des édulcorants artificiels non caloriques, non seulement dans les boissons, mais aussi dans les produits alimentaires de tout genre, et parfois en combinaison, explique Moss. Vous voyez donc des puddings, des pains, des chips et d’autres produits contenant des édulcorants non caloriques, parfois naturels, parfois artificiels, et cela pourrait être une tendance inquiétante, car la science ne sait pas encore ce que ces produits font à notre cerveau et à notre intestin. »

À cet effet, le livre explique que des chercheurs d’Australie et d’Autriche ont mené une étude conjointe sur des mouches de fruits, en ajoutant un édulcorant artificiel populaire — le sucralose — à leur nourriture, pour voir quel effet il aurait sur leur comportement. Résultat : les mouches ont perdu la tête, ne pouvaient plus dormir, avaient un appétit insatiable, mais n’engraissaient pas pour autant, car elles étaient soudainement hyperactives.

« Dans l’ensemble, résume Moss, la tendance qu’on observe est que l’industrie essaie très fort de paraître mieux qu’elle ne l’est vraiment. »

Finalement, tout au long de ses recherches, Moss a remarqué une autre tendance qui en dit long sur l’ensemble de l’industrie.

« J’ai été frappé par le nombre de cadres supérieurs qui ont changé de camp, conclut-il. Non seulement ils ne mangent pas leurs propres produits, mais ils ont compris qu’ils sont allés trop loin, que nous sommes devenus trop dépendants. Les problèmes de santé causés par leurs produits sont si graves qu’ils ont quitté l’industrie des aliments transformés et travaillent maintenant pour de vraies entreprises alimentaires, en essayant de les aider. »

Textes et recherches: Stephane Banfi
(Publié le 01/02/2022)

OLIVIER SUR TERRE

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Avant que les grands froids nous fassent carrément oublier toutes les merveilles qui peuvent jaillir de ces quelques arpents de neige, nous saluons la petite révolution agricole qui balaie le Québec  en vous proposant un court documentaire original de 10 minutes — réalisé par Stephane Banfi et Laurianne Tremblay, et avec une musique originale de notre chef Patrice Gosselin de surcroît — qui en dit long sur l’histoire d’un homme et de sa passion, sur nos choix, nos choux et le chemin qu’il nous reste à parcourir.

10 LÉGUMES-FEUILLES POUR PIMPER VOTRE SALADE

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Feuilles de laitue. Tomates. Oignons verts. Huile. Vinaigre. Sel. Poivre.

Contrôle C, Contrôle V.

Si cela résume assez bien votre concept d’une salade estivale, on se permet cette semaine de partager une liste secrète qui vous aidera à sortir des sentiers battus, avec 10 légumes-feuilles pour vous aider à rehausser ou à pimper votre salade (pour utiliser un terme technique). Parce que rappelez-vous, une salade, c’est un peu comme un cabanon : on peut vraiment mettre n’importe quoi dedans.

10 LÉGUMES-FEUILLES POUR PIMPER VOTRE SALADE

Pour une laitue avec du caractère, du torque, rien ne bat la scarole. Croquante, frisée, légèrement amère — mais pas trop —, elle se mange crue ou même cuite. Utilisée parcimonieusement, elle rehaussera n’importe quelle salade, sans toutefois en prendre le contrôle. Car la scarole a le mérite de connaître sa place, de ne jamais s’imposer et, surtout, de ne jamais nous désappointer.

Lober de la roquette dans une salade est comme lui donner une nouvelle dimension, de la profondeur, du temps en bouche, de la hauteur. Pimentée et envoûtante, on vous suggère de bien la doser, car tout aliment qui est connu sous le nom de Rocket peut facilement créer des dommages collatéraux. Techniquement, la roquette n’est pas une laitue, mais plutôt un membre de la prestigieuse famille des crucifères et contient donc une panoplie de composés qui auraient des propriétés anticancéreuses. C’est une tenace vivace à la multiplication miraculeuse, alors si jamais vous êtes aux prises avec des plants de roquette envahissant dans votre jardin, n’hésitez surtout pas à en faire du pesto.

Les choux de Bruxelles sont un peu comme Gregory Charles — on aime, ou on n’aime pas. Mais si on ne savait pas qu’on les mangeait ? « Les choux de Bruxelles se mangent crus », nous confie notre chef Patrice Gosselin. « Vous n’avez qu’à les couper très, très finement et les parsemer dans une salade. Ils ajouteront du crunch et de la texture. »

Délicate et tendre, la mâche est aussi connue sous le nom de doucette — ce qui en dit long sur son goût de noisette. Laitue aux petites feuilles délicates qui ressemblent presque à des pétales, son contenu en bêta-carotène équivaut à 75 % de celui d’une même quantité de carottes, prouvant encore une fois qu’on ne doit pas toujours se fier aux apparences.

Tout le monde sait que le kale est king. Mais si on le transforme volontairement en chips au four ou on le broie à répétition pour nos smoothies, on est plutôt réticent à l’accepter tel quel dans nos salades. Avant tout parce que c’est un dur à cuire qui nous fait mâchouiller un peu trop. « Faites mariner quelques feuilles de kale dans une vinaigrette pendant une trentaine de minutes avant pour l’attendrir », nous suggère notre chef. « Ou pour les paresseux comme moi, 30 secondes au micro-ondes feront le travail. »

S’il y a une plante qui aurait une cause à porter devant les tribunaux de la Cour internationale de justice de La Haye pour discrimination végétale, c’est bien le pissenlit. Voyons voir. Oui, le pissenlit ajoute une merveilleuse pointe d’amertume dans toutes vos salades. Mais il y a plus. Ses propriétés médicinales ont été reconnues pendant des siècles par des médecins arabes, par les tribus autochtones comme les Iroquois et les Ojibwés ou encore par les Chinois. Une étude de 2006 confirmait les vertus antioxydantes, anticancéreuses et antidiabétiques de ses composés. Et ses fleurs jaunes resplendissantes favorisent la pollinisation et nourrissent les abeilles au printemps alors qu’il manque souvent de fleurs. Logiquement, face à cette feuille de route resplendissante, nous avons développé une industrie chimique toxique pour démoniser et pulvériser le pissenlit, et le cibler comme l’ennemi public numéro un de nos beaux gazons verts qui ne servent absolument à rien. Oui, son nom qui souligne ses propriétés diurétiques ne l’aide sûrement pas. L’anglais « dandelion » est beaucoup plus noble même s’il provient, ironiquement, du français « dents-de-lion » qui fait référence à ses feuilles édentées. Finalement, si vous vous êtes déjà demandé comment sa belle fleur jaune se métamorphosait magiquement, du jour au lendemain, en une belle boule de plumes légères et éphémères, eh bien, heureusement, il y a une vidéo pour cela. Et une fois pour toutes, laissez donc le pissenlit tranquille.

De la même famille que le pissenlit, le radicchio s’en est mieux tiré, sans doute grâce à sa belle couleur rouge violacé, sa rondeur et sa similitude au chou. Mais méfiez-vous, le radicchio n’est ni chou ni laitue, et son goût amer et prononcé ainsi que sa couleur vibrante en font un précieux ajout à n’importe quelle salade. « On vous suggère donc de le hacher finement ou à la mandoline japonaise avant de l’incorporer dans vos salades », nous recommande notre chef.

On le sait, l’endive est parfaite comme petit récipient comestible, cute et fancy,pour y déposer un pâté ou un tartare. Mais l’endive à son état pur et simple est tout aussi délicieuse et a le mérite d’ajouter du croustillant dans une salade avec une fine pointe d’amertume qui ne déstabilisera pas pour autant vos invités. Légumes qu’on fait pousser volontairement dans la noirceur pour leur donner leur couleur pâlotte, vous pouvez également hacher les endives finement ou, pour vraiment épater la belle-mère, les faire griller ou sauter dans de l’huile d’olive auparavant.

On termine avec des rejetons qui, franchement, méritent un meilleur sort. Primo, les fanes de rabioles. Si vous ne connaissez pas la rabiole, c’est un peu le nom de scène du navet blanc ou du navet d’été, qui a un goût à la fois piquant et sucré. Ses feuilles, qui se retrouvent tristement dans le compost, sont pourtant tout aussi délectables bouillies, cuites à la vapeur ou même crues, mélangées dans une salade composée, pour ajouter un peu de piquant et de pizzaz. Idem pour les feuilles de betteraves qui, subtilement incorporées dans une salade, donneront de la couleur et de la vie à votre plat, mais aussi généreront un goût mystérieux de… betteraves, prouvant hors de tout doute que le goût du rejeton n’est jamais bien loin du trognon.

Textes et recherches : Stephane Banfi
Publié le 12/07/2021

LES FINES HERBES

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Cette semaine aux Explorateurs culinaires, on profite pleinement de notre passage au vert avec un hommage aux fines herbes. On partage des informations sur quelques-unes de ces merveilleuses petites plantes qui agrémentent nos vies, ainsi que quelques trucs pratiques et conseils pour faire durer le plaisir toute l’année.

LE PERSIL

Herbe sous-estimée et rabaissée à un rôle purement ornemental, le persil est en fait très puissant. Il est non seulement riche en antioxydants qui aident à lutter contre le cancer, mais il contient une trôlée de vitamines. À titre d’exemple, une demi-tasse de persil, soit 30 grammes, fournit 108 %de l’apport quotidien en vitamine A et 547 % en vitamine K — ou peut-être un peu moins, si on tient compte de celui qui restera pris entre vos dents. Notre chef en profite pour vous livrer quelques trucs sur cette merveilleuse herbe. Et si vous avez des champs de persil verdoyant à n’en plus finir dans votre jardin et que vous redoutez de le voir s’affaisser à l’automne, sachez que le persil, un peu comme Walt Disney, résiste et se conserve très bien au froid. Un autre truc infaillible qui nous vient cette fois-ci de Nonna Bellucci : toujours avec vos doigts de fée, détacher délicatement les feuilles de persil des tiges. Les laver et le sécher comme avec un linge. Puis, bien entasser/paqueter les feuilles une par-dessus l’autre dans un pot de verre ou de yogourt, avec un couvercle, que vous garderez judicieusement fermé au congélateur. Au besoin, pour vos sauces, soupes ou mijotés, vous n’aurez qu’à puiser dans votre persil en grattant la surface avec une fourchette. Magie.

LE THYM

Quand une herbe a autrefois été brûlée dans un temple sacré (Grèce) ou a été utilisée pour embaumer des momies (devinez), elle mérite tout notre respect. Sans compter que le thym vient sous 400 différentes formes, a des pouvoirs antibactériens et contient aussi une pléiade de vitamines et de minéraux. Et en plus, il a un arôme particulier et un goût envoûtant que certains poètes ou adolescents québécois n’hésiteraient pas à qualifier de « débile ». Mais plus que tout, le thym est coriace et vivace, c’est-à-dire : il sait prendre sa place et revient chaque année plus fort, comme les taxes et Carey Price. Alors, n’hésitez surtout pas à saupoudrer vos plates-bandes — et vos plats — de thym, vous serez récompensé d’un tapis aromatisé irrésistible. Puis, quand viendra le temps de s’en servir, si vous n’avez pas la dextérité ou la patience pour en détacher les feuilles minuscules, notre chef chaman Patrice Gosselin vous confie son secret : « Parce que je suis foncièrement paresseux, je n’aime pas perdre mon temps à tirer sur chaque tige pour enlever les feuilles de thym. Alors ce que je fais souvent, c’est que je prends plusieurs branches, et je les hache directement sur ma planche, et j’arrête à l’endroit où la tige est plus ferme. » Comme dirait si bien Ti-Mé : « Thym Toé ».

LA FLEUR D'AIL 

Bon, on sait que techniquement, il ne s’agit pas d’une herbe, mais si vous faites pousser votre ail dans le jardin vous aurez sûrement remarqué ces belles tiges courbées qui jaillissent soudainement de vos plants, avec une grâce et une finesse insoupçonnée, un peu comme les Canadiens en séries de la Coupe Stanley. Primo, si vous souhaitez pleinement profiter de ces belles fleurs d’ail, il faut absolument les décapiter avant qu’elles ne durcissent trop et prennent trop d’envergure (communément appelée la méthode « Henri VIII »). Cela permettra au plant de se concentrer sur l’autre extrémité, prouvant que des fois, il est bon de perdre la tête pour mieux prendre son pied. Mais surtout, ne jetez pas ces fleurs ! Ces merveilleuses tiges peuvent servir en cuisine, comme rôties au four par exemple, dans la recette de chimichurri de notre chef, ou encore, vous pouvez en faire un délicieux pesto. Simplement les laver, les mettre dans un robot culinaire avec de l’huile d’olive, un peu de sel, des noix de pin et ajuster la texture à votre goût en dosant l’huile. Puis, vous n’avez qu’à transvider le pesto dans des petits pots Mason, couvrir d’huile et les garder au frigo. Vous aurez ainsi de l’ail liquide à votre disposition, en tout temps.

LE BASILIC 

Le basilic est un peu le top modèle des fines herbes ; il n’a pas vraiment besoin de présentation, tout le monde le connaît et il sent bon. Mais le basilic est aussi très sensible, a besoin de beaucoup de chaleur et, surtout, il réagit mal aux grands bouleversements. Oui, tout le monde sait qu’il est l’ingrédient principal du pesto (ou du pistou pour les Gaulois). Mais si vous aimez avoir de belles feuilles de basilic fraîches à portée de main, dans votre cuisine, à longueur d’année, vous pouvez toujours remplir votre lavabo de cuisine de terreau et en planter. Ou vous pouvez aussi cueillir des feuilles de basilic quand elles sont à leur apogée, les laver, les sécher, puis les enfiler délicatement dans un sac Ziploc, retirer le plus d’air possible avec une paille (sans trop s’époumoner) et garder le sac au congélateur. Elles conserveront miraculeusement leur vert — euh — verdoyant et seront prêtes à être utilisées à toutes les sauces. Littéralement.

Texte et recherches : Stephane Banfi
Publié le 28/06/2021

ZOOM SUR LA FRAISE

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La fraise est un fruit particulier. Primo, il y a ce fait plutôt inusité que parmi tous les fruits, la fraise est le seul qui porte ses graines à l’extérieur (insérer votre blague grivoise ici). On compte, en fait, plus de 200 graines par fruit. Mais il y a plus. C’est aussi le premier fruit qui est prêt à cueillir, généralement à la mi-juin. C’est un des rares fruits qui est cultivé dans chaque État des États-Unis et dans chaque province canadienne. C’est une vivace. Elle a fait l’objet (indirect) d’une chanson des Beatles. Il y a la lune des fraises. Et comble de l’ironie, vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que la fraise n’est techniquement pas une baie (comme un bleuet par exemple)… à cause de ses graines à l’extérieur. Finalement, si l’on veut tomber dans l’existentialisme botanique, sur le plan purement technique, la fraise elle-même n’est même pas un fruit ; c’est en fait chaque petite graine qu’elle contient qui est considérée comme le fruit. La fraise fait plutôt partie de la famille des roses, nous rappelant encore une fois qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences, surtout quand on porte ses graines à fleur de peau.

LES FRAISES ÉTAIENT VÉNÉRÉES DES CATHOLIQUES… MÊME TROP 

On sait que la pomme a une sale réputation dans la religion catholique, mais, étrangement, la fraise s’en sort plutôt bien merci, figurant dans de nombreuses peintures médiévales religieuses — dans les mains de la Vierge Marie par exemple, en bordure de peinture de l’Enfant Jésus comme décoration, ou en arrière-plan dans une peinture de 1420 intitulée « La Madone aux fraisiers ». Quelques années plus tard, l’image pure du fruit a été quelque peu… euh… pervertie ? dans l’oeuvre rocambolesque du peintre néerlandais Hieronymus Bosch datant de 1500 intitulée « Le jardin des délices », où l’on aperçoit, entre autres, trois hommes nus, pâles et lugubres, au regard tordu, qui mangent une fraise gigantesque avec une certaine idée troublante derrière la tête. On ne sait pas trop comment ce fruit qui symbolisait la pureté et la virginité s’est subitement transformé en symbole de sensualité et de désir, mais disons qu’on soupçonne que les Hollandais en fumaient du bon...

IL Y A PLUS DE 600 VARIÉTÉS DE FRAISES

C’est un peu le problème du 21e siècle : on prend un fruit ou un légume et on présume tout bêtement que l’aliment qu’on a en main est l’unique représentant de son espèce (un peu comme on fait pour les humains, malheureusement…). Bref, vous serez peut-être surpris d’apprendre que l’on compte près de 600 variétés de fraises, qui ont franchement des noms intéressants et qui remplissent différentes fonctions : comme, la Sweet Charlie, qui est plus sucrée, la Diamante, qui est plus large et brillante, idéale pour des fraises couvertes de chocolat, ou encore la Éros, qui, on soupçonne, était très prisée dans le temps médiéval. Toutes ces variétés font de la fraise un fruit très populaire sur le marché mondial, avec pas moins de 8,89 tonnes métriques produites en 2019, soit plus que l’avocat, le kiwi ou les cerises.

Comme cela devient une tendance, les Chinois sont devenus les plus grands producteurs et exportateurs de fraises, avec notamment 100 000 hectares de serres de fraises. Mais parfois, les résultats sont mitigés, comme l’ont appris à leurs dépens 11 000 pauvres écoliers allemands qui ont subi un virulent empoisonnement alimentaire après avoir mangé des fraises congelées à l’école… provenant de Chine.

Puisque nous sommes en Asie, les Japonais, eux, sont particulièrement friands de la fraise blanche, qu’ils surnomment la White Jewel (ou la Shiroi Houseki), qui est plus grosse, quasiment albinos, et qui à l’air assez répugnante, ce qui évidemment en fait un aliment de luxe au pays du Soleil-Levant, qui va chercher jusqu’à 10 $ US l’unité.

Chez nous, avec la volonté du gouvernement d’accroître notre autonomie alimentaire, on se tourne de plus en plus vers les serres pour une production de fraises plus stable, à longueur d’année, et qui utilise moins de fongicides, puisque plusieurs des maladies et des champignons qui les attaquent viennent du sol.
Mais peu importe celles que vous choisissez, deux petits conseils : 1. Il est toujours mieux de les acheter localement et en saison et 2. Vous pouvez facilement les conserver en les mettant sur une plaque au congélateur, puis en les transférant dans des sacs Ziploc pour usage tout au long de l’année, dans vos smoothies ou vos tartes. Et comme ça, vous ne serez pas malade.

CÔTÉ SANTÉ, LA FRAISE EST DURE À BATTRE

Sur le plan nutritionnel, la fraise a été étudiée de tout bord, et les résultats sont assez époustouflants, merci. Avant tout parce qu’elle contient plein de bonnes choses comme des antioxydants, en particulier des flavonoïdes, qui aident notamment à contrecarrer le cancer, et aussi… de la vitamine C. En effet, à poids égal, la fraise contient plus de vitamine C que l’orange, donc chapeau aux gens de marketing de l’orange qui ont vraiment fait de l’excellent travail. Car clairement, la fraise mérite aussi de monter sur le podium nutritionnel. Quelques exemples :

+ En 2013, une étude de la Harvard School of Public Health (HSPH), qui s’est basée sur les données de santé de 93 600 infirmières âgées de 25 à 42 ans, a révélé que manger trois portions ou plus de bleuets et de fraises chaque semaine peut réduire le risque de crise cardiaque. Les fraises contiennent de l’anthocyane, de la famille des flavonoïdes, qui serait bénéfique pour le cœur en améliorant la circulation sanguine et en luttant contre l’accumulation de plaque.

+ En 2014, des chercheurs italiens et espagnols ont eu une idée toute simple : on prend 23 volontaires, on leur tire un peu de sang, puis on les oblige à manger un demi-kilo de fraises par jour pendant un mois (soit une vingtaine de fraises par jour), et ensuite on retire encore un peu de sang et on compare. Génial, non ? Les résultats aussi :

- Une baisse de 8,78 % de cholestérol
- Chute de 13,72 % du « mauvais cholestérol »
- Baisse de 20,8 % de la quantité de triglycérides

+ Plus près de chez nous, en 2016, le professeur d’horticulture à l’Université Laval Yves Desjardins a dirigé une étude clinique sur une cinquantaine de personnes qui étaient légèrement obèses et qui souffraient d’un début de diabète de type 2. Une consommation quotidienne d’environ une tasse de fraises permettrait de régulariser la glycémie des personnes atteintes de diabète de type 2.

+ Et puis en 2019, on vous parlait d’une étude danoise qui a suivi pas moins de 56 048 participants sur une période de 23 ans. On a découvert que plus on consomme de flavonoïdes, qu’on retrouve notamment dans les fraises, plus le risque de mortalité baisse en général, surtout au niveau du cancer et des maladies cardiovasculaires. Constat doublement intéressant : le même effet a aussi été perçu chez les fumeurs et buveurs d’alcool, ce qui suggère que les flavonoïdes aident aussi ceux qui ne s’aident pas.

Bref, le constat semble être assez limpide : se paqueter la fraise de fraises est vraiment une bonne idée.

LA FRAISE CONTIENT BEAUCOUP DE PESTICIDES

Oui, autant que possible, on essaie de favoriser les fraises du Québec et heureusement elles sont assez bien identifiées et ne sont pas victimes du même flou géographique qui peut planer sur d’autres aliments du Québeccomme on l’a vu récemment.

Mais il est aussi bon de se rappeler que la fraise figure régulièrement sur la liste des « 12 salopards » aux États-Unis, ces fruits et légumes qui contiennent les plus grandes traces de pesticides.

Et qu’en est-il au Québec ?

Le dernier rapport du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a été déposé en juin 2020 et a analysé des échantillons de 18 fruits et légumes au Québec, entre avril 2018 et mars 2019, dont la fraise.

Au total, 87 échantillons de fraises ont été analysés : 17 biologiques et 70 provenant d’agriculture « conventionnelle ». Les 70 échantillons de fraises dites conventionnelles provenaient du Québec (32 échantillons), du Canada (4) et de l’international (34).

Voici le bulletin pour les 32 échantillons de fraises du Québec :

    • -  On a trouvé un total de 30 différents pesticides sur les 32 échantillons de fraises analysés.
    • -  97 % de tous les échantillons contenaient des traces d’au moins trois pesticides, ce qui en fait l’aliment le plus « contaminé » de la liste des aliments analysés provenant du Québec
    • -  78 % des échantillons contenaient cinq types de pesticides ou plus (comparativement à 45 % en 2016-2017, pour l’ensemble des fraises analysées)
    • -  Trois échantillons de fraises du Québec étaient non-conformes et contenaient du captane, de la cyperméthrine et du glyphosate. Les producteurs concernés ont fait l’objet d’un suivi du service d’inspection du MAPAQ.
    • -  Le rapport ne fait pas mention des analyses faites sur les fraises bios, et on espère que c’est pour des raisons évidentes.

Malgré le constat déconcertant, il est important de rappeler que le rapport mentionne d’emblée que « la vaste majorité des échantillons analysés respectaient les normes en vigueur ». Autrement dit, on a trouvé beaucoup de traces de pesticides, mais il semblerait que la majorité des quantités étaient faibles et conformes aux normes, mis à part les trois cas mentionnés. Aussi, aucun aliment n’a été rincé avant l’analyse et seules les parties non comestibles ont été retirées.

Mais ce qui est quand même inquiétant dans tout cela c’est que les normes sur lesquelles Santé Canada se base pour fixer les limites maximales de résidus de pesticides sont souvent issues de l’industrie. Donc, disons que cela peut soulever des questions de conflit d’intérêts (ben voyons).

Aussi, il y a l’effet « cocktail » des pesticides qui est encore très méconnu. Oui, on peut établir qu’un infime résidu de pesticides est inoffensif, mais qu’est-ce qui arrive quand votre fraise contient des résidus de sept pesticides différents ou plus, comme c’est le cas pour plus d’une fraise conventionnelle sur trois du Québec ?

Si vous ne voulez pas attendre la réponse, le bio demeure toujours une option.

(Publié le 22/06/2021)
Textes et recherches : Stephane Banfi

LES POÊLES

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Avec l’aide de notre chef Patrice Gosselin, on se penche sur une question existentielle qui a un impact majeur sur notre destin culinaire au quotidien, soit : quelle poêle utiliser dans notre cuisine ? À vrai dire, on n’a pas vraiment de mérite, la question nous a été lancée par courriel par la tenace et perspicace Ôde depuis un petit bout déjà, donc on s’est dit qu’on ferait d’une pierre deux coups en vous présentant un dossier spécial qui tentera de faire le tour de la question, mais sans y répondre directement. On espère quand même que cela peut vous aider, car comme tout le monde sait, les poêles ne sont pas éternelles.

LES FABRICANTS DE POÊLES
FONT DES AFFAIRES D'OR

Un peu comme pour les automobiles et les souliers de course, le prix des poêles peut fluctuer de façon parfaitement ridicule et les résultats ne sont garantis que si l’on sait vraiment s’en servir (et encore). Il y a une panoplie de facteurs qui entrent en ligne de compte pour justifier le prix d’une poêle. Primo, il y a le matériel utilisé. Le cuivre ou l’acier inoxydable étant plus dispendieux que l’aluminium, attendez-vous à une différence de prix marqué que vous pourrez souvent détecter au poids. Truc : si les veines de vos biceps font des spasmes à répétition lorsque vous faites votre sauté asiatique, c’est que vous avez une poêle de qualité. (Et surement du bon crédit aussi). Si vous êtes du genre que tout ce que vous touchez en cuisine devient or, cela tombe bien, il y a aussi la marque italienne de Baldassare Agnelli qui offre des batteries de cuisine plaquées or dans un beau catalogue de 292 pages en ligne. Le prix pour une petite casserole débute à 1500 $ US.

Puis il y a le nombre de plis d’une casserole, c’est-à-dire les couches de métal utilisées qui varient normalement entre 3, 5 et 7 pour les plus dispendieuses. Et il y a aussi la confection elle-même : la poêle est-elle façonnée par un artisan forgeron hellénique borgne, barbu et torse nu battant le fer chaud à mains nues sur un feu endiablé, dans une petite île perdue dans la mer d’Égée (on exagère à peine) ou votre poêle a-t-elle été assemblée dans une usine en Chine lors de la récréation ?

Et finalement, comme l’a si bien démontré ce petit alligator vert qui repose discrètement sur les chemises et t-shirts, il y a toujours la marque qui peut influencer, à tort ou à raison, le prix.

Tous ces facteurs nous amènent à une inévitable conclusion : l’industrie des casseroles est tellement devenue une énorme business qu’on estime franchir le cap des 4,6 milliards $ en 2024. Question de mettre les choses en perspective, c’est deux fois le produit national brut de la République centrafricaine. Des fois, il y a des données qui laissent carrément bouche bée.

LES CHOSES À RETENIR
AVANT DE CHOISIR VOTRE POÊLE

Plus que le prix, le métal, le look, ou la poignée ergonomique et aérodynamique de votre poêle, notre chef propose de faire un examen de conscience avant de faire son choix.

« Il faut parfois se regarder dans le miroir et se dire les vraies affaires. Par exemple, je ne suis pas toujours douillet avec mon équipement, confie-t-il, sans toutefois rentrer dans les détails. C’est pour cette raison que je n’investis jamais une fortune ridicule dans une batterie de cuisine. Je sais qu’elle finira inévitablement par s’user rapidement. »

Deuxièmement, il ne faut pas nécessairement se fier au prix et aux grandes marques fancy pour obtenir des résultats.

« Par exemple, j’ai remarqué que ma bonne vieille poêle The Rock fait encore le travail quand il s’agit de saisir des aliments et je l’utilise exclusivement pour cette tâche ingrate. »

Et puis, sous-jacent à tout cela, il y a aussi la question fondamentale : est-ce que vous cuisinez tant que cela ? « Si la cuisine est une corvée pour vous, ou si vous mettez les pieds dans la cuisine moins souvent que dans une bibliothèque publique, il n’est peut-être pas nécessaire d’hypothéquer l’avenir de vos enfants pour acheter une poêle ou une batterie de cuisine. »

Finalement, il y a la sensation de la poêle en main, que notre chef suggère de tester en magasin en simulant des mouvements, quitte à faire jaser autour de soi.

« Une poêle, c’est un peu comme des souliers de course, c’est l’outil de base qu’on va utiliser presque tous les jours, explique notre chef. Il est tout fait logique de l’essayer, de voir le feeling qu’elle procure, si on se sent à l’aise avec. Je n’achèterai jamais une poêle en ligne avant de l’avoir en main. Un peu comme un disque de Kathleen. »

TRUCS ET CONSEILS DE
NOTRE CHEF POUR VOS POÊLES

Restons calme avec le feu : On a tous cette tendance de vouloir tout faire cuire ou sauter rapidement, à la plus haute température possible, la pédale dans le tapis en hurlant du Golden Earring à tue-tête.
« C’est la pire chose à faire, surtout si vous utilisez la populaire poêle antiadhésive, souligne notre chef. Vous verrez qu’à la longue, ce type de cuisson fera non seulement décoller la surface, mais fera aussi en sorte de retrouver des mini-particules dans votre bouffe, ce qui, comme vous verrez plus tard, n’est pas nécessairement une bonne chose. »
Ce que recommande notre chef : « Oui, allez-y avec la chaleur au maximum pour saisir ou colorer vous aliments, mais pitié, baissez rapidement votre feu par la suite pour cuire ou mijoter. Vos poêles vous diront merci. Et votre famille aussi. »
Nettoyer prudemment : Règle générale, on veut éviter de récurer nos poêles avec une éponge trop abrasive ou agressive. Truc : si, lorsque vous frottez, il y a des flammèches qui sortent de l’évier, vous y allez peut-être un peu raide. « Pour chaque type de surface, il existe le bon équipement de nettoyage. » Aussi, on se permet de vous rappeler que si vous êtes devant une tâche plutôt coriace de nettoyage, vous pouvez toujours remplir la poêle d'eau bouillante et la laisser tremper la nuit. Vous pouvez du même coup la glisser dans les draps de vos enfants pour réchauffer leur lit en hiver. C’est magique.

Utiliser des outils appropriés lors de la cuisson : « Ai-je vraiment besoin de vous dire de ne pas utiliser des instruments en métal pour brasser vos préparations dans une poêle ? Que cela peut massacrer la surface ? Que cela va inévitablement l’achever prématurément ? C’est ce que je pensais. » Bref, le bois est toujours une valeur sûre comme outil en cuisine.

LES DANGERS DES POÊLES

Parlant de poêle antiadhésive, on sait qu’elle est devenue, à cause de son prix peu élevé et sa praticité, un incontournable dans la cuisine ; des mots comme T-fal et Téflon sont désormais connus aux quatre coins du globe — ce qui n’est malheureusement pas une bonne chose.
Car ce produit antiadhésif inventé par les génies de la compagnie 3M et utilisé à profusion par la compagnie DuPont — l’acide perfluorooctanoïque (communément appelée PFOA en anglais ou encore C8) — est un produit synthétique qu’on retrouve sur tout ce qui nous entoure : emballages pour fast food, vêtements imperméables genre Gore-Tex, boîtes à pizza, sacs à maïs soufflé pour micro-ondes, tapis, soie dentaire et, malheureusement, poêles en Téflon. Pourquoi malheureusement ? Parce qu’une minuscule présence du produit peut causer le cancer du rein et des testicules, des maladies de la thyroïde, un taux de cholestérol élevé, ou encore, des malformations à la naissance.
Cette triste histoire à rendre malade et qui a fait des ravages aux États-Unis a fait l’objet d’un premier article dans le New York Times en 2016, puis d’un documentaire à vous glacer le sang intitulé The Devil We Know en 2018.
Plus récemment, l’excellent film intitulé Dark Waters, avec Mark Ruffalo, retraçait cette incroyable histoire et la saga juridique de la plus grande contamination à l’échelle humaine qui a commencé par ce produit miracle que nous avons tous côtoyé à un moment dans nos cuisines : la poêle en Téflon.
En effet, selon une analyse de 2007 des données fournies par les Centers for Disease Control, le C8 est dans le sang de 99,7 % des Américains, et se retrouve également chez tous les animaux qui ont été testés par des scientifiques — même les ours polaires.
En 2015, DuPont a finalement arrêté d’utiliser le C8, le remplaçant par un nouveau produit jugé sécuritaire du nom de Gen-X, qui est fabriqué par une toute nouvelle société au nom poétique, Chemours, qui a été créée en 2015... par DuPont. Disons que cela n’inspire pas trop confiance.
Pour ce qui est des autres alternatives métalliques, si possible, éviter les poêles en métaux singuliers, du genre en fonte, en aluminium ou encore en cuivre. En fait, il y a deux facteurs à considérer : est-ce que le métal vient directement en contact avec la nourriture ? Et est-ce que vous utilisez cette poêle tous les jours ? Si les deux réponses sont oui, il serait peut-être préférable de regarder pour une autre option. Pourquoi ? On laisse le Dr Neal Barnard vous expliquer.

(Publié le 18/04/2021)