LES POÊLES

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Avec l’aide de notre chef Patrice Gosselin, on se penche sur une question existentielle qui a un impact majeur sur notre destin culinaire au quotidien, soit : quelle poêle utiliser dans notre cuisine ? À vrai dire, on n’a pas vraiment de mérite, la question nous a été lancée par courriel par la tenace et perspicace Ôde depuis un petit bout déjà, donc on s’est dit qu’on ferait d’une pierre deux coups en vous présentant un dossier spécial qui tentera de faire le tour de la question, mais sans y répondre directement. On espère quand même que cela peut vous aider, car comme tout le monde sait, les poêles ne sont pas éternelles.

LES FABRICANTS DE POÊLES
FONT DES AFFAIRES D'OR

Un peu comme pour les automobiles et les souliers de course, le prix des poêles peut fluctuer de façon parfaitement ridicule et les résultats ne sont garantis que si l’on sait vraiment s’en servir (et encore). Il y a une panoplie de facteurs qui entrent en ligne de compte pour justifier le prix d’une poêle. Primo, il y a le matériel utilisé. Le cuivre ou l’acier inoxydable étant plus dispendieux que l’aluminium, attendez-vous à une différence de prix marqué que vous pourrez souvent détecter au poids. Truc : si les veines de vos biceps font des spasmes à répétition lorsque vous faites votre sauté asiatique, c’est que vous avez une poêle de qualité. (Et surement du bon crédit aussi). Si vous êtes du genre que tout ce que vous touchez en cuisine devient or, cela tombe bien, il y a aussi la marque italienne de Baldassare Agnelli qui offre des batteries de cuisine plaquées or dans un beau catalogue de 292 pages en ligne. Le prix pour une petite casserole débute à 1500 $ US.

Puis il y a le nombre de plis d’une casserole, c’est-à-dire les couches de métal utilisées qui varient normalement entre 3, 5 et 7 pour les plus dispendieuses. Et il y a aussi la confection elle-même : la poêle est-elle façonnée par un artisan forgeron hellénique borgne, barbu et torse nu battant le fer chaud à mains nues sur un feu endiablé, dans une petite île perdue dans la mer d’Égée (on exagère à peine) ou votre poêle a-t-elle été assemblée dans une usine en Chine lors de la récréation ?

Et finalement, comme l’a si bien démontré ce petit alligator vert qui repose discrètement sur les chemises et t-shirts, il y a toujours la marque qui peut influencer, à tort ou à raison, le prix.

Tous ces facteurs nous amènent à une inévitable conclusion : l’industrie des casseroles est tellement devenue une énorme business qu’on estime franchir le cap des 4,6 milliards $ en 2024. Question de mettre les choses en perspective, c’est deux fois le produit national brut de la République centrafricaine. Des fois, il y a des données qui laissent carrément bouche bée.

LES CHOSES À RETENIR
AVANT DE CHOISIR VOTRE POÊLE

Plus que le prix, le métal, le look, ou la poignée ergonomique et aérodynamique de votre poêle, notre chef propose de faire un examen de conscience avant de faire son choix.

« Il faut parfois se regarder dans le miroir et se dire les vraies affaires. Par exemple, je ne suis pas toujours douillet avec mon équipement, confie-t-il, sans toutefois rentrer dans les détails. C’est pour cette raison que je n’investis jamais une fortune ridicule dans une batterie de cuisine. Je sais qu’elle finira inévitablement par s’user rapidement. »

Deuxièmement, il ne faut pas nécessairement se fier au prix et aux grandes marques fancy pour obtenir des résultats.

« Par exemple, j’ai remarqué que ma bonne vieille poêle The Rock fait encore le travail quand il s’agit de saisir des aliments et je l’utilise exclusivement pour cette tâche ingrate. »

Et puis, sous-jacent à tout cela, il y a aussi la question fondamentale : est-ce que vous cuisinez tant que cela ? « Si la cuisine est une corvée pour vous, ou si vous mettez les pieds dans la cuisine moins souvent que dans une bibliothèque publique, il n’est peut-être pas nécessaire d’hypothéquer l’avenir de vos enfants pour acheter une poêle ou une batterie de cuisine. »

Finalement, il y a la sensation de la poêle en main, que notre chef suggère de tester en magasin en simulant des mouvements, quitte à faire jaser autour de soi.

« Une poêle, c’est un peu comme des souliers de course, c’est l’outil de base qu’on va utiliser presque tous les jours, explique notre chef. Il est tout fait logique de l’essayer, de voir le feeling qu’elle procure, si on se sent à l’aise avec. Je n’achèterai jamais une poêle en ligne avant de l’avoir en main. Un peu comme un disque de Kathleen. »

TRUCS ET CONSEILS DE
NOTRE CHEF POUR VOS POÊLES

Restons calme avec le feu : On a tous cette tendance de vouloir tout faire cuire ou sauter rapidement, à la plus haute température possible, la pédale dans le tapis en hurlant du Golden Earring à tue-tête.
« C’est la pire chose à faire, surtout si vous utilisez la populaire poêle antiadhésive, souligne notre chef. Vous verrez qu’à la longue, ce type de cuisson fera non seulement décoller la surface, mais fera aussi en sorte de retrouver des mini-particules dans votre bouffe, ce qui, comme vous verrez plus tard, n’est pas nécessairement une bonne chose. »
Ce que recommande notre chef : « Oui, allez-y avec la chaleur au maximum pour saisir ou colorer vous aliments, mais pitié, baissez rapidement votre feu par la suite pour cuire ou mijoter. Vos poêles vous diront merci. Et votre famille aussi. »
Nettoyer prudemment : Règle générale, on veut éviter de récurer nos poêles avec une éponge trop abrasive ou agressive. Truc : si, lorsque vous frottez, il y a des flammèches qui sortent de l’évier, vous y allez peut-être un peu raide. « Pour chaque type de surface, il existe le bon équipement de nettoyage. » Aussi, on se permet de vous rappeler que si vous êtes devant une tâche plutôt coriace de nettoyage, vous pouvez toujours remplir la poêle d'eau bouillante et la laisser tremper la nuit. Vous pouvez du même coup la glisser dans les draps de vos enfants pour réchauffer leur lit en hiver. C’est magique.

Utiliser des outils appropriés lors de la cuisson : « Ai-je vraiment besoin de vous dire de ne pas utiliser des instruments en métal pour brasser vos préparations dans une poêle ? Que cela peut massacrer la surface ? Que cela va inévitablement l’achever prématurément ? C’est ce que je pensais. » Bref, le bois est toujours une valeur sûre comme outil en cuisine.

LES DANGERS DES POÊLES

Parlant de poêle antiadhésive, on sait qu’elle est devenue, à cause de son prix peu élevé et sa praticité, un incontournable dans la cuisine ; des mots comme T-fal et Téflon sont désormais connus aux quatre coins du globe — ce qui n’est malheureusement pas une bonne chose.
Car ce produit antiadhésif inventé par les génies de la compagnie 3M et utilisé à profusion par la compagnie DuPont — l’acide perfluorooctanoïque (communément appelée PFOA en anglais ou encore C8) — est un produit synthétique qu’on retrouve sur tout ce qui nous entoure : emballages pour fast food, vêtements imperméables genre Gore-Tex, boîtes à pizza, sacs à maïs soufflé pour micro-ondes, tapis, soie dentaire et, malheureusement, poêles en Téflon. Pourquoi malheureusement ? Parce qu’une minuscule présence du produit peut causer le cancer du rein et des testicules, des maladies de la thyroïde, un taux de cholestérol élevé, ou encore, des malformations à la naissance.
Cette triste histoire à rendre malade et qui a fait des ravages aux États-Unis a fait l’objet d’un premier article dans le New York Times en 2016, puis d’un documentaire à vous glacer le sang intitulé The Devil We Know en 2018.
Plus récemment, l’excellent film intitulé Dark Waters, avec Mark Ruffalo, retraçait cette incroyable histoire et la saga juridique de la plus grande contamination à l’échelle humaine qui a commencé par ce produit miracle que nous avons tous côtoyé à un moment dans nos cuisines : la poêle en Téflon.
En effet, selon une analyse de 2007 des données fournies par les Centers for Disease Control, le C8 est dans le sang de 99,7 % des Américains, et se retrouve également chez tous les animaux qui ont été testés par des scientifiques — même les ours polaires.
En 2015, DuPont a finalement arrêté d’utiliser le C8, le remplaçant par un nouveau produit jugé sécuritaire du nom de Gen-X, qui est fabriqué par une toute nouvelle société au nom poétique, Chemours, qui a été créée en 2015... par DuPont. Disons que cela n’inspire pas trop confiance.
Pour ce qui est des autres alternatives métalliques, si possible, éviter les poêles en métaux singuliers, du genre en fonte, en aluminium ou encore en cuivre. En fait, il y a deux facteurs à considérer : est-ce que le métal vient directement en contact avec la nourriture ? Et est-ce que vous utilisez cette poêle tous les jours ? Si les deux réponses sont oui, il serait peut-être préférable de regarder pour une autre option. Pourquoi ? On laisse le Dr Neal Barnard vous expliquer.

(Publié le 18/04/2021)

PETIT SUIVI SUR LES PESTICIDES

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Si vous gardez le pointage à la maison, vous savez que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, présentait, le 22 octobre dernier, son nouveau plan d’agriculture durable (« Le Plan ») qui a pour but, entre autres, de réduire l’utilisation des pesticides sur nos terres. Et justement, les pesticides sont revenus en force dans l’actualité récemment avec le lancement du livre Pour le bien de la terre, de l’agronome Louis Robert, qui avait sonné l’alarme concernant l’utilisation des pesticides au Québec et le rôle-conseil que les compagnies jouaient désormais auprès des agriculteurs.
« Les entreprises qui proposent des produits fertilisants et des pesticides (ont) la mainmise sur une partie de notre agriculture », peut-on notamment y lire.
Même le ministre Lamontagne a dû réagir au livre, admettant publiquement que « Oui, on utilise trop de pesticides » au Québec.
Louis Robert dénonce aussi l’utilisation massive de pesticides « tueurs d’abeilles », alors que scientifiquement, ils ne sont pas vraiment utiles dans un contexte québécois.
Manque de pot, le gouvernement canadien en a aussi remis une couche récemment en annonçant qu’il ne comptait pas interdire ces pesticides, mais plutôt imposer des « restrictions supplémentaires » qui entreront en vigueur d’ici deux ans.
Vu tous ces développements, et vu qu’on avait présenté un dossier assez exhaustif sur le sujet récemment, on se permet donc un petit suivi sur trois points précis concernant les pesticides et le fameux nouveau Plan d’agriculture qui, faut-il le rappeler, a été présenté en octobre dernier.

1. Qu’est-ce qu’on fait pour encourager les agriculteurs à utiliser moins de pesticides ?

Le ministre André Lamontagne avait expliqué, lors du lancement de son Plan en automne dernier, qu’« au moment où on se parle il y a des experts — entre guillemets — qui vont vraiment s’asseoir et la commande est de trouver une façon de rétribuer et d’encourager des nouveaux comportements ou des comportements qui vont au-delà des cadres réglementaires pour faire bouger l’aiguille ».

Il était question de lancer un projet pilote cette année, pour encourager les agriculteurs à réduire leur utilisation de pesticides et évaluer les résultats, pour ensuite éventuellement étendre le programme à la grandeur de la province en 2022.

Puisque nous sommes presque en juin et que les champs s’activent, on a posé la question au Ministère à savoir combien de fermes participent au projet pilote, quelles étaient les balises pour encadrer ce programme, les détails, etc. La réponse, en date du 6 mai :
« Le projet pilote qui se déroulera cet été, et qui sera géré par le Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA) dans le cadre de leur mandat, visera à tester une proposition préliminaire du mécanisme de rétribution auprès d’un groupe d’entreprises agricoles, en assurant notamment une représentativité des régions et des productions. À ce moment-ci, les modalités du projet pilote ne sont pas arrêtées. »

Autrement dit, après plus de 219 jours, la « commande » du ministre n’a pas encore été livrée et disons que l’aiguille n’a pas trop bougé. 

2. Et la Loi sur les agronomes ? 

Depuis 1990, le ministère de l’Agriculture s’est discrètement retiré de son rôle-conseil auprès des cultivateurs et laisse plutôt cette besogne… aux compagnies qui vendent des pesticides. Le nouveau Plan doit une fois pour toutes corriger cette aberration.

Le ministre Lamontagne a d’ailleurs rappelé en avril, en réaction au livre de Louis Robert, qu’il a demandé à sa collègue Danielle McCann, la ministre de l’Enseignement supérieur, de revoir la Loi sur les agronomes.

Le hic c’est que la demande avait déjà été faite (et annoncée) au mois d’octobre 2020.
Où en sommes-nous sept mois plus tard ?
« L’Ordre des professions du Québec poursuit ses travaux, et il doit remettre ses recommandations au maximum à l’automne prochain, ce qui mènera à la révision de la Loi sur les agronomes », de nous expliquer un relationniste du Ministère par courriel.
Du côté de l’Ordre des agronomes du Québec, après un échange de courriels, on nous a répondu le 5 mai : « La première rencontre avec l’Office des professions a eu lieu. Tel que mentionné dans mon courriel précédent : Dès que nous en saurons davantage, l’Ordre publiera les avancements dans ces différents outils de communication. »
Donc, 219 jours après l'annonce, on a eu droit à une première réunion.

C'est déjà ça.

3.… Et les abeilles qui sont mortes subitement ?

Finalement, puisqu’on parle de morts d’abeilles, en juin dernier, un apiculteur de Montérégie avait été sidéré de retrouver de ses millions d’abeilles mortes. Le ministre Lamontagne avait lui-même déclaré, lors d’une entrevue à la radio, que son ministère allait faire enquête.

Presque un an plus tard, on s’est permis de demander une copie des résultats de cette analyse, question de savoir ce qui peut bien entraîner des millions d’abeilles à subitement crever d’un coup sec, un bel après-midi d’été.

On nous a tout de suite indiqué qu’il fallait passer par l’accès à l’information.
Après avoir logé une demande en bonne et due forme pour connaître les résultats de l’analyse faite sur les abeilles, nous avons reçu une lettre assez costaude et rigoureuse de quatre pages, au sentiment d’urgence, nous informant que :
« … À cet égard, concernant les résultats d’analyse, il appert de l’analyse du dossier que nous ne pouvons y répondre favorablement, et ce, conformément aux articles 14, 23, 24, 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), ci-après “Loi sur l’accès” ».

On parle ensuite de protection de vie privée, Charte des droits et libertés de la personne et de secret professionnel.

On se permet une suggestion, comme ça : Et si on appliquait la même rigueur et le même sentiment d’urgence pour protéger la vie tout court à la place ?

(Publié le 29/05/2021)

SPÉCIAL : INSECTES COMESTIBLES

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Cette semaine aux Explorateurs culinaires, on profite de l’arrivée probable du printemps pour vous présenter un petit dossier qui nous chatouille depuis longtemps et qui saura surement piquer votre curiosité : on se penche sur le marché grandissant des insectes comestibles.

1. MANGER DES INSECTES N’EST PAS SI NOUVEAU QUE CELA

Si votre idée de manger des insectes se résume à dévorer le ver de terre qui traîne au fond d’une bouteille de mezcal ou d’avaler accidentellement un nuage de maringouins pendant une ballade en vélo, sachez qu’on estime que plus de 2 milliards de personnes consomment des insectes sur une base régulière. Pourquoi ? Comme le souligne si bien la nutritionniste Julie DesGroseillers, qui a découvert cet aliment lors de la rédaction de son livre PROTÉINES en 2018, on mange des insectes avant tout parce que ce n’est pas nouveau.
« Cette pratique que l’on nomme entomophagie date de la préhistoire, nous explique-t-elle. Nos lointains ancêtres, les Grands singes, étaient des insectivores. Aujourd’hui, manger et cuisiner des insectes est présent dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine. »
Plus près de chez nous, l’Insectarium a sans aucun doute mis les bibittes comestibles sur la carte au Québec avec son programme « Croque-Insectes », de 1993 à 2005, qui donnait la chance aux citoyens de déguster des sauterelles, entre autres. Puis, les petites bestioles sont tranquillement retournées sous leurs roches respectives jusqu’à ce que les Nations unies les fassent rejaillir avec un rapport qui recommandait l’élevage d’insectes pour une population grandissante, à cause de leur immense valeur nutritive et leur légère empreinte écologique.

Aujourd’hui, les insectes ont le vent dans les voiles et les petites créatures brassent de grosses affaires, car un récent rapport de Barclays prévoyait que le marché des insectes comestibles franchirait le cap de 8 milliards $ en 2030.

Et ce nuage d’insectes se propage aussi au Québec.

2. ON ÉLÈVE DES INSECTES ICI AUSSI

L’Association des éleveurs et transformateurs d’insectes du Québec (AÉTIQ) compte 30 éleveurs et producteurs d’insectes comestibles pour la rondelette somme de 100 tonnes de bibittes par année.
Dans ce lot de producteurs, la firme Tricycle, située à Montréal, tente de se démarquer avec une approche innovatrice, notamment en produisant 4 tonnes de ténébrions par année avec une empreinte écologique radicalement basse.

« On veut donner une troisième vie aux aliments, nous explique Louise Hénault-Ethier, responsable de l’innovation et de la recherche et développement chez Tricycle. On travaille sur une économie circulaire que je qualifierai de profonde. »

Et tout commence par 80 tonnes de résidus alimentaires que Tricycle réutilise afin de nourrir ses 44 millions de bestioles par année. Hénault-Éthier est en quelque sorte une alchimiste de rebuts, et tente de concocter dans son petit coin de laboratoire en inox, LA formule gagnante pour optimiser la croissance de ses bêtes, en utilisant des résidus alimentaires du quartier — de la pulpe des jus Loop en passant par de la drêche de la Brasserie Etoh, sans oublier des restes de meunerie de la Boulangerie Jarry. Résultat : 93 % des intrants utilisés dans l’élevage sont des résidus organiques collectés dans un rayon de 5 km.

Pour ceux qui pensent que l’élevage d’insectes est un « free-for-all » et qu’on les laisse se multiplier exponentiellement en liberté, c’est tout le contraire. Chez Tricycle, l’élevage se fait dans une pièce rectangulaire de 800 pieds carrés, dans des bacs en plastique empilés 10 de haut, chaque tiroir savamment identifié avec un numéro de 12 chiffres pour sa traçabilité.
La croissance des insectes est supervisée de près, dans un environnement contrôlé entre 25 et 28 degrés, à 60 % d’humidité.

Nourris un mélange de nourriture humide et sèche, les vers sont récoltés à l’étape de larves, pour ensuite être déshydratés et puis vendus, soit entiers soit en poudre, sur leur site web ou à des transformateurs.
En tout, le processus d’élevage d’un ténébrion, de la ponte à la larve, prend trois mois.

« Ils sortent des poulets pas mal plus vite !, s’exclame Hénault-Éthier. Mais on fait de la recherche sur l’élevage de poulet depuis des siècles. Nous, on commence à peine. »

Mais ce n’est pas tout. Les excréments des insectes ainsi que les morceaux de carapaces sont ensuite récupérés afin d’en faire un puissant engrais — le frass — qui, selon les expériences menées par Tricycle, augmenterait de 16 fois la production de légumes.
La jeune compagnie en pleine croissance voit tellement de possibilités qu’elle est déjà en pourparlers afin d’agrandir sa production, dans de nouvelles installations, afin de mieux rivaliser avec les producteurs européens et asiatiques.

Tricycle offre aussi ses services d’accompagnement pour toute entreprise qui serait tentée de faire le saut dans ce nouveau domaine.

« On veut être un centre de référence pour eux, explique Hénault-Éthier. On veut bâtir un réseau de fermes interconnectées pour être capable de déployer à travers le Québec plein d’élevages d’insectes. »
En parallèle, et même si l’entreprise a été ralentie par la pandémie, Tricycle collabore aussi avec des chefs comme Richard Desjardins de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) afin de changer la perception des insectes où cela compte sans doute le plus : dans nos assiettes.

3.  ON EN MANGE DÉJÀ MAIS ON NE LE SAIT PAS

On ne vous apprendra rien en vous disant que l’humain carnivore, en plus de faire de bien mauvais choix alimentaires, fait aussi beaucoup de discrimination animale dans son assiette — notamment en refusant de manger des animaux dits « cutes ». Pas surprenant, donc, que cette logique tordue s’étende aussi aux insectes.

Pendant qu’on a tous un blocage psychologique à avaler une chenille, on a hissé les escargots et les crevettes — qui sont vraiment des insectes marins, come on ! — au statut de fine cuisine. Et pour ceux qui se sont déjà donné la peine de bien étudier un homard, vous y découvrirez tous les aspects d’un insecte géant. D’ailleurs, la ligne entre les insectes et les crustacés est plus floue qu’on le pense : les gens allergiques aux crustacés ont de fortes chances de l’être aussi aux insectes.

« C’est un problème culturel », résume le chef Jean-Louis Thémistocle, qui a grandi à Madagascar où les tables de cacahuètes côtoyaient celles des sauterelles dans les marchés publics. Mieux connu sous le nom de Chef Thémis, il a été un des pionniers des insectes comestibles en cuisine au Québec notamment avec son livre Des Insectes à croquer paru en 1997.

« Ce n’est pas le goût qui est repoussant, c’est l’idée de manger des bibittes, poursuit-il. Ce n’est pas un réflexe. La seule chose qui va faire changer cela c’est la gourmandise. Quand les chefs vont embarquer et les mettre sur leurs cartes, et que cela se démocratise par le goût. »
Le chef Richard Desjardins, professeur à l’ITHQ, essaie justement de changer les mentalités en obligeant ses élèves à cuisiner avec des insectes dans un de ses cours.
« Il y a un côté éducation, explique Richard Desjardins. C’est toujours la question : qu’est-ce qu’on fait avec cela ? Il faut trouver des façons de les cuisiner, c’est cela que les gens veulent savoir. »
Pour sa part, Desjardins voit le rôle des insectes dans nos assiettes comme des compléments, qui peuvent facilement agrémenter et rehausser des risottos, muffins, des vinaigrettes, des biscuits ou des sauces.
« On ne se fera pas une brochette de ténébrions, résume-t-il. Ils sont plutôt là comme un apport, pas comme plat principal. »

Mais l’ironie dans tout cela est qu’on en mange probablement déjà sans le savoir.

« En moyenne, on mange un demi-kilo d’insectes par année, explique Étienne Normandin, responsable de la production et entomologiste chez Tricycle. Il y a des fragments d’insectes dans la farine, le beurre d’arachide, le chocolat, dans le jus de tomate et de fruits, dans la bière. Il y a un seuil d’acceptabilité pour des résidus d’insectes dans beaucoup de produits. Parce que quand la moissonneuse passe dans les champs, il n’y a pas un petit bras qui sort pour dire “pas de criquets, pas de coccinelles”. Alors ils se ramassent dans nos Cheerios et nos Cornflakes. »

4. ILS SONT INTÉRESSANTS SUR LE PLAN NUTRITIONNEL

Même si la réputation des insectes sur le plan nutritionnel n’est plus à faire, il est quand même impressionnant de constater que tant de bonnes choses peuvent se retrouver dans de si petites bestioles, d’autant plus qu’on les considère souvent comme nuisibles.

« Les insectes sont intéressants d’un point de vue nutritionnel puisqu’ils sont riches en protéines et en minéraux, tout en offrant peu de matières grasses », résume la nutritionniste Julie DesGroseillers.
L’étiquette d’un sachet de ténébrions de chez Tricycle est assez révélatrice : le sac contient 58 % de protéines, en plus de la vitamine B12, du zinc et du fer.
« Et comme il s’agit d’une protéine animale, la farine d’insectes contient tous les acides aminés essentiels, ce qui en fait une protéine complète d’excellente qualité, conclut-elle. Par exemple, à poids égal, la farine de grillons possède deux fois plus de protéines que le bœuf. »

Sans surprise, à cause de leur poids nutritif, on retrouve désormais des insectes un peu partout : des chips à la nourriture animale en passant par des barres alimentaires protéinées. Il y a même de la poudre d’insectes du Choix du président — c’est bien pour dire.

Et selon Julie DesGroseillers, c’est un peu ce même rôle qu’ils peuvent jouer dans votre cuisine.
« Actuellement, la façon la plus accessible de manger des insectes est sous forme de farine, qui est en fait de la poudre d’insectes. Il s’agit d’une belle façon d’apporter de la variété à votre menu, tout en consommant des protéines de façon originale et écologique. »

Mais maintenant qu’on sait quoi faire avec, passons à la question qui vous brûle en bouche.

5. CELA GOÛTE QUOI ?

Comme tous les goûts sont dans la nature — et que la nature nous offre près de 1 900 espèces d’insectes comestibles —, tout va évidemment dépendre de l’insecte que vous déciderez de croquer. On préfère donc partager quelques commentaires reçus durant nos recherches pour ce dossier.
Chef Thémis : « Les sauterelles, quand elles sont frites, sont très près des fruits de mer. Et les fourmis ont un goût plus acide. »
Louise Hénault-Éthier : « Le goût du ténébrion va varier selon son mode de préparation. Déshydraté à basse température, il y a des notes de champignons crus et d’algues. À haute température, il y a un goût de café, cacao qui va ressortir et aussi un goût de grains de popcorn pas éclatés dans le fond du chaudron. »
Julie DesGroseillers : « J’ai tout de suite été fascinée par la saveur de la poudre de grillons qui rappelle la noisette grillée alors que sa couleur ajoute une teinte “chocolatée” aux recettes. »
De mon côté, les ténébrions séchés goûtaient à s’y méprendre à cette petite peau foncée qui entoure les arachides et ont la même texture que des miettes de chips qui traînent obstinément dans le fond d’un sac. Je m’amuse donc à les dissimuler dans les plats de mes ados paresseux, à leur insu. J’y vois là une belle façon de les faire manger santé. (Et de leur rappeler que je peux encore leur faire avaler ce que je veux.)
Mais pour conclure ce minuscule dossier, on cède la parole à notre chef Patrice Gosselin, qui utilisait les insectes pour une première fois en cuisine, avec une nouvelle recette qu’il partage avec nous.

6. RECETTE : HAMBURGER STEAK DE PORTOBELLO

« Je trouve la poudre de ténébrions vraiment facile à utiliser et à intégrer dans les recettes pour s’initier, constate le chef Patrice. Pour cette recette de hamburger steak de portobello, j’ai simplement saupoudré les deux côtés des champignons de poudre de ténébrions pour les griller par la suite. Le goût est subtil et surprenant. Cela rappelle légèrement une viande poêlée ou grillée. C’est vraiment à essayer. Et en plus, cela ne masque pas le goût. Cela ajoute plutôt un petit quelque chose de vraiment agréable. »

Textes, recherches et montage : Stephane Banfi
Recette : Patrice Gosselin
Publié le 11/05/2021

À LA DÉCOUVERTE DES BLUE ZONES

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Si vous ne les connaissez pas, il s’agit de ces cinq petits coins de paradis qui, curieusement, regorgent de centenaires de façon presque éhontée et qui ont fait l’objet d’un livre par le journaliste Dan Buettner en 2008. Pourquoi cette longévité exagérée ? Plusieurs facteurs. À cause de leur mode de vie. À cause du sentiment de communauté qu’ils cultivent. Parce que les gens de ces endroits demeurent toujours actifs, à tout âge, et proches de leurs familles.

Mais fait important à souligner, ces cinq communautés prônent également, à quelques exceptions près, une alimentation toute simple, sans prétention, qui est en grande majorité à base de plantes. Et oui — ils boivent aussi majoritairement du vin, mais avec modération.

En fait, après un peu de recherches, on découvre que le secret d’une vie longue et heureuse n’est pas si compliqué. Il commence par les gens qui vous entourent. Votre disposition, votre degré d’activité et le but que vous vous donnez pendant votre bref passage sur cette planète. Et surtout — encore et toujours —, il commence par ce que vous décidez de mettre dans votre assiette.

On vous propose donc un petit résumé de chaque endroit, accompagné d’une recette originale de notre chef Patrice Gosselin, inspirée par ces sites féériques. Et au passage, on remercie évidemment M. Buettner pour ses superbes découvertes et informations.

Bon voyage. On lâche pas.

LA RÉGION DE BARBAGIA (SARDAIGNE) 

En Italie — et particulièrement dans cette région montagneuse de la Sardaigne —, quand on propose un toast, on lève son verre de Cannonauet on ne dit pas « santé », « prosit » ou « fond de swamp », mais bien cent’anni, qui veut littéralement dire « 100 ans ». En fait, ce qu’on veut dire c’est « que vous puissiez vivre jusqu’à 100 ans », mais on a choisi de raccourcir pour que cela soit plus pratique et éloquent. Et ça marche. On y trouve 10 fois plus de centenaires par habitant qu’aux États-Unis. Car les résidents de cette région, qui sont plutôt isolés sur le plan culturel, ont réussi à conserver un mode de vie sain et très traditionnel.

Oui, les Sardes chassent, pêchent et récoltent toujours la nourriture qu’ils mangent. Ils restent proches de leurs amis et de leur famille tout au long de leur vie. Mais il y a aussi la bouffe sarde classique qui contient du pain de grains entiers, des légumineuses, des légumes du jardin, des fruits et, dans certaines parties de l’île, de l’huile de mastic. La viande est en grande partie réservée aux dimanches ou uniquement pour les occasions spéciales. Et tout aussi important, il appert que les Sardes rient et aiment boire du vin ensemble. À regarder les magnifiques montagnes qui se confondent doucement vers la mer azur, on pense qu’on en ferait autant si on était là. Surtout en février.

L'ÎLE D'IKARIA (GRÈCE) 

Sur l’île grecque d’Ikaria, il y a une population de 10 000 personnes qui vivent de 8 à 10 ans de plus que la moyenne américaine, avec la moitié du taux de maladies cardiaques, beaucoup moins de cancer et, surtout, presque aucun cas de démence. Si vous vivez en Amérique et que vous vous rendez à 85 ans, il y a de fortes chances que vous ayez la maladie d’Alzheimer.

Sur Ikaria, votre chance est de moins de 10 %. Pourquoi ? Les habitants mangent une version assez radicale de la diète méditerranéenne avec beaucoup de fruits et de légumes, des grains entiers, des haricots et des légumineuses, du vin rouge et de l’huile d’olive, mais avec une exception marquée : ils consomment beaucoup moins de poisson et de viande, et beaucoup plus de légumes verts, dont plusieurs sauvages qui contiennent une tonne d’antioxydants.

Ils concoctent aussi régulièrement des thés à base de plantes et fines herbes environnantes, comme l’origan, le pissenlit, la sauge et le romarin, qui auraient un effet thérapeutique. Et finalement, il y a aussi ce fait indéniable : quand on vit sur une île grecque dans la mer d’Égée, on a tendance à stresser un peu moins en général pour pas mal tout.

L'ÎLE D'OKINAWA (JAPON)

Cette série d’îles au sud du Japon a déjà été appelée la Terre des immortels — cela vous donne une idée. Les habitants d’Okinawa ont moins de cancer, de maladies cardiaques et de démence que nous, et les femmes y vivent plus longtemps que toute autre femme sur la planète. Il y a certes leur cuisine à base de légumes sautés, de patates douces et de soja, comme le tofu et le miso, qui sont riches en nutriments et faibles en calories, qui aide. Aussi, presque tous les centenaires d’Okinawa cultivent ou cultivaient autrefois un jardin. C’est avant tout une source d’activité physique quotidienne qui aide à réduire le stress. Et c’est aussi une maudite bonne façon de s’assurer de la qualité et de la fraîcheur de ses produits. Mais au-delà de l’assiette, il y a deux mots puissants à retenir — extraordinaires en fait — qui n’existent tout simplement pas ici et qui démontrent à eux seuls à quel point on a encore du chemin à faire.

Le premier est « ikigai » qui est, en quelque sorte, ce sentiment profond d’avoir un but dans la vie, une sorte de force motrice qui les motive et les alimente. Les centenaires d’Okinawa savent pourquoi ils se lèvent le matin, et on soupçonne que ce n’est pas pour regarder Big Brother Célébrités. Et puis il y a « moai », qui n’est rien de moins qu’un véritable réseau social… à vie. Originalement créé pour rassembler les ressources d’un village pour des projets ou des travaux publics, le concept s’est étendu pour devenir un réseau de soutien moral et amical. Comment cela fonctionne ? Simple : traditionnellement, des groupes d’environ cinq enfants sont jumelés avec cinq autres avec le serment d’être engagés envers chacun… pour la vie. Certains moais se rencontrent donc quelques fois par semaine pour partager, rire, s’entraider, prendre conseil… pendant plus de 90 ans. Et on est pas mal sûr qu’ils ne sont pas sur Facebook.

LA PENINSULE DE NICOYA (COSTA RICA) 

Quand on connait un peu la triste histoire de cette région de l’Amérique centrale, on n’aurait jamais pensé trouver un terreau de centenaires sur une péninsule à quelques kilomètres au sud du Nicaragua. Et pourtant. Peut-être y a-t-il quelque chose dans l’eau ? Apparemment oui — l’eau de la région a la teneur en calcium la plus élevée au pays, ce qui expliquerait le bas taux de maladies cardiaques, ainsi que des os plus solides et moins de fractures de la hanche chez les villageois. Mais il y a plus.

Les centenaires de cette région, dont on retrouve les nombreuses photos fièrement affichées dans le centre du village, ont un plan de vida, ou une raison de vivre, qui les tient actifs. (Comme une dame de 101 ans qui fend encore son bois, par exemple.) Ils misent beaucoup sur la famille et sur un don ancestral qui se perd dans notre monde toujours plus cacophonique : l’écoute. Et plus que tout, côté famille, ils avouent avoir eu la chance de passer une majeure partie de leur vie en compagnie des « trois sœurs » de l’agriculture qui nourrissent la région depuis plus de 3 000 ans : la courge, le maïs et les légumineuses. Visiblement, ils sont entre bonnes mains.

LOMA LINDA (CALIFORNIE) 

Et puis il y a les Adventistes, cette petite communauté religieuse de Loma Linda, en Californie, qui défie toutes les statistiques de santé publique américaine avec un pourcentage de centenaires ridiculement élevé. Fondée en 1840, elle représente une anomalie qui refuse de céder devant l’ouragan de malbouffe et d’obésité qui balaie le pays.
Par exemple, il y a Ellsworth Wareham, ce chirugien cardiaque qui opérait encore des patients jusqu'à l'âge de... 95 ans. Ellsworth est devenu végétalien après avoir remarqué que les artères des mangeurs de viande étaient « crunchy » au toucher pendant que les artères de ses patients végétaliens étaient souples. (Il est décédé à 104 ans).
En plus d’être majoritairement végétariens, les Adventistes s’inspirent beaucoup de la fameuse citation « Le matin, mange comme un roi, à midi mange comme un prince et le soir comme un mendiant ».

Étant religieux, ils misent aussi sur le volontariat et l’entraide dans leur communauté, ne boivent pas et ne fument pas, mettent tout sur pause le samedi — et non le dimanche — et ils croient aussi que Jésus reviendra un jour.

En fait, selon le fondateur du mouvement, William Miller, le Christ devait effectuer un retour le 22 octobre 1844, mais il ne s’est finalement jamais pointé, poussant les Adventistes à réviser leurs croyances (et, on présume, à réviser leur leadership ainsi que leurs plans pour le 23 octobre). Si les croyances peuvent parfois être trompeuses, elles peuvent aussi inspirer, puisque c’est dans la Bible que le groupe puise sa base végée, avec cet extrait de La Genèse 1:29 : « Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture. »

Amen.

Textes et montage : Stephane Banfi
Recettes : Patrice Gosselin
Sources et graphiques : Dan Buettner / Blue Zones 

(Publié le 2/3/2021)

LE COMBAT DES PROTÉINES

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C’est un débat gigantesque qui fait rage depuis la nuit des temps. Et qui soulève les passions. On ne parle pas du 4e trio du Canadien mais plutôt du débat entourant la protéine animale versus la protéine végétale. Certains diront que pour obtenir de vraies protéines — et un beachbodycomplet — rien ne bat un steak de trois pouces d’épaisseur baignant dans son sang.  Pendant ce temps, les véganes féroces préconisent qu’on puisse parfaitement aller chercher tout ce dont on a besoin dans le merveilleux monde des plantes.

Pour clarifier tout cela, cette semaine les Explorateurs culinaires se penchent sur la question en examinant ce que la science nous dit à ce sujet. Et au passage, on en profite pour poser quelques questions à la Dre Susan Levin, directrice de l’éducation nutritionnelle au Physicians Committee for Responsible Medicine, un organisme basé à Washington dédié à la promotion de la médecine préventive, avec une orientation particulière sur la nutrition. Notre objectif : vous donner une meilleure idée du rôle que joue les protéines, et surtout, vous livrer un verdict définitif sur ce combat qui alimente des discussions monstres.

Mais avant de débuter, mettons une chose au clair : notre phobie collective entourant les protéines est nettement démesurée, puisqu’il appert qu’on n’en a pas besoin tant que cela et qu’on en consomme déjà trop en Amérique du Nord.

« Les carences en protéines sont presque inconnues aux États-Unis », nous explique la Dre Susan Levin. « Une femme moyenne a besoin d’environ 46 grammes de protéines par jour ; l’homme moyen environ 56. Et la recherche démontre que la plupart des Américains en consomment déjà trop. »

Le nouveau Guide alimentaire canadien abonde dans le même sens en recommandant que les aliments protéinés constituent un quart de notre assiette, en prenant la peine d’ajouter : « Vous n’êtes pas obligé de manger de grandes quantités d’aliments protéinés pour répondre à vos besoins nutritionnels. »  Car en manger trop peut nuire à la santé et peut même bloquer vos artères, selon une étude. Bon, maintenant qu’on a remis les choses en perspective, examinons les protéines de plus près.

QU'EST-CE QU'UNE PROTÉINE? 

Dire que les protéines servent uniquement à faire des muscles est l’équivalent de dire que le cerveau sert principalement à porter un chapeau. Oui, les protéines servent à bâtir des tissus musculaires, mais elles jouent un rôle si vaste et complexe dans notre fonctionnement que les associer uniquement à la largeur de nos mollets est un peu gênant. Car en plus de venir sous différentes formes et tailles, elles servent une multitude de fonctions : transporter des nutriments, bâtir notre système immunitaire, faire de l’insuline (qui est — surprise — une protéine), aider le sang à coaguler quand on se coupe, fabriquer vos dents, cheveux et cellules de la peau, réparer des tissus, fabriquer des enzymes. Bref, il y a une raison que leur nom nous vienne du mot grec « prôtos », qui veut dire « premier » ou « essentiel ». Mais il faut savoir que « protéines » est aussi un terme générique assez large, qui regroupe en fait une famille de molécules qu’on appelle les acides aminés. Et pour bien saisir la différence entre les protéines végétales et animales, on se doit de momentanément examiner ces acides de plus près et plonger dans un peu de chimie. Mais pas trop, promis.

LES ACIDES AMINÉS SONT À LA BASE DE TOUT 

Les acides aminés sont un peu les Légos qui servent à bâtir des protéines de toutes sortes. Ces molécules polyvalentes forment des chaînes qui s’arrangent, s’allongent, pivotent et se tortillent pour finalement accoucher d’une protéine sur mesure et selon la fonction qu’elle occupe dans notre corps. Besoin d’une protéine pour transporter de l’oxygène ? Les acides aminés vont s’enchaîner pour créer un modèle plus robuste et rond, avec même une poche au centre pour mieux recevoir l’oxygène (sérieusement). Un tendon ? On va opter pour un style plus fibreux et long. C’est vraiment aussi magique que cela. Et même si l’on parle d’enchaînement microscopique (évidemment), sachez qu’une minuscule anomalie sur ce plan peut causer de sérieux problèmes. Justement, les globules rouges du sang transportent l’oxygène des poumons vers le reste du corps grâce à — eh oui — une protéine : l’hémoglobine. Cette protéine est formée d’une chaîne de différents acides aminés, suivant une séquence complexe très précise. Mais si la séquence n’est pas respectée à la lettre — si quelques maudits Légos ne sont pas à la bonne place —, les répercussions sont désastreuses et peuvent causer l’anémie. Les acides aminés sont donc des blocs précis et précieux à la base de notre fonctionnement. Mais comme la vie microscopique est un reflet de la réalité, ils ne sont malheureusement pas tous créés égaux.

ALLONS À L'ESSENTIEL

On compte 21 acides aminés dans le corps humain et ils ont des noms un peu flyés qui font vedettes de groupes New Wave des années 80 du genre « alanine », « lysine » ou encore « valine ». Mais de cette vingtaine, il y en a neuf qui sont désignés « essentiels », parce que le corps ne peut les fabriquer. Donc, il faut absolument aller les chercher dans l’alimentation — preuve encore une fois qu’on est vraiment fait pour manger ce qui nous entoure.

Et c’est ici que le débat commence, puisqu’on nous a toujours répété que la viande animale était LA meilleure façon d’aller chercher toutes ces protéines dites essentielles du même coup — ce qui est partiellement vrai. Oui, que ce soit du poisson, du boeuf, du poulet, du porc ou même des oeufs, effectivement, toute la ménagerie contient les acides aminés essentiels. On trouve aussi dans la viande une vitamine qu’on n’a pas chez les plantes, la fameuse vitamine B12 (qui est, en fait une bactérie). Mais ce qu’il faut savoir, c’est que la viande n’est pas seule sur le podium à offrir des protéines complètes.

« Les plantes contiennent tous les acides aminés essentiels, seulement en quantités variables — certains grains peuvent en contenir plus, certaines légumineuses moins — ou vice versa, mais ils ne sont pas absents. Cela dit, les plantes comme le soya contiennent de grandes quantités de tous les acides aminés essentiels », explique la Dre Levin.

On peut donc très facilement élargir et compléter la palette de protéines essentielles du côté végétal en mangeant une alimentation variée — légumineuses, grains entiers, noix, légumes  — , ce qui explique notamment ce concept fou que plusieurs peuples ont eu pendant des siècles de manger des plats traditionnels comme « du riz et des fèves ».
On a aussi longtemps cru qu’il fallait manger les différentes protéines végétales en même temps — ce qui est faux. Le corps est capable d’aller chercher tout ce dont il a besoin, même si on n’ingère pas tout cela simultanément.

Et finalement, manger de la viande pour son apport en protéines est un peu l’équivalent de fumer des cigarettes pour se réchauffer. On veut bien. Mais il y a d’autres facteurs atténuants dont il serait bon de tenir compte. Voyons voir.

LA VIANDE EST DANGEREUSE 

Cela ne fait pas partie des campagnes publicitaires de votre burger préféré, mais lorsque vous mangez de la viande, vous avalez aussi des choses qui sont, à long terme, extrêmement nocives pour la santé. Par exemple, du gras saturé. Et du cholestérol. Pas besoin de vous dire que ce duo a des effets dévastateurs sur votre santé, et qu’ils sont directement liés au tueur en série numéro un au pays et sur la planète : les maladies du coeur.

« Ce que vous obtenez de la viande, c’est un risque accru de maladie chronique et de décès. Les preuves montrent que les régimes riches en protéines animales peuvent en fait entraîner une mort prématurée », poursuit la Dre Levin. Quelles preuves, vous dites ?

Tout cela, pour quelque chose, rappelons-le, dont nous n’avons vraiment pas besoin pour vivre. Et qui en plus, nous fait mourir un peu plus vite à chaque bouchée.

UNE DERNIÈRE CHOSE 

On s’en voudrait de le passer sous silence, mais en 2015, l’Organisation mondiale de la santé — c’est-à-dire la plus haute instance de la santé sur la planète — a statué, après analyse de plus de 800 études par 22 experts de 10 pays différents, que la viande rouge était « possiblement cancérigène » et que la viande transformée était un cancérigène Groupe 1. Sans surprise, cela n’a pas fait son chemin sur les étiquettes des produits au supermarché, mais le dossier demeure tout de même classé. C’est donc dire que le bacon ou les saucisses à hot dog se retrouvent sur la même liste noire que l’amiante, le plutonium et le tabac. Bon appétit.

LE VERDICT 

On le sait, notre patrimoine culinaire fait partie de qui nous sommes. Et notre notion de « ce qui est bon à manger » est à la fois culturelle, personnelle et aussi, parfaitement arbitraire ; une fausse perception qui provient en grande partie de souvenirs d’enfance ; un comportement conditionné par un mélange de plaisir, saveurs et tradition, et par du marketing à répétition. Car il est grand temps de se rendre à l’évidence : notre concept d’une bonne bouffe est largement basé sur notre expérience, et non la science.

Mais malheureusement, en 2019, avec près de 834 millions de bêtes abattues au Canada et plus de 132 000 décès au pays liés au cancer et aux maladies du coeur, la dure réalité scientifique est la suivante : notre conception d’un « plat principal » est désormais en grande partie la cause principale de nos trépas.

Et cela commence, tout bêtement, par notre appétit démesuré pour la protéine animale. Face à toutes ces preuves, on peut continuer de croire — et de manger — ce qu’on veut. Mais le verdict est assez clair. Et il semblerait que nous sommes un peu les King Cons de la farce.

Textes, recherches et montage: Stephane Banfi

(Publié le 15/04/2021)

LES PESTICIDES ET NOUS

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1. LES DOUZE SALOPARDS DE LA BOUFFE

On commence cette semaine avec la liste des fruits et légumes les plus contaminés par les pesticides aux États-Unis, telle que rédigée par l’Environment Working Group, surnommée affectueusement « Les Douze Salopards ». Le podium en 2021 : les fraises, suivies de près des épinards et du kale, qui est pour une première fois ex aequo avec les autres légumes-feuilles.

En effet, un total de 94 pesticides différents ont été trouvés sur les légumes-feuilles, y compris les néonicotinoïdes, cette classe d’insecticides qui agissent sur le système nerveux de certains insectes, surtout les abeilles.

En gros, les tests du Département de l’agriculture américaine (USDA) ont décelé des résidus de pesticides chimiques potentiellement nocifs sur près de 70 % des produits frais conventionnels (non biologiques) vendus aux États-Unis. Et avant de tester les fruits et légumes, sachez que l’USDA les lave, les frotte et les épluche, comme nous le faisons tous assidument à la maison (riiiight).
Sans surprise, le EWG presse « les consommateurs qui s’inquiètent de leur consommation de pesticides à envisager, si possible, d’acheter des versions biologiques des aliments qui se trouvent sur notre liste ».
De l’autre côté du spectre, on retrouve aussi les « 15 propres », soit les aliments les moins contaminés. Le top 3 des immaculés : les avocats, le maïs et les ananas.
Si vous pensez que toute cette contamination chimique est un problème uniquement réservé à l’agriculture débridée de nos voisins du sud, on profite de l’occasion pour faire un petit survol de ce qui se passe chez nous. Voyons voir…

2. PETIT SUIVI SUR LES PESTICIDES 

Chez nous, la dernière analyse du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), en 2018-2019, sur 18 types d'aliments révélait que « des résidus de pesticides ont été observés dans 74 % des échantillons, soit dans 496 des 668 échantillons analysés. Au total, toutes provenances confondues, ce sont 107 résidus de pesticides différents qui ont été observés dans 1868 résultats d’analyse positifs.». Donc, disons que quand on se compare aux États-Unis, on ne se console pas tellement.

Le rapport souligne quand même « qu’un excellent taux de conformité global de 97 % a été observé » parce qu’il faut se rappeler que dans les pesticides, tout est dans le dosage — même si idéalement, un peu comme les taxes, la fumée de cigarette et les films avec Adam Sandler, on aimerait toujours les éviter.

En novembre 2015, Radio-Canada rapportait que Québec avait carrément perdu le contrôle des pesticides et que leur utilisation atteignait des niveaux records. Pourquoi ? Depuis 1990, il appert que le ministère de l’Agriculture s’est discrètement retiré de son rôle-conseil auprès des cultivateurs et laisse plutôt cette besogne… aux compagnies qui vendent des pesticides. Tous ensemble : « Ben là… » L’agronome Louis Robert avait justement souligné cette incohérence (restons polis) pour ensuite être viré en janvier 2019. Puis après une belle crise médiatique comme on les aime au Québec, il a été réintégré dans ses fonctions.

Pris de court, le gouvernement québécois a donc dû se pencher sur l’épineux dossier des pesticides, et a mis sur pied une commission parlementaire au nom de super-vilain de films de James Bond — la CAPERN —, la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles. Après avoir reçu près de 800 recommandations et 76 rapports provenant de différents groupes, coup de théâtre : certains membres de la commission veulent des recommandations concrètes, pendant que les élus caquistes du groupe penchent plutôt pour des « conclusions et observations », ce qui soulève la question existentielle : on fait tout ça pour quoi au juste ? Après une autre chicane médiatique, on se ravise. Il y aura finalement 32 recommandations… qui sont plutôt faibles, et qui ressemblent, en fait, à une liste de voeux pieux. Comme nous le soulignait Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques avec la Fondation David Suzuki : « La première recommandation mentionne de prioriser la lutte aux pesticides. C’est déjà l’objectif de la stratégie du ministère de l’Environnement et du MAPAQ, donc je ne sais pas ce que cela apporte de nouveau. »

Puis, le 6 juin 2020, une pluie d’abeilles s’abat sur la Montérégie et un apiculteur perd 600 ruches. La raison, on présume, est reliée aux pesticides. Le ministre de l’Agriculture André Lamontagne annonce en entrevue qu’il y a aura enquête. (Note : On a envoyé un courriel au ministère la semaine dernière pour avoir les résultats de l’enquête. On vous tient au courant.)

Finalement, l’automne dernier, le même ministre de l’Agriculture présente enfin son Plan d’agriculture durable pour les 10 prochaines années. On y aborde notamment le dossier des pesticides avec du concret. Voyons voir.

3. LE PLAN 

Le Plan, qui a été présenté aux médias le 22 octobre dernier, s’est donné les moyens pour réussir, avec 25 millions $ par année pendant cinq ans — ou 125 millions $ sur 5 ans, cela fait plus gros et beau  — dont 70 millions $ pour rétribuer les agriculteurs qui adopteront de meilleures pratiques et réduiront leur utilisation de pesticides. Autrement dit, on veut encourager/récompenser les comportements positifs, soit la méthode « carotte » — pour utiliser un terme technique.

Mais en décodant les propos du ministre, une chose apparaît assez claire : les pesticides sont là pour de bon. Car malgré les dangers connus de certains produits comme le glyphosate (pour lequel la compagnie Bayer s’apprêterait à débourser une somme controversée de 2 milliards pour tenter de freiner les poursuites) ou les néonicotinoïdes qui déciment les abeilles partout sur le globe, quelques mois après l’annonce du plan, le ministre mentionnait en entrevue à La Presse que penser que les pesticides disparaîtront demain matin relève « d’Alice au pays des Merveilles… Ce qui est important, c’est de mettre en place un environnement qui va faire en sorte que les comportements vont changer ».

OK. On veut bien. Mais est-ce que cela relève du génie d’Aladin que de souhaiter que notre gouvernement nous protège et prenne ses responsabilités rapidement pour au moins encadrer et conseiller l’utilisation des pesticides sur nos terres, au lieu de laisser cela à l’industrie agrochimique ?

Lors de l’annonce, le ministre a plutôt déclaré qu’on allait réaffecter 75 agronomes sur le terrain et revoir la Loi sur les agronomes, mandat qu’il a confié à sa collègue Danielle McCann — ce qui veut dire, encore des délais. Comme le mentionnait Thibault Rehn de l’organisme Vigilance OGM en entrevue à La Presse : « Ça fait longtemps que prescription et vente sont séparées dans le domaine de la médecine. En 2020, pourquoi attend-on encore ? »

Pendant qu’on tergiverse d’un côté, le ministre du Travail Jean Boulet s’apprête cette semaine à modifier la loi 59  pour moderniser le régime de santé et de sécurité du travail, afin de reconnaître la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle. Pourquoi? Pour dédommager les agriculteurs, agronomes ou travailleurs qui sont victimes des pesticides. En effet, selon une professeure de santé environnementale de l'Université de Montréal, les personnes exposées aux pesticides pendant plusieurs années augmentent leur risque de 70 % de développer la maladie de Parkinson.

Lorsqu’on a demandé au ministère de l’Enseignement supérieur où on en était avec la révision de la Loi sur les agronomes, la réponse par courriel fut assez éloquente : « À ce sujet, il est difficile pour le moment de déterminer un échéancier, mais nous vous invitons à suivre l’actualité en la matière. » Traduction libre : « Don’t call us, we’ll call you. »

4. DES MESURES CONCRÈTES DANS LES CHAMPS … MAIS PAS AVANT 2022

Lors de l’événement de presse, on s’est aussi beaucoup vanté des mesures concrètes que proposait Le Plan, notamment au niveau de la recherche. Mais lorsque les journalistes ont commencé à poser des questions un peu plus — euh — concrètes du genre : Avez-vous des exemples de mesures incitatives pour inciter les agriculteurs à utiliser moins de pesticides ? Est-ce qu’il y aura un maximum que chaque ferme pourra recevoir de ces 70 millions ?, on a eu droit à un flou artistique assez impressionnant. « … Le combien par ferme, par producteur et tout ça — honnêtement, cela va être au cours des prochains mois qu’on va être en mesure de jauger et de décider tout cela. »

Un peu perplexe, la journaliste a osé pousser un peu plus loin, pour connaître les détails du Plan : « Par exemple, une réduction de 10 % de pesticides donnerait un 50 $ par hectare, est-ce que c’est vers ça qu’on s’enligne ? »

On vous laisse regarder l’échange :

Traduction libre : On a l’argent, mais on ne sait pas encore comment cela va se traduire dans le champ. Du moins, pas avant 2022.

Coïncidence ou non, le journaliste Thomas Gerbet de Radio-Canada a aussi déploré avoir reçu le fameux Plan à 14 h 10 alors que la conférence de presse était à 14 h, ce qui supposait que les journalistes devaient trouver une faille dans la courbe spatio-temporelle pour pouvoir prendre connaissance du Plan avant l’événement.

D’ici 10 ans, Le Plan veut aussi diminuer de 15 % les pesticides vendus au Québec par rapport à la moyenne de 2006-2008, soit une réduction immense de 500 000 kg. Mais le mot clef ici est « vendus ».
Car en consultant les plus récentes données disponibles, Radio-Canada dévoilait un mois plus tard que les ventes de pesticides au Québec avaient déjà mystérieusement diminué de 662 000 kilos depuis la période de référence. Donc, c’est déjà mission accomplie… avant même de commencer ? Nadine Bachand, analyste d’Équiterre avait même déclaré : « Si on se fie à 2018, on n’a pas besoin d’avancer. » Pourquoi cette baisse de ventes soudaine dans les stats ? Des agriculteurs québécois se seraient approvisionnés en pesticides en Ontario et sur le web en 2018… et les ventes n’apparaissent donc pas dans les données de Québec.

5. LES QUÉBÉCOIS SONT PRÊTS À PAYER

Et pendant qu’on doit encore attendre deux ans pour voir des nouvelles pratiques à grande échelle dans nos champs, les Québécois, eux, disent qu’ils sont prêts à payer sur le champ pour du changement.
En effet, une étude publiée au début du mois de mars dans la revue scientifique Ecological Economics révélait que les Québécois étaient prêts à payer 100 $ par année pour aider les agriculteurs à diminuer leur utilisation de pesticides.

Et la préoccupation des Québécois pour les pesticides est 10 fois supérieure à celle de la protection des milieux humides, ce qui prouve qu’on est toujours plus incliné à se mobiliser contre quelque chose qui peut nous tuer.

On le sait, un petit brun ne va pas aussi loin qu’avant, mais une fois extrapolé à l’échelle de la population, c’est donc dire que les Québécois seraient prêts à investir une somme de 176 millions $ en un an pour aider nos agriculteurs, soit plus que la totalité du Plan — et juste pour contrecarrer les pesticides.

On sait que le virage qu’on tente de prendre au ministère est colossal, et que même les agriculteurs les plus attentionnés sont pris dans un engrenage complexe. Et on sait qu’on veut agir. Mais quand on joue avec les chiffres, quand on présente un plan qui a certes de l’ambition, mais qui a aucune nouvelle initiative concrète à proposer dans l’immédiat, quand on demande de réviser une loi au lieu de changer des pratiques douteuses qui sont déjà connues, et quand on a des citoyens qui sont prêts à payer, mais qu’on est incapable de livrer, on n’a beau avoir toutes les réponses et les compétences, il semble manquer un élément important.

L’urgence.

Textes et montage : Stephane Banfi

(Publié le 29/03/2021)