Si vous gardez le pointage à la maison, vous savez que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, présentait, le 22 octobre dernier, son nouveau plan d’agriculture durable (« Le Plan ») qui a pour but, entre autres, de réduire l’utilisation des pesticides sur nos terres. Et justement, les pesticides sont revenus en force dans l’actualité récemment avec le lancement du livre Pour le bien de la terre, de l’agronome Louis Robert, qui avait sonné l’alarme concernant l’utilisation des pesticides au Québec et le rôle-conseil que les compagnies jouaient désormais auprès des agriculteurs.
« Les entreprises qui proposent des produits fertilisants et des pesticides (ont) la mainmise sur une partie de notre agriculture », peut-on notamment y lire.
Même le ministre Lamontagne a dû réagir au livre, admettant publiquement que « Oui, on utilise trop de pesticides » au Québec.
Louis Robert dénonce aussi l’utilisation massive de pesticides « tueurs d’abeilles », alors que scientifiquement, ils ne sont pas vraiment utiles dans un contexte québécois.
Manque de pot, le gouvernement canadien en a aussi remis une couche récemment en annonçant qu’il ne comptait pas interdire ces pesticides, mais plutôt imposer des « restrictions supplémentaires » qui entreront en vigueur d’ici deux ans.
Vu tous ces développements, et vu qu’on avait présenté un dossier assez exhaustif sur le sujet récemment, on se permet donc un petit suivi sur trois points précis concernant les pesticides et le fameux nouveau Plan d’agriculture qui, faut-il le rappeler, a été présenté en octobre dernier.

1. Qu’est-ce qu’on fait pour encourager les agriculteurs à utiliser moins de pesticides ?

Le ministre André Lamontagne avait expliqué, lors du lancement de son Plan en automne dernier, qu’« au moment où on se parle il y a des experts — entre guillemets — qui vont vraiment s’asseoir et la commande est de trouver une façon de rétribuer et d’encourager des nouveaux comportements ou des comportements qui vont au-delà des cadres réglementaires pour faire bouger l’aiguille ».

Il était question de lancer un projet pilote cette année, pour encourager les agriculteurs à réduire leur utilisation de pesticides et évaluer les résultats, pour ensuite éventuellement étendre le programme à la grandeur de la province en 2022.

Puisque nous sommes presque en juin et que les champs s’activent, on a posé la question au Ministère à savoir combien de fermes participent au projet pilote, quelles étaient les balises pour encadrer ce programme, les détails, etc. La réponse, en date du 6 mai :
« Le projet pilote qui se déroulera cet été, et qui sera géré par le Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA) dans le cadre de leur mandat, visera à tester une proposition préliminaire du mécanisme de rétribution auprès d’un groupe d’entreprises agricoles, en assurant notamment une représentativité des régions et des productions. À ce moment-ci, les modalités du projet pilote ne sont pas arrêtées. »

Autrement dit, après plus de 219 jours, la « commande » du ministre n’a pas encore été livrée et disons que l’aiguille n’a pas trop bougé. 

2. Et la Loi sur les agronomes ? 

Depuis 1990, le ministère de l’Agriculture s’est discrètement retiré de son rôle-conseil auprès des cultivateurs et laisse plutôt cette besogne… aux compagnies qui vendent des pesticides. Le nouveau Plan doit une fois pour toutes corriger cette aberration.

Le ministre Lamontagne a d’ailleurs rappelé en avril, en réaction au livre de Louis Robert, qu’il a demandé à sa collègue Danielle McCann, la ministre de l’Enseignement supérieur, de revoir la Loi sur les agronomes.

Le hic c’est que la demande avait déjà été faite (et annoncée) au mois d’octobre 2020.
Où en sommes-nous sept mois plus tard ?
« L’Ordre des professions du Québec poursuit ses travaux, et il doit remettre ses recommandations au maximum à l’automne prochain, ce qui mènera à la révision de la Loi sur les agronomes », de nous expliquer un relationniste du Ministère par courriel.
Du côté de l’Ordre des agronomes du Québec, après un échange de courriels, on nous a répondu le 5 mai : « La première rencontre avec l’Office des professions a eu lieu. Tel que mentionné dans mon courriel précédent : Dès que nous en saurons davantage, l’Ordre publiera les avancements dans ces différents outils de communication. »
Donc, 219 jours après l'annonce, on a eu droit à une première réunion.

C'est déjà ça.

3.… Et les abeilles qui sont mortes subitement ?

Finalement, puisqu’on parle de morts d’abeilles, en juin dernier, un apiculteur de Montérégie avait été sidéré de retrouver de ses millions d’abeilles mortes. Le ministre Lamontagne avait lui-même déclaré, lors d’une entrevue à la radio, que son ministère allait faire enquête.

Presque un an plus tard, on s’est permis de demander une copie des résultats de cette analyse, question de savoir ce qui peut bien entraîner des millions d’abeilles à subitement crever d’un coup sec, un bel après-midi d’été.

On nous a tout de suite indiqué qu’il fallait passer par l’accès à l’information.
Après avoir logé une demande en bonne et due forme pour connaître les résultats de l’analyse faite sur les abeilles, nous avons reçu une lettre assez costaude et rigoureuse de quatre pages, au sentiment d’urgence, nous informant que :
« … À cet égard, concernant les résultats d’analyse, il appert de l’analyse du dossier que nous ne pouvons y répondre favorablement, et ce, conformément aux articles 14, 23, 24, 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), ci-après “Loi sur l’accès” ».

On parle ensuite de protection de vie privée, Charte des droits et libertés de la personne et de secret professionnel.

On se permet une suggestion, comme ça : Et si on appliquait la même rigueur et le même sentiment d’urgence pour protéger la vie tout court à la place ?

(Publié le 29/05/2021)