On a tous vécu ce moment de panique intense. 4 h 17 du matin. Dans la salle de bain. Mi-endormi, on s’apprête à tirer la chaîne pour retourner au lit quand on aperçoit une couleur suspecte et écarlate dans le bol. Horreur. Anxiété. Un cancer ? Un rein perforé ? Et puis, soudainement, cela nous revient. Soupir et soulagement. LES BETTERAVES. Question de faire le point sur ce légume qui peut nous en faire voir de toutes les couleurs, on vous propose un petit zoom sur les betteraves.

ON AIMAIT LES BETTERAVES DANS L’ANTIQUITÉ 

Mais pas nécessairement pour leur goût. En effet, en plus de les retrouver dans les jardins suspendus de Babylone, on a aussi découvert des fresques de betteraves sur les murs d’un bordel de la ville antique de Pompéi qui, on le rappelle, a vécu une version accélérée du réchauffement climatique quand l’éruption du Vésuve, un après-midi paisible d’août 79, a craché cent mille fois l’énergie thermique du bombardement d’Hiroshima et a enseveli la ville et ses habitants sous un nuage dévastateur de feu, de lave et de cendres.

Les betteraves, donc, après excavations, occupaient une place de choix sur les murs du bordel de Lupanar, car elles étaient convoitées pour leurs pouvoirs aphrodisiaques. On s’est surement approprié cette croyance de la mythologie grecque, puisqu’Aphrodite, la déesse de l’amour, mangeait également des betteraves pour se rendre plus belle et désirable, prouvant encore une fois que les Romains, en plus d'être doués pour des orgies, étaient aussi d’excellents copieurs.

On peut certes rire de tout cela aujourd’hui, mais, après vérification, la science nous démontre que les betteraves sont une source naturelle de tryptophane et de bétaïne, deux substances qui favorisent une sensation de bien-être. Elles contiennent également de grandes quantités de bore, un oligo-élément qui augmente le niveau d’hormones sexuelles dans le corps humain, prouvant que les Romains (et les Grecs) n’étaient peut-être pas si fous que cela après tout.

ELLES SONT MÊME RAYÉES

On connaît les betteraves rouges. Les jaunes ou orange. Il y en a également des blanches. Mais tenez-vous bien, dans la catégorie WTF il en existe aussi des… rayées. En effet, les betteraves de la variété Chioggia, qui portent le nom d’une petite ville côtière d’Italie située à 50 km au sud de Venise d’où elles proviennent, ont ceci de particulier : lorsqu’on les coupe, elles révèlent un merveilleux motif rayé rose et blanc à l’intérieur qui impressionnera même les daltoniens. Cette betterave était à ce point appréciée qu’on la surnommait « l’herbe des Doges », qui étaient autrefois les seigneurs de la république de Venise. Mais il est préférable de savourer la betterave Chioggia crue car une fois cuite, elle perdra son motif psychédélique est deviendra rose, ce qui n’est quand même pas rien, mais nettement moins tape-à-l’oeil. Et finalement, pour ceux qui veulent scorer encore plus fort et ne pas trop faire rire d’eux, prière de noter que Chioggia se prononce KI-O’-JIA. En effet, tout comme dans « gnocchi », « Chiara » et « che cazzo? », le « ch » se prononce comme un « K » en italien.

ELLES SE MANGENT DE PLUSIEURS FAÇONS

Étrangement, la betterave était avant tout cultivée pour ses feuilles, ce qui n’est pas surprenant, car elle est de la même famille que la bette à carde. Ce n’est qu’en 1542 qu’on commence à cultiver et savourer son bulbe, en Allemagne ou en Italie. Mais même si le petit goût terreux de la betterave ne plaît pas à tous — notamment au couple présidentiel Barack et Michelle Obama qui a refusé d’en faire pousser dans le jardin bio de la Maison-Blanche — il reste que son goût sucré et sa polyvalence en font un légume de choix.

« On peut les rôtir au four, les manger crues en salade et même les faire cuire en robe de champs, comme une patate au four, elles sont excellentes sous toutes leurs formes », nous explique notre chef Patrice Gosselin, avec une exubérance un peu suspecte. « J’aime aussi les betteraves pour leur saveur particulière, leur couleur et leur pouvoir de conservation. On les achète, on les oublie et — pouf — on se dit qu’on doit les cuisiner et elles sont encore belles. »

Pour ce qui est de la difficulté à les éplucher, notre chef chaman nous livre son secret infaillible : « Une fois bien cuites, les mettre dans un lavabo rempli d’eau et frottez-les vigoureusement entre vos mains. Magie. »

C'EST UN SUPERALIMENT SOUS-ESTIMÉ

Un peu comme pour Elvis, Cher et Passe-Carreau, on reconnait les superaliments par leur nom singulièrement exotique. Kale. Curcuma. Chia. Tellement qu’on néglige souvent la betterave, par exemple, qui demeure pour plusieurs un gros bulbe sanguinaire et salissant, difficile à éplucher. Et pourtant cette belle racine qui, comme on l’a vu, se présente sous différentes couleurs et variétés, offre des bénéfices incroyables pour la santé.

+ Primo, elle contient une panoplie de vitamines et demeure un des légumes qui ont le meilleur pouvoir antioxydant pour prévenir le cancer. Une étude a même démontré que la consommation de bétanine, un des pigments donnant à la betterave sa couleur, diminuait l’apparition de cancers de la peau, du foie et du poumon.

+ D’autres études démontrent aussi que le jus de betterave peut abaisser l’hypertension artérielle, en raison de sa teneur élevée en nitrates. Le nitrate est transformé par un enzyme en oxyde nitrique, ce qui détend les vaisseaux sanguins. Le jus de betterave peut entraîner des baisses de la pression systolique et diastolique à des taux plus élevés que certains médicaments.

  • + Et justement à cause de ces nitrates, la betterave aiderait aussi à améliorer les performances sportives, surtout côté endurance, faisant d’elle possiblement une nouvelle « drogue » pour les sportifs.

Et au cas où on l’utiliserait pour tricher dans un sport, elle a ceci de pratique : elle est plutôt facile à détecter dans l’urine.

LES BETTERAVES SERVENT AUSSI À D'AUTRES CHOSES. VRAIMENT. 

La place de la betterave ne se limite pas à l’assiette. Par exemple :

+ La betterave sucrière (ou la betterave à sucre), qui est plus longue, blanche et sucrée, est utilisée pour 20 % de la production mondiale de sucre, le reste étant fait à base de canne à sucre. Sachant qu’il faut 50 kg de betteraves sucrières pour faire 2,5 kg de sucre et qu’il se produit 250 millions de tonnes de sucre de betterave par année, et que tout cela représente seulement 20 % de la production mondiale annuelle de sucre, nos statisticiens sont capables de calculer, hors de tout doute, qu’on bouffe vraiment — mais vraiment — beaucoup trop de sucre.
+ À l’époque victorienne, la betterave était utilisée pour donner un peu de couleur à la bouffe plutôt insipide et incolore anglaise (surprise), tradition qui se perpétue aujourd’hui alors que certaines pizzas surgelées utilisent encore de la poudre de betterave pour colorer la sauce tomate. Puisqu’on vous le dit.

+ Dans la catégorie high-tech, la betterave est aussi utilisée dans des panneaux solaires. Une équipe de chercheurs de l’Université de l’État de Washington étudie comment la bétanine, le colorant de la betterave, peut rendre les cellules solaires plus efficaces, performantes et environnementales.

+ Finalement, une fois cuites, vous pouvez vous les frotter partout sur le corps, puis sortir dehors en petite tenue et vous verrez que les gens se tiendront automatiquement à plus de deux mètres de distance. Encore une fois, tous ensemble : Magie.

LES RECETTES DE NOTRE CHEF PATRICE

Notre coloré chef vous propose une recette qui fera rougir vos invités d’envie : un risotto aux betteraves.

Notre chef alchimiste réconcilie les forces obscures de la cuisine en mariant les agrumes et la crème, et vous propose une entrée de verrines de betterave avec crème sure à l’orange.

Avec l’élection présidentielle à nos portes, notre chef patriotique vous propose le bortsch, un genre de minestrone slave qui a toutes les qualités attrayantes pour le président Trump : il est de couleur rougeâtre, il est économique, et surtout — surtout — il est d’origine russe.

(Publié le 18/10/2020)