On a beau penser que tout reviendra à la normale sous peu, la vérité est que nous allons tous, consciemment ou pas, nous ajuster et nous adapter à cette nouvelle réalité qui nous afflige. Le serrage de main est désormais chose du passé. Les partys raves, on le soupçonne, auront de moins en moins la cote chez nos jeunes. Et le masque est devenu l’équivalent du chapeau gris des années 50 — on devra le porter pour se faire respecter. Mais au-delà de ces nouveaux réflexes, le monde de l'alimentation qui nous entoure change aussi, plus aseptisé, certes, mais aussi revu et repensé en raison de la bibitte qui refuse de nous quitter. Cette semaine aux Explorateurs culinaires, on se permet de puiser dans un excellent récent article du Washington Post de Cara Rosembloom pour vous résumer les cinq choses qui risquent de changer dans le monde de l’alimentation dans un avenir rapproché, selon des experts consultés.

5 CHOSES QUI RISQUENT DE CHANGER DANS
LE MONDE DE L'ALIMENTATION 

Des « innovations » comme les biscuits Oreo à la guimauve ou les cretons de hareng devront attendre, car la priorité numéro un des compagnies alimentaires n’est pas de créer de nouveaux produits mais plutôt d’être plus efficaces. Avant tout en solidifiant la chaîne de distribution qui a connu des moments précaires durant la pandémie, afin d’éviter les pénuries et le stress chez les consommateurs. Qu’est-ce que cela veut dire pour nous concrètement ? Premièrement, moins de choix. Par exemple, une compagnie de soupe qu’on ne nommera pas (mais qui rime probablement avec « Randall ») a choisi de réduire sa palette de produits de moitié, passant de 80 à 40 saveurs de soupes. Aussi, pour éliminer les intermédiaires et limiter les inconvénients, certaines compagnies ont même passé des commandes directement aux agriculteurs pour garantir la qualité, la disponibilité et la livraison de certains produits. Bref, on veut faire mieux avec moins, et on veut éviter les ratés, ce qui est souhaitable, surtout qu’on s’interroge vraiment sur la pertinence d’avoir de la Heinz MayoChup Saucy Sauce sur nos étagères — pandémie ou non.

Avant la pandémie, tous les supermarchés avaient déjà pris un virage en ligne mais sans trop d’attentes, puisqu’à peine 19 % des Canadiens effectuaient leurs achats alimentaires avec une souris à ce moment-là. Puis, est arrivée la pandémie et la proportion a plus que doublé, et tous les promoteurs de l'épicerie en ligne sont passés pour des prophètes ou génies. Mais si l’avenir du supermarché a déjà commencé à se transformer, notamment avec Amazon qui offre une expérience d’achat sans caisses, ou encore des paniers intelligents chez Sobeys, la métamorphose pourrait aller encore plus loin, alors que les consommateurs veulent passer moins de temps en magasin (pandémie oblige), mais tiennent toujours à voir et tâter leurs produits frais avant de les acheter. On envisage donc un supermarché hybride, divisé en deux sections : l’arrière servirait à préparer votre commande de produits non périssables pendant qu’à l’avant, dans un espace plus aéré, vous aurez une vaste gamme de produits frais que vous pourrez zyeuter et manipuler en toute quiétude et distanciation, avec un petit air de Vivaldi à l’appui (pourquoi pas ?). Conséquence : le temps pour faire l’épicerie pourrait passer de 22 minutes à 10 minutes, ce qui réduirait aussi votre niveau de stress parmi tous ces étrangers possiblement vecteurs de contagion.

Une chose que la pandémie semble avoir décuplée, c’est ce désir de connaître d’où proviennent nos aliments (surtout les chauves-souris). Les compagnies alimentaires emboîtent le pas, en mettant de l’avant les producteurs auxquels ils sont associés, identifiant de plus en plus la provenance précise des aliments, même dans les repas surgelés. Dans certaines fermes, on installe aussi des caméras vidéos en continu pour montrer que les animaux sont bien traités. Ne reste plus qu’à en mettre dans les abattoirs, et le monde entier virerait végé du jour au lendemain.

La popularité des produits à base de plantes est indéniable et n’est plus qu’une simple mode passagère. Selon Nielsen, les ventes de substituts de lait ont augmenté de 19 % au cours de la dernière année et les ventes de viandes à base de plantes ont augmenté de 46 %. À mesure que toutes les études démontrent les bienfaits d’une alimentation végée — et les dangers pour la santé et la planète des produits animaliers — on peut s’attendre à encore plus de variété dans ce genre de produits sur nos tablettes, de même qu’à une baisse de prix. C’est déjà commencé alors que Impossible Foods annonçait en début d’année une réduction de 15 % sur le prix de ses produits. Et vu l’engouement pour ce genre de substitut, les compagnies alimentaires planchent sur une panoplie de différents faux aliments. Par exemple, la compagnie Just Eggs débarque au Canada en 2021, dans les Wal-Mart et Whole Foods, avec son produit phare pour remplacer les oeufs. Pendant ce temps, Nestlé se lance dans du faux thon à base de pois et de blé, que la compagnie a baptisé le « Vuna ». On est rendu là.

Finalement, dans la catégorie « n’importe quoi », on dénote quand même une tendance pour de nouveaux produits qu’on dit « fonctionnels » ou même « intelligents » ; c’est-à-dire des produits qui contiennent des nutriments spécifiques qui posséderaient des (supposés) propriétés bénéfiques. Une boisson qui favorise l’immunité (coïncidence). Ou encore, des produits à base de champignons qui augmenteraient la concentration (on se serait attendu à quelque chose de différent avec des champignons. Mais bon). Suivant le pas, en septembre dernier, Pepsi lançait le « Driftwell », une boisson thérapeutique à base de L-théanine, qui favorise supposément le calme, la concentration et le sommeil. Bref, attendez-vous à un peu de tout : des kombuchas spikés, des boissons probiotiques et des barres-collations adaptogènes, qui aident à composer avec le stress — prouvant hors de tout doute qu’on ne sait plus vraiment quoi faire ou inventer pour faire de l’argent.

(Publié le 25/01/2021)