Notre petit monde végé a été bousculé cette semaine.
Primo, il y a eu ces manifestants qui ont envahi une porcherie afin de dénoncer la cruauté envers les bêtes. Leur geste supposément sauveur aurait plutôt nui davantage aux animaux qui se sont retrouvés exposés à de nouvelles maladies.
Il y a aussi ces groupes obscurs qui ont récemment visé quelques restaurants tels que Jos Beef, Manitoba et le bar à vin Mon lapin.
Et puis, aux Explorateurs culinaires, nous avons reçu quelques commentaires à la suite de la publication de notre dossier de la semaine dernière sur les 40 ans de déni des États-Unis, dont Pierre qui s’est désabonné, en mentionnant que notre position anti-viande « frisait le fanatisme », et il y a eu aussi le loquace « Mathamore Dan », sur Facebook, qui s’est contenté de simplement écrire « hoax » pour commenter l’entrevue.
Rajoutez à cela une station de radio montréalaise qui voulait soudainement nous avoir en ondes pour absolument prendre position sur les manifestations véganes (et non pour parler de notre dossier) et vous comprendrez qu’être végé avait le dos large cette semaine.
Alors on voulait juste prendre le temps de partager un peu nos pensées à ce sujet.
Primo, à notre cher ex-lecteur qui nous trouve fanatiques, et à Mathamore Dan qui a pris le temps d’exprimer si éloquemment sa pensée profonde, on tient à rappeler que le dossier d’enquête que nous vous avons présenté était basé sur des faits, juste des faits, avec documents à l’appui.
On aurait pu en rajouter d’autres, comme le fait que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré la viande rouge « possiblement cancérogène » en 2015 et les charcuteries « cancérogènes ».
Ou encore le fait que le National Geographic,en 2005, a identifié les cinq régions sur Terre qui avaient la plus haute concentration de centenaires, les Blue Zones. Surprise : les cinq populations suivent toutes un régime presque exclusivement à base de plantes. La réalité est qu'on pourrait vous en citer une tonne.
Et bien qu’on soit sensible au triste sort de ces millions de pauvres bêtes qui, on le soupçonne, doivent bien se demander quelle âme nous habite pour qu’on se nourrisse d’une telle cruauté, il est clair qu’on s’oppose à tout genre d’acte de violence ou de vandalisme pour soi-disant passer un message.
Par conviction morale profonde, certes, mais aussi pour une raison pragmatique : historiquement, ce genre de frasque ne fait rien de bon, ne change rien, ne mène à rien et ne fait que polariser au lieu de sensibiliser. On n'amorce pas un dialogue avec une menace.
Mais s’il y a une violence à dénoncer, c’en est une plus insidieuse et sournoise : celle du silence face, justement, à toutes ces études, ces faits, ces recherches qui existent, de sources crédibles, sur tous les méfaits et dangers que représentent une alimentation animale pour notre santé collective ; sur les liens toujours plus étroits qu’on tisse entre les produits animaux et le cancer, les maladies du coeur, le diabète et même l’Alzheimer.
La violence du silence de nos autorités publiques à ce sujet — santé, éducation, agriculture — est carrément incompréhensible, surtout quand l’obésité abdominale touche maintenant 40 % des Québécois adultes, que le cancer et les maladies du coeur demeurent les deux plus grandes causes de décès au Québec, et que notre modèle agricole devient insoutenable pour la planète.
Oui, on comprend les manifestants qui osent soulever la question « Vous n’êtes pas tannés de tuer ? ».
Mais pour vraiment faire avancer les choses, pour un vrai changement de société, il faudrait avant tout réévaluer ce qu'on mange et se poser la vraie question : « On est pas tanné de mourir ? »
(Publié le 31/01/2020)