ZOOM SUR L’ORGE

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Si vous êtes comme nous, l’orge ne vous est pas trop familier.

Peut-être est-ce à cause de son exotisme.

Par simple méconnaissance.

Ou encore parce que la soupe à l’orge de votre mère dégageait cette pâteuse impression qu’elle avait déjà été mangée une fois, si bien que vous et votre frère, à un très bas âge, avez catégoriquement refusé d’y goûter pendant plusieurs heures, malgré les encouragements et les menaces de votre mère, pour finalement terminer la soirée au lit, le ventre vide et traumatisés à jamais.

Bref.

Peu importe votre histoire, il est important de se rappeler que l’orge a quand même fait partie intégrante de notre alimentation et de notre histoire collective, étant une des premières céréales à être cultivées il y a de cela 15 000 ans.
Elle est aussi excellente pour la santé sur plusieurs fronts, mais ironiquement, même si elle est le quatrième grain le plus cultivé au pays (après le blé, le canola et le maïs), on s’en sert majoritairement pour… faire de la bière ou nourrir le bétail. On en profite pour dresser un portrait-robot rapide de cet aliment plutôt méconnu :

Il y a deux types d’orge :
Soyons clairs, il y a plusieurs variétés ou cultivars d’orge aux noms franchement ésotériques qui pourraient aussi être des modèles de téléphones intelligents — du genre Arcadia, Béatrix ou encore Galaxis — mais on en retrouve essentiellement deux types :
  • L’orge mondée, dont l’enveloppe extérieure a été retirée, mais qui conserve le son et le germe et qui est donc plus nutritif ;
  • L’orge perlée, dont les grains ont été polis donc qui ont perdu le germe ainsi qu’une plus grande couche extérieure, et qui se cuit plus rapidement

Elle est expéditive : parce qu’elle est riche en fibre, l’orge vous aidera à gagner du temps lors de vos fâcheux transits intestinaux.

Elle protège : elle contient aussi plusieurs antioxydants — on vous épargne les noms — qui peuvent donc nous protéger de l’apparition de maladies cardiovasculaires, de certains cancers et d’autres maladies liées au vieillissement. Santé Canada a même confirmé que la consommation quotidienne d’au moins trois grammes de bêta-glucane, un type de fibre soluble contenu dans l’orge, aide à la réduction du cholestérol sanguin.

Elle n’est pas compliquée : le chef Patrice nous dit : « Elle est facile à cuire, difficile à rater et ce n’est pas vraiment grave si elle est un peu surcuite. »

Elle est très polyvalente : notre chef Patrice Gosselin conclut : « Elle peut être utilisée en soupe, en salade ou en accompagnement et ellel fait vraiment différent du riz blanc plate habituel. »

Sans compter qu’on peut faire trois anagrammes avec le mot « orge ». Polyvalente, on vous disait.

(Envoyez-nous vos réponses ici. Indices : Shrek/latin/sanguinaire.)

(Publié le 6/03/2020)

DOSSIER SPÉCIAL : LES PESTICIDES ET NOUS

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Lorsque vous croquez dans une pomme, mangez votre salade ou savourez votre brocoli, vous avez des maudites bonnes chances d’en avaler. 

Malheureusement, on ne parle pas de fibre, mais plutôt de pesticides, et ce n’est pas qu’on veuille vous faire peur, mais il n’en demeure pas moins que ces produits chimiques, qui ont été conçus, rappelons-le, pour tuer, font désormais partie de notre agriculture et par extension, de notre alimentation et de nos vies. 

C’est ce que révèle le rapport de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN), dévoilé cette semaine, qui s'est penché sur l'utilisation des pesticides. On en profite pour faire le point sur le sujet.

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DANS LE CAS DES PESTICIDES, LA SCIENCE N'EST PAS TOUJOURS EXACTE

Si on est d’accord que les pesticides comportent des risques pour la santé humaine, on ne connaît pas — ou on ne s’entend pas toujours — sur leurs effets nocifs.
L’exemple du glyphosate utilisé dans le Roundup de la compagnie Monsanto est assez frappant : en Europe, le produit a été classé « cancérigène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer en 2015 ; le Luxembourg est le premier pays européen à l’interdire dès cette année et la France veut en faire de même d’ici 2021.
Pourtant, Santé Canada optait pour le maintien son utilisation sur nos terres, le jugeant sécuritaire, ce qui a poussé l’organisme Safe Food Matters, il y a quelques semaines, à demander à la Cour fédérale de Toronto de revoir cette décision.
Pendant ce temps, aux États-Unis, on ne compte plus les recours collectifs contre le produit, phénomène qui a même fait son apparition au Canada.
C’est dans ce contexte que la Commission a dévoilé son rapport tant attendu sur les pesticides, qui contient pas moins de 32 recommandations.

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LES GRANDES LIGNES DU RAPPORT

Le rapport dresse en premier lieu un portrait de la situation au Québec :

+ En 2017, au Québec, il s’est vendu 3 348 328 kg de pesticides pour la production végétale, soit l’équivalent en poids de près de 1 760 bélugas — ce qui est évidemment un chiffre fictif puisqu’il resterait seulement un peu plus d’un millier de bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent. (Mais ça, c’est une autre histoire — ou pas).

La dernière analyse du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) en 2016-2017 sur 16 types de fruits et légumes au Québec révélait que des résidus de pesticides ont été observés dans 78 % des échantillons analysés.

+ Également présents dans nos cours d’eau, les pesticides comportent des risques pour la santé humaine, mais la gravité varie selon le degré d’exposition. Et même si les travailleurs agricoles sont les plus exposés, la population en générale y est aussi, à plus faible dose, de façon chronique.

+ Ajoutez à cela que le gouvernement s’est graduellement retiré des services-conseils auprès des agriculteurs, ce qui veut dire que les fabricants de pesticides sont devenus les conseillers-experts sur l’utilisation de ces / leurs produits — ce qui pourrait sembler drôle, si ce ne l’était vraiment pas. Cela a notamment mené au congédiement de l’agronome Louis Robert qui dénonçait la situation.

+ Finalement, rappelons qu’en toile de fond, il y a un enjeu économique énorme : les consommateurs veulent des beaux fruits et légumes, et à bon prix, mais pour être compétitifs, l’utilisation des pesticides est une pratique qui n’est pas si facile à éliminer ou négliger. Cela va donc prendre des subventions, de la formation, de l’innovation, de la sensibilisation, bref un grand virage avec un V majuscule pour y arriver, que plusieurs souhaitent voir dans le Plan d’agriculture durable promis par le ministre de l’Agriculture André Lamontagne.

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RÉACTIONS AU RAPPORT 

Devant ces constats, on pouvait s’attendre à 32 recommandations musclées, un échéancier serré pour redresser la situation et apporter les correctifs qui s’imposent. On a discuté du rapport avec Louise Hénault-Ethier qui est chef des projets scientifiques avec la Fondation David Suzuki.

« Ma première réaction a été ENFIN, le rapport est déposé. On est content, parce qu’il va y avoir un débat et cela va aider grandement à structurer la gouvernance autour des pesticides et cela a introduit le sujet des pesticides dans le domaine collectif. »

« Ceci étant dit, les recommandations sont somme toute assez faibles. Ce ne sont pas des recommandations qui sortent des solutions particulièrement innovantes aux problématiques. On a fait des recommandations qui sont déjà des évidences, bien inscrites dans les démarches actuelles. »

« Par exemple, la première recommandation mentionne de prioriser la lutte aux pesticides. C’est déjà l’objectif de la stratégie du ministère de l’Environnement et du MAPAQ, donc je ne sais pas ce que cela apporte de nouveau. Aussi, par rapport à l’indépendance de la recherche scientifique, il y a un problème quand des intérêts privés empêchent la diffusion de connaissances acquises sur des projets de recherche appliquée grâce au financement public. Ça, c’est un énorme problème et cela n’a pas été adressé.
D’un point de vue alimentaire, c’est bien d’avoir mentionné la nécessité de faire plus de tests sur les aliments et de mieux diffuser les résultats de ces analyses, mais il faut que les analyses soient représentatives des aliments sur le marché sur le plan statistique, ce qui n’est pas le cas en ce moment.
Le rapport aurait pu aussi aller plus loin, en demandant à ce que les vendeurs de pesticides ne puissent pas prescrire les pesticides. »

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EST-CE QU'IL Y DES CHOSES INNOVANTES DANS LE RAPPORT? 

« Pas beaucoup mais il y a deux éléments qui me viennent à l’esprit, » poursuit Louise Hénault-Ethier. On voit que les membres de la Commission s’inquiètent des effets de toxicologie des cocktails de pesticides mélangés avec d’autres produits chimiques dans notre environnement. Ce sont des effets qui sont très difficiles à étudier, on s’inquiète des effets potentiels qu’on a du mal à quantifier, mais on ne sait pas comment cela va s’articuler. Aussi, on veut mieux encadrer la publicité sur des pesticides — ça, vraiment il était temps. Dans le domaine du tabac et de la pharmaceutique, on n’a pas le droit de vanter les mérites ni d’un médicament, ni d’un produit qui cause des effets pervers sur la santé. Par contre, il n’y avait pas d’encadrement pour des produits qui sont faits pour tuer des organismes vivants. Par exemple, pour les pesticides d’usage domestique, on rentrait dans les quincailleries, et ils étaient placés de façon frontispice, en bout de rangée devant les caisses, exactement où on met les bonbons, pour être certain qu’on en achète. L'impact des pesticides sur le développement du cerveau des enfants est bien connu, bien documenté, donc si on pouvait minimiser l’usage de ces produits au lieu d’en vanter les mérites, cela serait une bonne chose. »

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ALORS, ON FAIT QUOI MAINTENANT? 

C’est LA question. Parce que le rapport ne donne pas d’échéance, ne propose pas de date ou de mode d’implantation précis pour ces recommandations, ce qui n’est pas si surprenant quand on sait qu’initialement, il devait contenir de simples « observations ».

Le gouvernement du Québec a également promis une politique d’agriculture durable qui vise à améliorer les pratiques agricoles, donc on peut s’attendre à ce que plusieurs éléments du rapport — et des points soulevés dans les mémoires déposés qui n’ont pas été retenus au rapport final — soient réutilisés à cet effet.
Entre temps, il y a plein de petits trucs et gestes qu’on peut faire pour tenter de réduire l'impact des pesticides dans nos vies, y compris laver nos légumes à l’eau vinaigrée ou acheter bio.

Mais pour la suite des choses sur le plan gouvernemental, on s’est quand même permis de poser la question à l’Assemblée nationale qui nous a répondu, par courriel : « La Commission a formulé 32 recommandations dans son rapport. Les recommandations contenues dans les rapports de commission n’ont toutefois pas de caractère contraignant. Les ministères, organismes et agriculteurs auxquels s’adressent les recommandations sont donc libres de les suivre ou non. »

Autrement dit, après plus d’un an de travail, des déplacements en région, en Belgique et en France, 76 mémoires et 26 témoignages recueillis, et devant un constat pour le moins inquiétant sur les effets des pesticides sur la santé et l’environnement, et malgré les conflits d’intérêts évidents entre l’industrie des pesticides et le rôle-conseil qu’elle joue auprès des agriculteurs, le message de la Commission semble être : « Voici 32 choses qu’on aimerait vraiment — mais vraiment — changer, mais en fin de compte, faites donc ce que vous voulez. »

SPÉCIAL CINÉMA

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En hommage à tout le gratin d’Hollywood qui se réunit dimanche pour le gala annuel des Oscars, on fait une pause de nos nouvelles alimentaires et culinaires habituelles, et on vous propose plutôt un menu de cinq films de bouffe alléchants et intrigants, qui méritent votre attention.

Documentaire de Kip Andersen et Keegan Kuhn (2017)

Documentaire-choc qui a été le début de la fin pour nous concernant la viande et les produits animaliers. En effet, sur un ton posé et zen, le cinéaste Kip Andersen passe l’industrie alimentaire dans le tordeur et nous fait découvrir le pan d’études scientifiques qui existent sur les dangers de la viande, tout en exposant les liens insidieux entre l’industrie agroalimentaire et les organismes gouvernementaux. L’entrevue avec le directeur général de l’American Diabetes Association qui refuse obstinément de parler d’un régime à base de plantes comme remède possible au diabète est un classique instantané. Le documentaire a créé tout un émoi lors de sa sortie et a été critiqué pour avoir tourné les coins scientifiques un peu ronds, mais il a le mérite de lever le voile sur des secrets bien gardés et aussi de nous exposer à quelques-uns des pionniers du végétalisme en médecine préventive comme le Dr Michael Greger et le Dr Neal Barnard (que nous avons d’ailleurs eu en entrevue).


Comédie de Stanley Tucci et Campbell Scott, avec Stanley Tucci et Isabella Rossellini (1996).

Dans les années 50, deux frères italiens en arrachent avec leur nouveau restaurant. Pour se sauver d’une faillite certaine, ils tentent le tout pour le tout en organisant une grande soirée, à laquelle est invité l’illustre chanteur de jazz Louis Prima. La bouffe dans ce film est mirobolante, les plats majestueux se succèdent à un rythme hallucinant. Le jeu des acteurs est subtil et discret, et Tony Shalhoub est désopilant dans le rôle du frère cuisinier puriste (Primo) qui refuse, par exemple, de servir son risotto avec du ketchup. Savoureux à tous les points de vue.

Drame historique d’Édouard Molinaro, avec Claude Brasseur et Claude Rich (1992).

Après la défaite de Napoléon, le politicien Talleyrand (le sublime Rich) et le chef de police Joseph Fouché (Brasseur) soupent ensemble pour discuter de l’avenir de la France. Toute personne qui aspire à être un acteur un jour — comme Tom Cruise par exemple — aurait intérêt à voir ce film pour bien saisir toutes les nuances et les subtilités du métier. Les dialogues de Jean-Claude Brisville, qui a adapté sa pièce de théâtre à l’écran, sont un festin pour l’ouïe. Rich, qui livre une performance exquise dans son rôle de parfait salaud et de maniganceur politique, a remporté le César du meilleur acteur pour sa prestation dans ce film.

Comédie dramatique de Gabriel Axel, avec Stéphane Audran et Jean-Philippe Lafont (1987).

Dans un petit village danois à la fin du XIXesiècle, une servante française en exil cause tout un émoi lorsqu’elle organise un festin. Un film de douceur et de rigueur qui, au-delà de la bouffe, parle de désirs interdits et de passions inassouvies. Mais lorsque cette pauvre communauté danoise, extrêmement religieuse, qui se tape du hareng salé 365 jours par année, voit soudainement débarquer des chaloupes de vins, de champagne, de truffes, de cailles et de sangliers, la piété cède à l’appétit. Impossible de voir ce film sans rêver de cailles sarcophages et autres délices. Le film a remporté l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1988.

Documentaire de Louie Psihoyos (2019).

On termine avec le dernier des documentaires sur le végétalisme, qui prend toutefois une tangente intéressante : l’effet végé sur les performances sportives de très haut niveau. Qu’ils soient joueur de la NFL, cycliste olympien, homme fort ou ultra-marathonien, on nous révèle, par l’entremise du vécu du combattant UFC James Wilkes, le secret que ces athlètes ont en commun : l’alimentation végée qui les aide à mieux performer.
Le film ose même affronter de plein fouet le mythe que « la viande est pour les vrais hommes virils » : on soumet des joueurs de football collégial à une expérience hilarante qui mesure la fréquence et le degré de leurs érections pendant la nuit, à la suite d’un repas végé ou à base de viande. La différence est, disons, assez probante, merci.
Mais au-delà des nombreux exemples stupéfiants — et réels — qu’il présente, The Game Changers a surtout le mérite d’être clair. Sans être moralisatrices, les explications des bienfaits d’une alimentation à base de plantes sont minutieusement illustrées par des animations 3D, avec de nombreuses preuves et recherches scientifiques à l’appui.

Même Arnold Schwarznegger, coproducteur du film, y fait son mea-culpa, avouant que le lien de virilité entre la musculation et la viande n’est que du « marketing, et ne correspond pas à la réalité ».

Bref, si vous n’êtes pas convaincu de manger moins de viande après ce film, allumez-vous une bonne cigarette, installez-vous sous votre lampe bronzante et relaxez-vous en savourant pleinement votre chip, votre hot-dog, votre liqueur et vos pop-rocks.

Parce que la vie sera toujours belle.

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Ratatouille (2007) de Brad Bird, qui vient nous chercher à chaque fois. À. CHAQUE. FOIS.

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Diner (1982) de Barry Levinson, pour ses conversations ridicules et mémorables qui ont valu au film l’Oscar du meilleur scénario original.

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La Grande Bouffe (1973) de Marco Ferreri. Parce que.

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Les Saveurs du Palais  (2012) de Christian Vincent qui démontre que la simplicité et l'authenticité en cuisine sont toujours des valeurs sûres, même dans les plus hautes instances.

DANGERS DE LA VIANDE : 40 ANS DE COVER-UP ET DE DÉNI AUX ÉTATS-UNIS

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Dangers de la viande :
40 ans de cover-up et de déni aux États-Unis

Manger moins de viande. Plus de fruits, légumes et grains entiers. Moins d’oeufs. Moins de beurre. Moins de sel et de sucre.

Voilà des recommandations alimentaires qui sont d’actualité. Mais vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’elles ne sont pas nouvelles — au contraire. Le gouvernement américain les connaît depuis fort longtemps et les a même émises dans un rapport gouvernemental d’envergure, rendu public à la nation il y a de cela… 43 ans ce mois-ci. 

En effet, en 1976, le comité sénatorial The Select Committee on Nutrition and Human Needs, présidé par le sénateur du Dakota du Sud George McGovern, prend un virage plutôt avant-gardiste : avec les maladies du coeur, les cancers et l’obésité qui font rage aux États-Unis, il s’attaque aux problèmes de santé liés à l’alimentation. Le but avoué est de proposer des recommandations simples et concrètes afin d’aider les citoyens à faire de meilleurs choix alimentaires et améliorer leur santé.

Nick Mottern, journaliste diplômé de l’Université Columbia de 35 ans, se joint alors au comité et participe à tous ses travaux, de même qu’à la rédaction du premier rapport qui a été présenté en grande pompe à la presse américaine, le 14 janvier 1977 à Washington : Dietary Goals for the United States

D'entrée de jeu, le sénateur McGovern rend hommage au travail extraordinaire de Nick Mottern dans la préparation du rapport.

Mais malgré les nombreuses preuves scientifiques à l’appui, il ne pouvait se douter de l’ampleur de la fureur et de la controverse que soulèveraient le rapport et ses recommandations, qui demandaient aux Américains notamment de réduire leur consommation de viande, d’oeufs, de beurre, de sucre et de sel. Pour faire suite à une mobilisation sans précédent des lobbys de l’industrie alimentaire, le comité sera forcé de publier un second rapport, plus dilué et atténué, qui forcera Mottern à démissionner en novembre 1977, et qui mènera à la dissolution du comité à la fin de l’année.

Cette semaine, dans le cadre de notre entrevue sérieuse, les Explorateurs culinaires vous proposent un retour vers le futur plutôt troublant, avec une entrevue exclusive avec Nick Mottern, qui a contribué à ce rapport historique qui cherchait en premier lieu à changer le monde et sauver des vies, et qui a été rapidement discrédité, modifié et puis…. carrément oublié.

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Pourquoi l’alimentation était-elle dans votre mire à l’époque?

Initialement, le comité avait le mandat de régler les problèmes de malnutrition au pays notamment dans le sud des États-Unis. Mais une des raisons de s’attaquer par la suite à l’alimentation était en partie politique, pour garder le comité en vie. Mais il était aussi très clair que l’alimentation était une énorme cause de maladies aux États-Unis, surtout les maladies du coeur. Alors on a décidé de tenir des audiences où des médecins et nutritionnistes ont eu le courage de venir témoigner, devant une instance gouvernementale, pour se prononcer sur toutes les recherches qui avaient été faites jusque là. On essayait aussi d’éduquer le public et de créer une base pour une nouvelle politique alimentaire et agricole au pays, à savoir quel genre d’aliments on devrait faire pousser, quelles sortes de comportements on devrait favoriser. Cela n’avait jamais été fait auparavant. En fait, le seul geste gouvernemental du genre a eu lieu à la fin des années 30 et au début des années 40 alors qu’on a mis sur pied « l’apport journalier recommandé ». Mais ce programme avait été créé parce qu’on avait constaté que les hommes qu’on envoyait au combat étaient mal nourris et le gouvernement voulait qu’ils soient le plus en santé possible.

Le sénateur George McGovern lors de la présentation du rapport aux médias en janvier 1977, qui fait état de la situation, visuel à l'appui. (Photo : Washington Post / Archives N. Mottern.)
Le rapport et la situation « critique » de l'alimentation aux États-Unis ont fait la une des journaux à Washington à l'époque. (Photo : Washington Star / Archives N. Mottern).
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Combien de témoins aviez-vous entendus?

Je dirais une douzaine de médecins et nutritionnistes, dont plusieurs avaient des idées très tranchées sur le sujet. À l’époque, on comparait beaucoup notre démarche à celle du rapport gouvernemental qui faisait un lien entre la cigarette et le cancer. Ceux qui sont venus témoigner devaient avoir un certain courage, car ils risquaient d’être critiqués par leurs collègues et aussi s’exposaient aux foudres de l’industrie alimentaire. À mon avis, il y avait aussi des chercheurs qui ont subi de la pression pour dire qu’on n’en savait pas assez sur le sujet, et qui étaient à la solde de l’industrie — un peu le même scénario qu’on voit avec les changements climatiques aujourd’hui.

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Est-ce que ces témoignages lors des audiences vous ont surpris ou choqués?

J’étais journaliste de profession alors mon métier était de trouver des choses choquantes. Mais sur le plan personnel, le rôle de la viande dans notre alimentation et les implications sur la santé ont eu un effet puissant sur moi. J’ai radicalement coupé dans la viande rouge par la suite. Parce que jusque-là, j’avais été élevé sur le régime alimentaire américain traditionnel, c’est-à-dire beaucoup de bouffe, et un gros morceau de viande était perçu comme la chose la plus santé qu’on pouvait avoir dans son assiette. Et pendant que cette controverse sur la viande faisait rage, je suis allé à la bibliothèque du National Institute of Health pour faire plus de recherches, afin de savoir si réduire sa consommation de viande grasse pouvait réduire les risques. Mais non, il fallait vraiment couper dans la viande rouge pour contourner le problème.

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À mesure que les audiences avançaient, aviez-vous l’impression que vos constats compromettaient la survie du comité sur le plan politique? Et avez-vous été surpris par la réaction de l’industrie alimentaire?

Non, je n’ai jamais ressenti que nous étions en danger. Pour nous, ce débat sur l’alimentation et la santé avait du sens, l’idée était de poursuivre le travail, et en cours de route, on allait générer assez de publicité, cela serait un peu comme le rapport du « Surgeon General » sur la cigarette. On pensait vraiment que ce qu’on présentait était blindé sur le plan scientifique. Pour ce qui est de la réaction, je n’étais pas complètement surpris; en fait, j’étais plutôt content parce que cela voulait dire qu’on avait un document qui pouvait vraiment faire changer les choses. Mais après la publication du rapport en janvier 1977, l’American Meat Institute a voulu nous rencontrer à Chicago pour tenir d’autres audiences et avoir leurs témoins experts devant le comité, ce qu’on a fait. Nous avons reçu des lettres de lobbyistes des producteurs d’oeufs, de l’industrie du sucre qui étaient assez fâchés. George McGovern était du Dakota du Sud, un État qui vivait principalement du bétail, donc il avait beaucoup de pression. Mais même après avoir rencontré leurs experts, les faits étaient de notre côté.

« Ces groupes ont continué d’appliquer de la pression jusqu’à ce que je reçoive un appel de The American National Cattlemen’s Association de Washington, qui sont des lobbyistes, me disant qu’ils avaient entendu dire qu’on allait changer notre rapport concernant la viande. Je leur ai répondu : Pas à ce que je sache. On m’a expliqué que oui.»

Ils avaient eu une réunion avec le chef de cabinet de McGovern — et peut-être même aussi avec McGovern — et ils avaient décidé qu’ils allaient devoir changer les recommandations. Ils ont publié un 2erapport en août 1977, mais je n’en ai même pas un exemplaire, car j’ai toujours pensé qu’il ne valait pas grand-chose.

Suite aux réactions de l'industrie alimentaire, les nouvelles recommandations sont considérablement diluées. On parle désormais d'une réduction de gras animal (et non de viande) et on encourage même les gens à « choisir des viandes » qui réduiront l'apport en gras saturé. La position ferme du rapport initial sur le sucre, le lait, les oeufs et le beurre a aussi été considérablement atténuée.
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 Quelle a été votre réaction?  

J’étais vraiment fâché. Je croyais que l’intérêt public n’était pas bien servi. Notre obligation était de donner aux gens la meilleure information possible. En changeant les recommandations, c’était vraiment trompeur. J’étais aussi assez déçu que McGovern ait baissé les bras face à ces gens, mais je comprends aussi pourquoi il l’a fait. J’ai continué avec le comité et tenté de lutter contre les changements, mais j’ai éventuellement dit au chef d’équipe qu’en toute conscience, je ne pouvais pas poursuivre et j’ai éventuellement démissionné.

Dans une longue missive de cinq pages, J.W. Tatem Jr., président de The Sugar Association s'indigne, parle d'une situation « terrifiante » et termine avec une phrase qui sera prophétique :  « De quelconque façon, ceci doit être corrigé. » Un nouveau rapport sera publié six mois plus tard.
Dans une lettre de l'industrie laitière du 31 janvier 1977, la signataire tente de corriger le tir... en mettant subtilement le grand patron en copie conforme.
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Plus de 40 ans plus tard, on a l’impression que le rapport a été effacé de la mémoire collective. Et pourtant, ce rapport aurait pu grandement aider à améliorer la santé des gens.

Absolument. Admettons que ces recommandations se seraient transformées en politique agricole, où nous aurions des subventions pour certains aliments, et nous cesserions d’appuyer financièrement l’élevage de bétail ou du maïs pour nourrir le bétail.

« Si ces changements avaient eu lieu à l’époque, nous vivrions dans un tout autre pays aujourd’hui. Cela aurait sauvé beaucoup de vies et un énorme montant d’argent, mais plus que tout, cela aurait évité beaucoup de souffrances chez les gens. » 

Lors d’un échange sur la 2e recommandation qui propose de réduire la consommation de viande, le président de l’American National Cattlemen’s Association Wray Finney ne se gêne pas pour livrer le fond de sa pensée au sénateur Robert Dole, alors membre du comité.« ‘Réduire’ est un mauvais mot, sénateur. »

Mais sans surprise, ces industries contrôlaient l’agriculture et les membres du Congrès aussi. Ils voulaient donc supprimer le rapport à tout prix. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Par exemple, les candidats démocrates à la présidence se disent supposément très progressistes, mais ils évitent le sujet. Le candidat Corey Booker, qui est végane, a dit qu’il ne dirait pas aux gens quoi manger. Ce n’est pas seulement de la mauvaise politique, c’est irresponsable, surtout d’une personne qui brigue la présidence ! Parce que vous avez la santé des gens entre vos mains !

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Avez-vous espoir que tout cela change un jour?

Je pense qu’il y a un intérêt chez les jeunes pour le végétarisme et véganisme. Il y a le même phénomène sur la côte est et la côte ouest des États-Unis. Quand on parle de changements climatiques, il faut savoir que la viande, le transport de la viande, la congélation, la réfrigération — cela a une empreinte carbone énorme. À l’époque où on a rédigé le rapport, on voulait aussi économiser sur les coûts d’essence. Mais aujourd’hui, c’est une question de survie et le gouvernement doit s’impliquer de façon dramatique. D’une certaine façon, au lieu de dire que tout doit changer, il doit y avoir un plan, et la nourriture doit être au centre de tout cela. Mais tout est entre nos mains, cela dépend vraiment de nous.

Plus tard, le sénateur George McGovern devait expliquer ses raisons pour les modifications au rapport ainsi : « Je ne voulais pas perturber la situation économique de l'industrie de la viande et m'engager dans une bataille avec cette industrie qu'on ne pouvait pas gagner. »
Dans son livre The China Study, l’auteur et chercheur T. Colin Campbell mentionne que lors d’une conversation privée avec McGovern, celui-ci lui a avoué que lui et cinq autres sénateurs puissants des états agricoles avaient par la suite perdu leurs élections respectives en 1980 en partie parce qu'ils avaient osé défier l'industrie alimentaire animale.

METS TRADITIONNELS DES FÊTES À TRAVERS LE MONDE

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Pour les Fêtes, on vous offre nos meilleurs voeux, beaucoup de bouffes mémorables avec vos proches, et une excellente année pleine de santé, propulsée par une belle alimentation saine, variée et végée. On en profite aussi pour prendre un petit congé jusqu’en janvier, et on insiste pour garder un flou artistique quant à la date exacte de notre retour dans vos boîtes de courriel. Mais avant de vous quitter, notre équipe de chevronnés recherchistes a tout de même mis sur pied une liste de mets traditionnels typiques — et végés — de certaines régions du monde qui pourrait vous inspirer pour votre menu des Fêtes — ou pas. Alors, allez-y, découvrez ! Et vous verrez que c’est souvent à force d’explorer qu’on apprend à se consoler. Joyeuses Fêtes à tous.

QUELQUES REPAS TRADITIONNELS DES FÊTES
DANS LE MONDE

LE RÉVEILLON VÉGÉ DE LITUANIE

Les Lituaniens ont le sens de la fête. Leur repas de Noël débute à la tombée de la nuit le soir du 24 décembre et consiste en douze plats représentant les apôtres. La particularité de cette tablée : aucun plat ne contient de la viande. Fini le ragoût de pattes de cochon et la tourtière. On retrouve plutôt des poissons (brochet, hareng), de la purée de pommes de terre, de la choucroute, des plats à base de betterave, des fruits séchés, des légumes, des noix et même du gruau (décidément, les Lituaniens sont des bêtes de partys). Un dicton commande de goûter à chacun des plats, sous peine de ne pas se rendre au prochain réveillon. Un autre dicton, plus mesquin celui-là, soutient que de goûter à chaque plat peut avoir le même résultat.

LES POMMES DE NOËL DE CHINE

On s’imagine mal recevoir une pomme comme cadeau durant les Fêtes, mais c’est pourtant le phénomène qu’on observe en Chine au cours des dernières années. La raison ? Un mauvais jeu de mots, semble-t-il. En effet, le mot pour « veille de Noël » en mandarin est « ping’anye », qui veut dire quelque chose comme « nuit de paix ». Le mot pour pomme ? « Pingguo ». Dans un éclair de génie de sino-marketing, on a donc fusionné / confondu / amalgamé les deux mots au point qu’ils sont désormais interchangeables, ce qui a fait de la pomme un symbole de Noël incontournable. On aurait même poussé le calembour un peu plus loin en créant un tout nouveau mot — « ping’anguo » — qui signifie les « pommes de la paix », qui est à la fois charmant et, surtout, à ne pas confondre avec « pommes de route ».

LE LUTEFISK DES VIKINGS

Plat typique des fêtes, le lutefisk est fait de poisson blanc (de la morue, par exemple) et il a le mérite d’être encore plus d’entretien qu’un poisson vivant. On le fait sécher, puis on le fait tremper dans l’eau froide pendant 5 à 6 jours, en prenant soin de changer l’eau chaque jour. On le place ensuite dans une solution d’hydroxyde de sodium dans laquelle il va macérer pendant 2 jours. On replonge ensuite le poisson 4 à 6 jours dans de l’eau froide qu’on change encore quotidiennement. Quand il prend une consistance de gelée dégueulasse, c’est qu’il est prêt. Et à quoi sert l’hydroxyde de sodium ? À nettoyer et à déboucher les tuyaux.

LE SOCHIVO DE RUSSIE

En Russie, certaines personnes jeûnent la veille de Noël jusqu’à l’apparition de la première étoile dans le ciel — une tradition qui remonte sûrement à un temps non si lointain où les pauvres Russes crevaient de faim et devaient aussi faire la file pour du papier de toilette. Par la suite, ils dévorent le « sochivo », une bouillie à la texture aqueuse à base de blé ou de riz, servie avec du miel, des fruits, des noix et des graines, qui symbolise l’unité et qui donne, à première vue, l’étrange impression d’avoir déjà été mangée. Autre tradition hilarante : apparemment, les Russes en propulsaient autrefois une cuillerée bien remplie au plafond, et si la bouillie collait, cela signifiait invariablement que l’année serait faste. On soupçonne aussi que c’est de cette façon que le stucco a été inventé.

LE MATTAK DU GROENLAND

Un délice des fêtes, le mattak est constitué de peau de baleine à laquelle on a gardé une couche de gras. Pour que le gras soit plus facile à manger, on le coupe en cubes qu’on arrache avec les dents. Il est souvent assaisonné de sel épicé et parfois avalé tout rond. On dit qu’il goûte la noix de coco fraîche et qu’il complémente à merveille d’autres spécialités de la région, comme des oiseaux de mer fermentés et du foie de phoque frais, le tout, idéalement, agrémenté d’un gallon de Pepto-Bismol servi température pièce.

(Publié le 20/11/2019)

DÉGUSTATION : LANIÈRES DE FAUX POULET CHEZ ST-HUBERT

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La journaliste Nathaëlle Morissette du journal La Presse+ nous apprenait cette semaine que les Restaurants St-Hubert avaient discrètement faufilé des lanières de faux poulet à base de soya sur leur menu. Notre chauve chef s’est tout aussi sournoisement rendu sur place pour faire une dégustation sous le radar.

(Publié le 8/11/2019)