Depuis que les humains sont sortis de leurs cavernes pour chasser, ramasser et cueillir tout ce qui traînait par terre et se le mettre sous la dent parce qu’ils étaient constamment affamés, ils se sont rapidement aperçus que les grains — comme le blé, l’orge ou encore le seigle — étaient abondants, mais plutôt difficiles à bouffer cru.
On a éventuellement contourné le problème en les pulvérisant avec de la pierre, ce qui nous a donné de la farine, ainsi qu’une industrie florissante artisanale, pas moins de 18 moulins à vent au Québec et, éventuellement, la belle enseigne de néon « Five Roses » qui surplombe le Vieux-Montréal.
LA PETITE HISTOIRE RAPIDE DU GRAIN AU QUÉBEC
AVANT
APRÈS
Mais l’industrialisation et le début des empires alimentaires ont rapidement identifié un problème substantiel avec la farine de grains entiers — elle ne se conserve pas très longtemps. Pour savoir pourquoi, il faut prendre le temps de disséquer le grain et ses trois parties :
1. L’écorce et le son
Ils constituent l’enveloppe de chaque grain, soit approximativement 15% de sa taille, et contiennent des fibres, vitamines et antioxydants.
2. L’amande
En quelque sorte le corps du grain (80% de sa taille), qui est surtout riche en glucide. On l’appelle aussi l’endosperme, mais cela fait ricaner les enfants.
3. Le germe
Il contient une huile très riche en vitamines et antioxydants mais, si vos mathématiques sont à jour, vous aurez compris qu’il s’agit d’une partie marginale qui, une fois pulvérisée, donne ce teint foncé à une farine de grain entier.
Donc, au 19e siècle, au moment où on remarque un potentiel et une demande énorme pour la farine, on constate aussi une faille majeure : lorsqu’on écrase et pulvérise le germe, l’huile qui est relâchée devient rapidement rance, ce qui est un problème pour un produit conçu pour rester en tablette des semaines à température pièce et expédié aux quatre coins du continent.
Solution : en 1875, les Américains perfectionnent un nouveau type de moulin avec des broyeurs à rouleaux qui est désormais capable de retirer le germe et l’écorce — c’est-à-dire les parties les plus intéressantes sur le plan nutritif — pour confectionner une farine plus blanche, légère, riche en glucides et, surtout, qui se conserve très très longtemps.
En 1920, sentant un danger pour la santé publique et craignant que les citoyens soient désormais privés de fibres et de vitamines essentielles dans leur pain quotidien, le président de la Food and Drug Administration Harvey Wiley, lui-même chimiste, tente d’interdire la farine raffinée et blanchie, mais l’industrie se mobilise.
À en juger par sa réaction sur la photo à gauche, on vous laisse deviner qui a gagné.
Aujourd’hui, toutes les farines raffinées sont enrichies de vitamines — donc, on les produit en enlevant leurs éléments nutritifs naturels pour ensuite en rajouter pour compenser. (On est rendu là.)
Mais attention, comme le souligne Santé Canada, il y a aussi une passe croche à éviter concernant les farines de blé entier.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il semblerait qu’une bonne partie du germe de la farine de blé entier vendue au Canada est, en réalité, retirée de la farine. Ce qui veut dire qu’un pain de blé entier à 100 %… n’est peut-être pas fait de grains entiers. (Eh oui, c’est le monde dans lequel nous vivons.)
Donc, pour être certain, on conseille de toujours rechercher les mots « farine de blé entier » suivis de « avec germe » ou « intégrale » dans la liste d’ingrédients.
Et sachez que les produits étiquetés avec les mots « multigrains » et « organiques » ne sont pas nécessairement de grains entiers, prouvant une fois de plus qu’il est beaucoup plus simple de juste faire son propre pain.
(Publié le 05/06/20)