On ne se le cachera pas, en cuisine, on a tous eu besoin, à un certain moment, de faire semblant d’aimer quelque chose. Lorsque notre neveux boutonneux végé nous livre sa dernière création culinaire à base de tofu, de nori et d’ananas, on grimace de joie en dégustant, mais on se dit vite plein. Puis, il y a les choses qu’on a toujours aimées parce qu’elles étaient franchement savoureuses, mais aussi parce qu’elles ont fait partie de notre jeunesse. Un bon verre de lait le matin ou avant de se coucher. Des Frosted Flakespour déjeuner. Un super burger dégoulinant les chaudes soirées d’été, dévoré en gang. Quelques décennies et plusieurs maladies cardiovasculaires, diabètes et cancers plus tard, voilà que la science nous rattrape.L’eau devrait être la boisson de choix, plutôt que le lait. Un déjeuner ne devrait pas contenir plus de sucre qu’un dessert et n’est pas nécessairement le repas le plus importantde la journée. Et la viande rouge est possiblement cancérogène.
Ce qui nous amène à la nouvelle galette de Beyond Meatque nous avons essayée cette semaine.
Primo, nous avons été impressionnés par sa taille et son épaisseur. Avec 20 grammes de protéines végétales par galette, le Beyond Burger ratisse large et fait une entrée musclée sur le marché grandissant de la fausse viande.
Puis, il y a le goût et sa texture qui sont surprenants, offrant une expérience qu’on pourrait qualifier de «quasi-carnivore». Pour être certain, nous avons testé le produit auprès de deux adolescents plutôt gâtés, assez paresseux et remarquablement rechigneux, aux goûts diamétralement opposés. Tous deux se sont avoués soumis : ils croyaient manger de la viande.
Mais comme le soulevait notre chauve chef face à toutes ces nouvelles tendances : Pourquoi cette obsession de vouloir absolument reproduire le goût et la texture de la viande? Pourquoi ne pas évoluer sur le plan alimentaire, et simplement s’adapter à des aliments qui sont meilleurs pour notre santé? Apprendre à manger différemment? Après tout, si on n’a pas vraiment besoin de lait, a-t-on pour autant besoin de lait d’amandes, de soya, d’avoine ou de pois?
La réponse est oui — et elle relève plus de l’émotion que de l’évolution. Notre réalité alimentaire a chaviré ces dernière années, et les récentes études et données sont venues bousculer nos valeurs établies et nos goûts acquis.
Ce qui était autrefois bon est aujourd'hui nocif, malsain et même carrément con. (Boire du lait d'un autre animal? Sérieusement.)
Il ne faut donc pas se surprendre que Silicon Valley clanche sur une multitude de simulations et de substituts alimentaires pour que nous puissions poursuivre notre longue — et parfois dangereuse — histoire d’amour avec certains aliments qui ont forgé notre jeunesse, notre culture et notre expérience alimentaire.
Oui, en cuisine, on a tous déjà fait semblant d’aimer cela.
Mais aujourd’hui on fait du semblant justement parce qu’on aimait cela.
(Publié le 3/05/2019)