Onde de choc possiblement funeste cette semaine dans le monde de la nutrition alors qu’une nouvelle étude parue dans le journal Annals of Internal Medicinesuggère que la viande rouge et les viandes transformées ne sont pas aussi nocives qu’on le pensait. La réaction du milieu médical et scientifique a été virulente. En gros, le diable est aux vaches.

Les grandes lignes
L’étude, qui a analysé les données de plusieurs études déjà existantes, estime qu’il est difficile d’établir un lien direct de cause à effet entre la viande et les maladies du coeur, le diabète ou le cancer. Et pour la majorité des gens, les effets bénéfiques de la réduction de leur consommation de viande ne font pas le poids face aux effets indésirables d'arrêter d'en manger ; c’est-à-dire, l’impact négatif sur leur qualité de vie ou encore le chambardement de leurs habitudes alimentaires.

Le panel d’experts propose donc de continuer de manger de la viande (rouge ou transformée) parce que le trouble d’arrêter peut certes vous aider un peu, mais cela ne vaut pas vraiment la peine qu'on se donne. Genre.

Les réactions
On vous épargne la longue liste d’associations de médecins et d’institutions qui ont multiplié les sorties médiatiques pour décrier la méthodologie et la logique un peu tordue de l’étude. Mais quelques réactions notables :

+ Un des auteurs de l’article, John Sievenpiper, de l’Université de Toronto, s’est dissocié de ses conclusions, déclarant : « Je m’oppose totalement à cette recommandation et m’inquiète des dommages durables pour la santé publique et planétaire. » L’étude a en effet complètement négligé l’impact environnemental relié à la consommation de viande.

+ Le Dr Neal Barnard (que nous avons eu en entrevue) et son organisme Physicians Committee for Responsible Medecine ont déposé une plainte pour publicité frauduleuse auprès de la Federal Trade Commission.« Ces fausses déclarations sont directement en contradiction avec les nombreuses preuves scientifiques démontrant les effets néfastes potentiels sur la santé de la viande rouge et transformée. »

+ Et on vous rappelle que l’Organisation mondiale de la santé déclarait, en 2015, que la viande transformée était cancérogène au même titre que le tabac et l’alcool, pendant que la viande rouge était « possiblement cancérogène ».

Comment et pourquoi une telle étude peut-elle être publiée dans un journal supposément sérieux? Une hypothèse assez simple : pour générer de l’attention et des clics. Mais il y a possiblement un contexte plus large, car le gouvernement américain doit déposer, dès l’an prochain, son nouveau guide alimentaire pour les cinq prochaines années.

Avec le tollé qu’a suscité celui du Canada qui a pris un virage végé assez marqué, on soupçonne que la puissante industrie de la viande aux États-Unis s’active en coulisses pour influencer les décideurs.

On appelle cela mettre la table.

(Publié le 4/10/2019)