On a souvent cité la Nouvelle-Zélande en exemple durant la pandémie, notamment pour sa proactivité à confiner ses citoyens et mettre en place des mesures préventives efficaces. Résultat : avec une population de 4,8 millions d’habitants — soit plus de la moitié de la population du Québec — le pays n’a enregistré que 21 décès et 1 503 cas de COVID-19 (non, il ne manque pas de zéros). Cette semaine, les Kiwis ont continué leur virage avant-gardiste en proposant une semaine de travail de quatre jours pour relancer l’économie en plus de soutenir une initiative innovatrice pour lutter contre les changements climatiques : l’éducation.

En effet, en se basant sur des données scientifiques, les écoles vont dorénavant enseigner à leurs étudiants du secondaire à éviter la viande et le lait.

Vous aurez deviné, la proposition a mis les fermiers en beau fusil, surtout quand on sait que l’agriculture représente 60 % des exportations du pays.

On retrouve donc en Nouvelle-Zélande un refrain familier qu’on a vu se répéter partout durant la pandémie, soit le fameux tango délicat entre la santé et l’économie.

Avant de crier scandale, on se permet quelques rappels de faits importants, en trois temps, pour le plaisir :

Une étude de l’Institute for Agriculture and Trade Policy en 2018 révélait que les cinq plus grandes compagnies de viande et de produits laitiers réunies (JBS, Tyson, Cargill, Dairy Farmers of America et Fonterra) étaient déjà responsables de plus d’émissions annuelles de gaz à effet de serre qu’ExxonMobil, Shell ou BP. Le pétrole n’est donc pas la vache à lait de la pollution atmosphérique que l’on croit (excusez-la).

+ (Encore) d’autres études démontrent que la production de boeuf génère environ quatre à huit fois les émissions que le porc, le poulet ou les oeufs, par gramme de protéines, et toutes ont une empreinte climatique plus importante que les protéines végétales comme le soja ou les légumineuses.

+ L’an dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, un organisme composé de plus de 100 scientifiques, a pondu un rapport assez dévastateur sur la situation actuelle, en pointant également du doigt la viande : « Nous ne voulons pas dire aux gens quoi manger », expliquait alors le chercheur Hans-Otto Pörtner, l’écologiste au nom qui ressemble étrangement à un vilain mégalomane dans un film de James Bond. « Mais il serait en effet bénéfique, tant pour le climat que pour la santé humaine, que les habitants de nombreux pays riches consomment moins de viande et que des politiques incitatives soient créées à cet effet. »

Ce qui nous amène à la santé, qui curieusement ne fait même pas partie de l’équation dans le calcul scolaire néo-zélandais. Mais il n’en demeure pas moins que le Centre international de recherche sur le cancer a statué en 2015 que la viande rouge était « probablement cancérogène » et que les viandes transformées étaient classées « cancérogènes Groupe 1 ».

L’Organisation mondiale de la santé estime par ailleurs que 17 millions de personnes meurent annuellement de maladies du coeur et une récente étude a révélé que la consommation régulière de viande transformée, de viande rouge ou de volaille augmente le risque de maladies cardiovasculaires.

Devant ce pan de science, on comprend un peu mieux l’initiative néo-zélandaise.

Et après tout, si la théorie raëlienne de la création s’est déjà retrouvée dans un manuel scolaire au Québec, on se demande pourquoi les jeunes ne pourraient pas à tout le moins être informés, preuves scientifiques à l’appui, des enjeux qui affectent directement leur planète et leur santé.

(Publié le 22/05/2020)