La fraise est un fruit particulier. Primo, il y a ce fait plutôt inusité que parmi tous les fruits, la fraise est le seul qui porte ses graines à l’extérieur (insérer votre blague grivoise ici). On compte, en fait, plus de 200 graines par fruit. Mais il y a plus. C’est aussi le premier fruit qui est prêt à cueillir, généralement à la mi-juin. C’est un des rares fruits qui est cultivé dans chaque État des États-Unis et dans chaque province canadienne. C’est une vivace. Elle a fait l’objet (indirect) d’une chanson des Beatles. Il y a la lune des fraises. Et comble de l’ironie, vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que la fraise n’est techniquement pas une baie (comme un bleuet par exemple)… à cause de ses graines à l’extérieur. Finalement, si l’on veut tomber dans l’existentialisme botanique, sur le plan purement technique, la fraise elle-même n’est même pas un fruit ; c’est en fait chaque petite graine qu’elle contient qui est considérée comme le fruit. La fraise fait plutôt partie de la famille des roses, nous rappelant encore une fois qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences, surtout quand on porte ses graines à fleur de peau.

LES FRAISES ÉTAIENT VÉNÉRÉES DES CATHOLIQUES… MÊME TROP 

On sait que la pomme a une sale réputation dans la religion catholique, mais, étrangement, la fraise s’en sort plutôt bien merci, figurant dans de nombreuses peintures médiévales religieuses — dans les mains de la Vierge Marie par exemple, en bordure de peinture de l’Enfant Jésus comme décoration, ou en arrière-plan dans une peinture de 1420 intitulée « La Madone aux fraisiers ». Quelques années plus tard, l’image pure du fruit a été quelque peu… euh… pervertie ? dans l’oeuvre rocambolesque du peintre néerlandais Hieronymus Bosch datant de 1500 intitulée « Le jardin des délices », où l’on aperçoit, entre autres, trois hommes nus, pâles et lugubres, au regard tordu, qui mangent une fraise gigantesque avec une certaine idée troublante derrière la tête. On ne sait pas trop comment ce fruit qui symbolisait la pureté et la virginité s’est subitement transformé en symbole de sensualité et de désir, mais disons qu’on soupçonne que les Hollandais en fumaient du bon...

IL Y A PLUS DE 600 VARIÉTÉS DE FRAISES

C’est un peu le problème du 21e siècle : on prend un fruit ou un légume et on présume tout bêtement que l’aliment qu’on a en main est l’unique représentant de son espèce (un peu comme on fait pour les humains, malheureusement…). Bref, vous serez peut-être surpris d’apprendre que l’on compte près de 600 variétés de fraises, qui ont franchement des noms intéressants et qui remplissent différentes fonctions : comme, la Sweet Charlie, qui est plus sucrée, la Diamante, qui est plus large et brillante, idéale pour des fraises couvertes de chocolat, ou encore la Éros, qui, on soupçonne, était très prisée dans le temps médiéval. Toutes ces variétés font de la fraise un fruit très populaire sur le marché mondial, avec pas moins de 8,89 tonnes métriques produites en 2019, soit plus que l’avocat, le kiwi ou les cerises.

Comme cela devient une tendance, les Chinois sont devenus les plus grands producteurs et exportateurs de fraises, avec notamment 100 000 hectares de serres de fraises. Mais parfois, les résultats sont mitigés, comme l’ont appris à leurs dépens 11 000 pauvres écoliers allemands qui ont subi un virulent empoisonnement alimentaire après avoir mangé des fraises congelées à l’école… provenant de Chine.

Puisque nous sommes en Asie, les Japonais, eux, sont particulièrement friands de la fraise blanche, qu’ils surnomment la White Jewel (ou la Shiroi Houseki), qui est plus grosse, quasiment albinos, et qui à l’air assez répugnante, ce qui évidemment en fait un aliment de luxe au pays du Soleil-Levant, qui va chercher jusqu’à 10 $ US l’unité.

Chez nous, avec la volonté du gouvernement d’accroître notre autonomie alimentaire, on se tourne de plus en plus vers les serres pour une production de fraises plus stable, à longueur d’année, et qui utilise moins de fongicides, puisque plusieurs des maladies et des champignons qui les attaquent viennent du sol.
Mais peu importe celles que vous choisissez, deux petits conseils : 1. Il est toujours mieux de les acheter localement et en saison et 2. Vous pouvez facilement les conserver en les mettant sur une plaque au congélateur, puis en les transférant dans des sacs Ziploc pour usage tout au long de l’année, dans vos smoothies ou vos tartes. Et comme ça, vous ne serez pas malade.

CÔTÉ SANTÉ, LA FRAISE EST DURE À BATTRE

Sur le plan nutritionnel, la fraise a été étudiée de tout bord, et les résultats sont assez époustouflants, merci. Avant tout parce qu’elle contient plein de bonnes choses comme des antioxydants, en particulier des flavonoïdes, qui aident notamment à contrecarrer le cancer, et aussi… de la vitamine C. En effet, à poids égal, la fraise contient plus de vitamine C que l’orange, donc chapeau aux gens de marketing de l’orange qui ont vraiment fait de l’excellent travail. Car clairement, la fraise mérite aussi de monter sur le podium nutritionnel. Quelques exemples :

+ En 2013, une étude de la Harvard School of Public Health (HSPH), qui s’est basée sur les données de santé de 93 600 infirmières âgées de 25 à 42 ans, a révélé que manger trois portions ou plus de bleuets et de fraises chaque semaine peut réduire le risque de crise cardiaque. Les fraises contiennent de l’anthocyane, de la famille des flavonoïdes, qui serait bénéfique pour le cœur en améliorant la circulation sanguine et en luttant contre l’accumulation de plaque.

+ En 2014, des chercheurs italiens et espagnols ont eu une idée toute simple : on prend 23 volontaires, on leur tire un peu de sang, puis on les oblige à manger un demi-kilo de fraises par jour pendant un mois (soit une vingtaine de fraises par jour), et ensuite on retire encore un peu de sang et on compare. Génial, non ? Les résultats aussi :

- Une baisse de 8,78 % de cholestérol
- Chute de 13,72 % du « mauvais cholestérol »
- Baisse de 20,8 % de la quantité de triglycérides

+ Plus près de chez nous, en 2016, le professeur d’horticulture à l’Université Laval Yves Desjardins a dirigé une étude clinique sur une cinquantaine de personnes qui étaient légèrement obèses et qui souffraient d’un début de diabète de type 2. Une consommation quotidienne d’environ une tasse de fraises permettrait de régulariser la glycémie des personnes atteintes de diabète de type 2.

+ Et puis en 2019, on vous parlait d’une étude danoise qui a suivi pas moins de 56 048 participants sur une période de 23 ans. On a découvert que plus on consomme de flavonoïdes, qu’on retrouve notamment dans les fraises, plus le risque de mortalité baisse en général, surtout au niveau du cancer et des maladies cardiovasculaires. Constat doublement intéressant : le même effet a aussi été perçu chez les fumeurs et buveurs d’alcool, ce qui suggère que les flavonoïdes aident aussi ceux qui ne s’aident pas.

Bref, le constat semble être assez limpide : se paqueter la fraise de fraises est vraiment une bonne idée.

LA FRAISE CONTIENT BEAUCOUP DE PESTICIDES

Oui, autant que possible, on essaie de favoriser les fraises du Québec et heureusement elles sont assez bien identifiées et ne sont pas victimes du même flou géographique qui peut planer sur d’autres aliments du Québeccomme on l’a vu récemment.

Mais il est aussi bon de se rappeler que la fraise figure régulièrement sur la liste des « 12 salopards » aux États-Unis, ces fruits et légumes qui contiennent les plus grandes traces de pesticides.

Et qu’en est-il au Québec ?

Le dernier rapport du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a été déposé en juin 2020 et a analysé des échantillons de 18 fruits et légumes au Québec, entre avril 2018 et mars 2019, dont la fraise.

Au total, 87 échantillons de fraises ont été analysés : 17 biologiques et 70 provenant d’agriculture « conventionnelle ». Les 70 échantillons de fraises dites conventionnelles provenaient du Québec (32 échantillons), du Canada (4) et de l’international (34).

Voici le bulletin pour les 32 échantillons de fraises du Québec :

    • -  On a trouvé un total de 30 différents pesticides sur les 32 échantillons de fraises analysés.
    • -  97 % de tous les échantillons contenaient des traces d’au moins trois pesticides, ce qui en fait l’aliment le plus « contaminé » de la liste des aliments analysés provenant du Québec
    • -  78 % des échantillons contenaient cinq types de pesticides ou plus (comparativement à 45 % en 2016-2017, pour l’ensemble des fraises analysées)
    • -  Trois échantillons de fraises du Québec étaient non-conformes et contenaient du captane, de la cyperméthrine et du glyphosate. Les producteurs concernés ont fait l’objet d’un suivi du service d’inspection du MAPAQ.
    • -  Le rapport ne fait pas mention des analyses faites sur les fraises bios, et on espère que c’est pour des raisons évidentes.

Malgré le constat déconcertant, il est important de rappeler que le rapport mentionne d’emblée que « la vaste majorité des échantillons analysés respectaient les normes en vigueur ». Autrement dit, on a trouvé beaucoup de traces de pesticides, mais il semblerait que la majorité des quantités étaient faibles et conformes aux normes, mis à part les trois cas mentionnés. Aussi, aucun aliment n’a été rincé avant l’analyse et seules les parties non comestibles ont été retirées.

Mais ce qui est quand même inquiétant dans tout cela c’est que les normes sur lesquelles Santé Canada se base pour fixer les limites maximales de résidus de pesticides sont souvent issues de l’industrie. Donc, disons que cela peut soulever des questions de conflit d’intérêts (ben voyons).

Aussi, il y a l’effet « cocktail » des pesticides qui est encore très méconnu. Oui, on peut établir qu’un infime résidu de pesticides est inoffensif, mais qu’est-ce qui arrive quand votre fraise contient des résidus de sept pesticides différents ou plus, comme c’est le cas pour plus d’une fraise conventionnelle sur trois du Québec ?

Si vous ne voulez pas attendre la réponse, le bio demeure toujours une option.

(Publié le 22/06/2021)
Textes et recherches : Stephane Banfi