NOS DEVOIRS POUR LA RENTRÉE

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Dans cette nouvelle ère de pandémie qui ne finit plus, on parle beaucoup de s’adapter.

Et avec raison, on parle d’investissements, de précaution et de prévention.
Mais curieusement, on ne parle pas souvent d’alimentation.
Pourtant, la majorité des problèmes qui nous affligent — de l’obésité aux maladies cardiovasculaires, en passant par le cancer, le diabète, la pollution de nos terres et même le réchauffement climatique — ont tous une souche en commun : ce que nous mangeons.

La bouffe moderne, de sa production industrielle à sa surconsommation démentielle, ne nous a jamais autant fait suer.

Et tué.

Et cruelle ironie, voilà que les récentes statistiques du Centres for Disease and Control concernant la COVID-19 démontrent un lien fulgurant entre l’obésité, les maladies du coeur et… les risques de mourir du virus.

Devant ces constats, et en cette semaine de rentrée scolaire, on profite de l’occasion pour dresser une petite liste de devoirs pour nos élus, question de leur rappeler qu’il y a des solutions à notre portée concernant la nourriture, pour que cela aille effectivement mieux.

Car au-delà d’une nouvelle autoroute, d’un voyage dans le sud ou d’un match de hockey, cette pandémie nous a rappelé que LA chose la plus importante dont nous avons vraiment besoin pour vivre, c’est la bouffe.

Ça, et du papier de toilette.

NOS DEVOIRS POUR LA RENTRÉE

L’alimentation et la cuisine doivent faire leur entrée comme matières à l’école. Et pas comme activité parascolaire. Par la grande porte.

Car nos jeunes ont clairement besoin d’apprentissage à ce niveau, afin de connaître les avantages d’une saine alimentation et les dangers du fastfoodauxquels ils sont constamment exposés.

Selon l’INSPQ (Institut national de santé publique du Québec) et Statistique Canada, 10 % des enfants et adolescents du Québec souffriraient d’obésité et 30 % font de l’embonpoint. Récemment, 221 pédiatres ont signé une lettre ouverte afin « de rappeler l’urgence d’agir afin de contrer l’épidémie » d’obésité qui frappe notre jeunesse.

Et le mois dernier, le Journal de l’Association médicale canadienne suggérait que l’obésité soit traitée comme une maladie. Mais on aura beau classer l’obésité comme maladie tant qu’on le voudra, visiblement, cela ne s’attrape pas en oubliant de se laver les mains. En effet, selon une récente étude de l’Organisation mondiale de la santé, même les pays les plus pauvres du monde sont aux prises avec une épidémie d’obésité à cause de la montée en flèche de la consommation de malbouffe. Quand on sait à quel point les compagnies defastfood visent les jeunes dans leurs stratégies marketing, on peut parler ici de relation de cause à effet.

L’arme la plus redoutable pour lutter contre ce fléau demeure avant tout l’éducation. Alors Monsieur Roberge, pourquoi ne pas parler intelligemment de l’alimentation à nos jeunes, dès le primaire ? Suivi d’un cours obligatoire de cuisine au secondaire ?

Parce que bien manger, c’est comme compter, écrire, attacher ses souliers et gouverner un ministère : cela s’apprend.

Cela existe au Chili. Au Royaume-Uni. En Hollande. Et en France. Et cela sauve des vies. En effet, le système d’étiquetage qui indique aux consommateurs quels produits contiennent trop de gras, sel, calories ou sucre fonctionne. Au Canada, en février 2018 la ministre de la Santé de l’époque, Ginette Petitpas Taylor, proposait quatre prototypes d’étiquettes, dont une devait un jour être apposée sur les produits malsains. Dans un geste d’ouverture symbolique, on demandait même au public de voter pour leur étiquette préférée.

C’était il y a deux ans. Depuis, après un remaniement ministériel et l’arrivée de Patty Hajdu au ministère, plus rien. Donc comme second devoir, on demande à Madame Hajdu : Est-ce qu’on pourrait s’assurer que le système d’étiquetage ne passe pas à la déchiqueteuse ?

Il y a une inégalité cruellement inexplicable que nous affichons envers les animaux. On adore nos minous et nos toutous. On remue ciel et terre pour protéger les tigres et les baleines. Mais les cochons ? Bof. Pourtant, comme le déclarait si justement l’ex Beatle Paul McCartney : « Si les abattoirs avaient des murs de verre, tout le monde serait végétarien. »

Malgré un mouvement végé qui prend de l’ampleur, il y a 800 millions d’animaux d’abattus au Canada chaque année. Et cet appétit insatiable pour la protéine animale et le développement effréné de l’élevage industriel sont désormais devenus de véritables incubateurs à pandémie.

En plus, ces gigantesques complexes industriels polluent les cours d’eau et contaminent leur entourage, ce qui explique les éclosions récurrentes de salmonelle et E. coli qui contaminent nos oignons et nos laitues. Aux États-Unis, le problème de contamination des eaux est majeur et attribuable à l’ampleur des « CAFOs » — un acronyme pour Concentration Animal Feeding Operations —, des camps de concentration animaliers, gigantesques et industriels qui peuvent héberger des centaines à des millions d’animaux, pour maximiser leur croissance. (Au Canada, on les appelle des « Opérations d’élevage intensif ».)

Leur empreinte écologique est si déconcertante que le sénateur américain Cory Booker propose une nouvelle loi pour les éliminer graduellement d’ici 2040.

Bref Madame Bibeau, il serait grand temps d’emboîter le pas et d’encadrer ces géants.

Avant qu’on se retrouve les pieds dedans jusqu’aux genoux.

En 2017, au Québec, il s’est vendu 3 348 328 kg de pesticides pour la production végétale, soit l’équivalent en poids de près de 1 760 bélugas — ce qui est évidemment un chiffre fictif puisqu’il resterait seulement un peu plus d’un millier de bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent.

Toujours est-il que face à cette réalité, et aux préoccupations grandissantes dans la population, le gouvernement a produit un beau rapport (bleu) en février dernier sur le sujet, qui ne devait pas contenir de recommandations, puis, après une petite querelle politique comme on les aime, qui en contient finalement 32. Le problème : on nous sert majoritairement un « wish list » plutôt vague et flou, qui relève de l’évidence même, avec des phrases creuses comme : « Que le gouvernement fasse état de la situation des pesticides au Québec et agisse en conséquence, notamment par des mesures d’information et de sensibilisation. » Vous voyez le genre.

Parallèle à cela, il serait grand temps que le gouvernement revoie et revisite aussi le concept de la « ferme » au Québec, qui priorise systématiquement les mégafermes au détriment de tous ces jeunes agriculteurs qui rêvent d’une ferme à taille réduite, accessible, responsable et humaine, mais qui ne cadre pas dans les critères du ministère.

Si vous voulez tenter de comprendre l’absurdité à laquelle fait face toute personne qui veut cultiver la terre ou élever des bêtes autrement au Québec, on vous suggère l’excellent documentaire « La Ferme et son État » de Marc Séguin. (Mais gardez-vous des Gravols pas trop loin, c’est assez étourdissant.)

La bonne nouvelle est que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, aurait récemment déclaré aux députés qui ont pondu le rapport sur les pesticides qu’un Plan d’agriculture durable serait présenté au mois d’octobre.

On se croise les doigts et on retient notre souffle.
Mais on se réserve le droit de douter.

Et de rêver.

On le sait, quand il s’agit de trouver de coupables, on est plutôt habile à pointer du doigt au Québec.  Et même si nos élus on leur part de responsabilités dans l’engrenage alimentaire, il reste qu’une économie de libre marché a ceci de magique : elle réside sur le principe de l’offre et de la demande (sauf pour le milieu artistique, qui est plus axé sur l'offre et la quémande. Mais bon.) Autrement dit, quand il s’agit de manger, nous avons tous ce pouvoir singulier de faire bouger les choses, d’être un « vecteur de contagion » (pour utiliser un terme populaire), par l’entremise des choix et gestes que nous posons, à tous les jours.
Mais pour cela, il faut que l’alimentation soit recentré au coeur de nos priorités.

On doit exhiber la même fougue et passion pour se nourrir qu’on semble avoir pour se divertir ou se vêtir.

Une bonne bouffe ne doit pas être réservé pour le weekend, pour un événement familial ou mondain; cela devrait plutôt être une préoccupation constante, au quotidien.

Et avec les produits québécois qui représentent seulement 5% de ce que nous mangeons, nous sommes nettement plus préoccupés de savoir où sont fabriqués nos chandails, que où pousse notre ail.

Donc, avec cette rentrée qui s’amorce, faisons tous un petit devoir collectif de prendre le temps de mieux manger. De faire des choix alimentaires plus éclairés, que cela soit les produits qu’on consomme ou leur provenance.  Et surtout, de ne pas avoir peur de poser des questions et de se remettre en question.

Car le geste le plus concret qu’on peut faire pour notre santé et notre planète, commencera toujours dans notre assiette.

Bonne rentrée.

(Publié le 31/08/2020)

Zoom sur le café

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Il est la pierre angulaire de tous nos matins. Une façon savoureuse de rester éveillé ou alerte. Ou encore une manière toute simple d’échanger entre amis (à deux mètres de distance, avec masque). Cette semaine, les Explorateurs culinaires vous proposent un dossier sur cet indispensable grain exotique et exquis qui meuble nos vies : le café.

LE CAFÉ EST FINALEMENT BON POUR VOUS

Au fil des ans, les études sur le café ont eu le don de nous laisser aussi perplexes que les noms et formats de cafés chez Starbucks. Un aperçu de la confusion :

  •  1981 : Une étude de Harvard établit un lien entre le café et le cancer du pancréas
  •  1991 : Le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe le café comme « probablement » cancérogène
  •  2016 : Le CIRC se ravise, précisant que ce sont plutôt les boissons chaudes qui sont dangereuses et non le café.
  •  2017 : La Société européenne de cardiologie affirme que boire plus de café réduit le risque de décès prématuré
  •  2019 : L’American Journal of Clinical Nutrition nous apprend que boire six tasses de café ou plus par jour augmente les risques de développer une maladie du coeur de 22 %.

Puis, plus récemment, une étude publiée par la British Heart Foundation démontrait que boire du café — que cela soit une tasse par jour, trois ou plus — n’est pas associé à un durcissement des artères, comme on l’a longtemps cru.

Depuis, une majorité de scientifiques s’entendent sur les nombreux bienfaits du café, pour toutes les belles choses qu’il contient à part la caféine. Comme des antioxydants. Des vitamines. Sa capacité de réduire les risques de démence. Et ses effets bénéfiques sur notre flore intestinale.

Finalement, même si un excédent de café peut vous donner des palpitations, vous faire fixer le plafond pendant de longues heures la nuit ou encore vous pousser à écrire un opéra allemand en regardant des reprises d’Occupation Double, sachez que la boisson est très sécuritaire, avec seulement 51 cas d’intoxication ou de surdose liés à la caféine répertoriés depuis 1959 — soit presque autant que de décès causés par la foudre annuellement aux États-Unis (49).

REPORTAGE : TERRA CAFÉ

Parlant café : On a tous entendu l’histoire du berger yéménite qui, un soir, aurait aperçu ses chèvres manger ces mystérieuses baies rouges pour ensuite les regarder grimper aux arbres en béguetant du Joe Dassin. Mais que sait-on vraiment du café à part qu’il est souvent trop chaud et plutôt fade chez Tim Hortons? Comment reconnaît-on un bon café? Et les chèvres peuvent-elles vraiment grimper aux arbres? Les Explorateurs ont rencontré Carlo Granito de Café Terra pour en savoir plus sur le sujet.

IL N’Y A QUE DEUX GRANDES FAMILLES DE CAFÉ. VRAIMENT. 

Tous les goûts sont dans la nature, c’est vrai, et c’est d’autant plus évident lorsqu’on sait qu’il existe du Coffee Mate à saveur de « Toasted Marshmallow Mocha ». Mais croyez-le ou non, il n’existe en fait que deux types de cafés, deux grandes familles distinctes : l’Arabica et le Robusta. Et tout comme Caïn et Abel ou René et Nathalie, ils n’ont pas grand-chose en commun. Le Robusta est plus « sauvage », il pousse partout, en basse altitude, un peu comme de la mauvaise herbe. Il produit deux fois plus que son frère et en plus, son café est doublement caféiné. L’Arabica, lui, est plus fragile, hautain et raffiné : il pousse en haute altitude et a besoin d’air frais, d’eau pure, de sol riche et de beaucoup d’entretien pour produire. Pour plusieurs, son café est supérieur en arôme et en goût, contrairement au Robusta qui est plus primitif, comme quoi même la nature doit prendre son temps pour faire de bonnes choses. Et on vous laisse le soin de deviner lequel des deux cafés est majoritairement utilisé par les multinationales dans le café instantané.

LE CAFÉ EN FAIT VOIR DE TOUTES LES COULEURS

Eh non, le café n’est pas brun foncé ou noir à l’état naturel. Et en plus, disons que c’est un fruit assez complexe à décortiquer. Le café est un peu comme une cerise, avec trois exceptions : 1. On consomme plutôt le « noyau », qui est, en fait, les grains 2. On a rien à foutre de la chair et 3. On ne s’en sert pas pour faire des Cherry Blossom.

En fait, le café en fait voir de toutes les couleurs aux producteurs. Jugez par vous-mêmes : les graines de café sont originellement rouges lorsqu’elles poussent dans la nature. Une fois cueillies bien mûres, on les plonge généralement dans l’eau pour les ramollir, pour ensuite retirer la peau extérieure (ou l’endocarpe si on veut être technique). Le hic : les producteurs ont 24 heures chrono pour effectuer cette opération, car après avoir cueilli le fruit, le gel intérieur dans la paroi du café (la pulpe ou le mésocarpe, si on veut vraiment faire nos show-offs) commence à rancir. Donc, c’est le rush pour enlever la peau extérieure et la pulpe. Mais attendez, ce n’est pas fini. Ensuite, le grain a UNE AUTRE PEAU humide qui le protège, qu’il faut faire sécher au soleil ou au four pour ensuite l’enlever. Et finalement, après tout cela, on obtient un grain de café qui est… vert. On passe ensuite à l’étape de torréfaction qui consiste à faire caraméliser les grains, pour leur donner la couleur — et le goût — qu’on connaît.

UN BON CAFÉ N'EST PAS AMER

Le slogan de la publicité des années 80 avait effectivement raison : un bon café n’est jamais amer. Comme l’explique si bien Carlo Granito de chez Terra Café : « Je me ferme les yeux, j’y goûte, chaud ou froid, sans sucre et sans lait, et si ce n’est pas amer ou déplaisant, c’est un bon café. Car si à la base ton café est excellent, et que quelqu’un aime le goût du café, pourquoi rajouter du lait ou du sucre ? L’amertume signifie que le café a été mal cueilli. Si tu cueilles un grain de café avant qu’il soit mûr, c’est comme une banane, c’est très amer. » Donc, si après avoir ajouté deux sucres et trois laits à votre café vous trouvez qu’il est encore amer ou abject, dites-vous que vous buvez de la scrap. Mais ne vous en faites pas, vous n’êtes pas seul.

LE CAFÉ SE CONSERVE AU CONGÉLATEUR

Si vous aimez moindrement le café, alors il faut savoir en prendre soin. Car comme toute denrée précieuse qui se respecte, le café est un grand sensible. Il n’aime pas la lumière. Il n’aime pas l’air. Et il est très sensible à l’humidité et à la chaleur. En fait, les graisses naturelles contenues dans les grains de café torréfié s’oxydent au contact de l’air. Donc, la meilleure façon de protéger et de conserver votre précieuse poudre brune est soit de la garder dans une voûte souterraine quelque part dans le cercle polaire, ou tout simplement, de la mettre dans un contenant hermétique au congélateur.

IL FAUT AUSSI UTILISER DE LA BONNE EAU 

Mélanges exotiques, machines diaboliques : On a tendance à mettre le paquet pour s’assurer d’avoir une bonne tasse de café, mais on oublie que pour faire un bon café cela prend aussi de la bonne eau. « De l’eau de source, de préférence, ou une eau purifiée pour enlever le chlore ou le maximum de cochonneries dans l’eau, » explique M. Granito. Et surtout, ne jamais utiliser d’eau distillée, car elle ne contient pas de minéraux et donc ne pourra transporter toutes les huiles essentielles du café dans votre tasse.

RECETTE : LE TIRAMISU DE MIMMO 

Pour ceux qui ne connaissent pas, ce dessert au café qui veut dire littéralement « tire-moi en haut » ou, si on veut être prophète de malheur, « emmène-moi au ciel », aurait ses origines au 16e siècle alors que le duc de Toscane Cosme III de Médicis était de passage à Sienne. Il a visité, il a goûté et il a tellement aimé qu’il a en quelque sorte décidé d’acheter la compagnie en rapportant la recette à Florence. Le dessert est rapidement devenu un grand classique et s’est répandu aux quatre coins de la planète. Pour en connaître ses secrets, les Explorateurs retournent aux sources et rendent visite à leur barista italien préféré du Café Aroma, le merveilleusement méticuleux Mimmo Ferraro, qui nous livre la recette de tiramisu de sa mère, in italiano per piacere.

LE CAFÉ EN GROS CHIFFRES 

2 000 000 000 000

Cafés servis par année dans les Tim Hortons au Canada.

168 010 000

Sacs de 60 kg de café ont été produits mondialement en 2019-20, provenant en majorité d’Amérique du Sud, surtout du Brésil.

600 000 $

Montant estimé versé par McDonald’s, en 1994, à une septuagénaire pour avoir subi des brûlures au troisième degré après avoir renversé son café dans l’auto.

12 kg

Café consommé par chaque Finlandais annuellement, faisant d’eux les plus grands buveurs de café au monde, suivis de la Norvège et de l’Islande. Le Canada est le seul pays non européen à percer le top 10, avec 6,5 kg par personne.

(Publié le 21/08/2020)

Zoom sur le maïs

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Cette semaine aux Explorateurs culinaires, on prend le temps de vous dresser un portrait complet d’un aliment qui a meublé nos soirées d’été depuis notre tendre enfance et qui se retrouve désormais partout dans nos vies, à notre insu : le maïs.

 1. MONTRÉAL ÉTAIT UN CHAMP DE MAÏS

Le maïs était déjà fermement implanté comme céréale fétiche des communautés autochtones en Amérique du Nord et du Sud depuis plusieurs siècles, mais il n’a fait le saut en Europe et en Asie que lorsque les soi-disant « explorateurs » ont choisi de piller les champs et de répandre la bêtise et la cruauté humaine à des peuples qui n’en demandaient pas tant (mettons). Christophe Colomb, qui a le mérite d’être le premier grand perdu de cette cuvée de pilleurs découvre le maïs à Cuba en 1492 et, toujours convaincu qu’il est en Inde, le baptisera « blé d’Inde ». Cela ne s’arrête hélas pas là : si vous regardez sur une carte géographique, la Jamaïque est à ce jour dans les « West Indies » et le mot « dinde » nous provient de « poule d’Inde ». (Et dire qu’on a des journées fériées et des rues en l’honneur de ce génie.) Plus près de chez nous, Jacques Cartier relate en 1534 qu’Hochelaga (aujourd’hui Montréal) se trouve au milieu de champs de maïs. Vu toutes les erreurs grotesques de ces supposés illustres personnages historiques, on suggère que c’est peut-être de là que nous vient l’expression « être carrément dans le champ. »

4. IL EST PLEIN DE BONNES CHOSES 

Dans le royaume céréalier, le maïs est vraiment king, représentant à lui seul environ 40 % de la production mondiale de céréales. Mais il est tout aussi dominant sur le plan nutritif.

Il y a quelques années, la revue Business Insider a comparé les groupes de grains entiers les plus courants à portions égales pour ensuite les classer en fonction de leur densité nutritionnelle — c’est-à-dire la quantité de bonnes choses que vous obtenez pour chaque calorie que vous avalez.

Le maïs s’est classé au 3e rang sur 14, derrière l’amarante (2e) et l’avoine (1er). En plus de contenir 4 grammes de protéines par tasse, le maïs a aussi des propriétés anti-cancer très intéressantes grâce à ses antioxydants. En effet, une étude comparant l’activité antioxydante de quatre grains céréaliers (maïs, blé, avoine, riz) a démontré que le maïs était celui qui en avait le plus. Mieux encore, on a trouvé que l’activité antioxydante du maïs augmentait lorsqu’il est cuit, ce qui n’est pas toujours le cas pour tous les légumes. Ce qui explique aussi pourquoi le maïs n’est, en réalité, pas un légume.

3. LE MAÏS EST PARTOUT  

Pourquoi est-il partout ? Avant tout, parce qu’il ne coûte vraiment pas cher à produire. Parce que sa culture est outrageusement subventionnée par les gouvernements, surtout aux États-Unis, qui ont versé 2,3 milliards de dollars en subventions pour le maïs en 2016, soit l’équivalent de deux stades olympiques. Et aussi, parce que grâce à la magie de la génétique, on a réussi à augmenter aux États-Unis sa production de façon exponentielle au fil des ans, passant d’un rendement de 20 boisseaux (bushels) par acre de terre en 1860 à 120 boisseaux en 2010, pour toujours la même surface. Sans surprise, les States sont les plus grands producteurs de maïs avec un rendement de 345 millions de tonnes métriques en 2019-2020.

Donc, avec un pays farouchement capitaliste qui regorge de maïs pas cher, on a mis deux grandes forces occultes à l’oeuvre — la science et l’économie — pour l’utiliser partout : dans les boissons gazeuses et desserts (sous forme de sirop de maïs), dans le plastique, l’éthanol, le ciment, des produits pharmaceutiques, le savon ou encore la peinture, pour nenommer que ceux-là. En fait, on estime qu’il y a près de 4 000 produits où l’on retrouve du maïs.

Ah ! oui, on oubliait : on peut aussi le manger. Mais là encore, surprise, contrairement au blé et au riz, la grande majorité de la production du maïs dans le monde n’est pas pour l’humain, mais sert plutôt à nourrir des bêtes, notamment le bétail. Pourquoi ? Tous ensemble : Parce qu’il ne coûte vraiment pas cher à produire. Et il permet d’engraisser, par exemple, une vache plus rapidement, soit en approximativement 14 mois au lieu de quatre ou cinq ans. Le seul hic : la vache est un ruminant et est incapable de bien digérer le maïs, ce qui fait qu’on doit la traiter avec des antibiotiques pour tous les effets secondaires néfastes que cela peut causer à son système digestif, incluant des ballonnements et des ulcères.

On vous épargne les détails horribles, mais si vous voulez rester bouche bée sur l’omniprésence du maïs dans vos vies, on vous invite à regarder l’excellent documentaire King Corn. Ou notre tout aussi excellent chroniqueur Marc-André Valiquette en cliquant ici. 

2. IL Y A DIFFÉRENTES SORTES DE MAÏS 

Selon la personne à qui vous parlez (où ce que vous Googlez), on semble classer le maïs en trois ou six catégories / types différents. Question de rajouter une couche de confusion, on a opté pour quatre :

1. Le maïs sucré
La vedette incontestée de nos épluchettes qui est plus sucré donc parfaitement conçu pour l’usage humain.

2. Le maïs denté
C’est le plus répandu, qui sert notamment à nourrir les bêtes, car il contient plus d’amidon et moins de sucre. On le reconnaît par la petite bosse ou cavité qui se forme sur le dessus de chaque grain et par son goût particulièrement dégueulasse.

3. Le maïs soufflé
Un peu comme les humains, ce ne sont pas tous les types de maïs qui éclatent sous pression. Le popcorn qu’on adore (même si on ne sait pas trop de quel liquide visqueux on l’imbibe dans nos cinémas) a été séché pour avoir un certain point d’humidité (environ 14 %). Lorsqu’il est chauffé, l’eau emprisonnée à l’intérieur se transforme en vapeur et, à la bonne température, soit environ 100 degrés Celsius, il finit par faire éclater le grain. Pop. Corn. Fin de l’exposé scientifique.

4. Le maïs corné
Plus dur, d’où le nom subtil, il possède une vaste palette de couleurs qui en fait un beau sujet de conversation sur votre table de salon. Il est utilisé notamment dans la semoule ou le gruau, ou pour donner un look granola / Woodstock / chaman à votre 3 1/2 pas chauffé.

Et pour terminer, deux autres catégories qui ne sont pas vraiment des catégories :
 

Le maïs génétiquement modifié
La grande majorité des cultures génétiquement modifiées (GM) de maïs sont destinées à l’alimentation animale, ce qui n’a vraiment rien de rassurant si vous mangez de la viande. Cependant, il est toutefois possible et même probable de trouver du maïs GM dans votre panier d’épicerie, parce que, on vous le rappelle, le maïs est partout et aussi parce que le maïs GM est utilisé dans les produits transformés.

Le maïs miniature
Finalement, le maïs miniature qu’on a tous fait semblant de manger comme un épi pour faire ricaner les enfants n’est pas un type de maïs fabriqué en laboratoire coréen, mais bien un « bébé » maïs que l’on cueille avant maturité et que l’on mange entier. Si vous êtes troublé à l’idée de dévorer des bébés, il paraît qu’on en fait autant avec certains animaux.

1. ON PEUT LE CUIRE DE DIFFÉRENTES FAÇONS

Il existe plusieurs façons de cuire le blé d’Inde : sur le grill, au micro-ondes, au four, à la loupe géante pendant une éclipse solaire, mais notre chef charmeur Patrice Gosselin préconise une méthode plus simple : « Tu le fais cuire une dizaine de minutes dans l’eau bouillante. Et lorsqu’il y a une bonne et franche odeur de blé d’Inde, c’est que c’est prêt. Sérieux. »

Par ailleurs, une variante intéressante de cette méthode de cuisson — que nous avons eu le privilège de déguster — nous provient de Johanne de Repentigny, qui met ses épis debout dans un chaudron, dans très peu d’eau, et les recouvre pour les faire cuire à la vapeur une dizaine de minutes. Un délice.

Finalement, si vous vous demandez quoi faire avec vos épis, sachez que vous pouvez en faire un bouillon savoureux (puisqu’on vous le dit). Vous pouvez vous en servir afin de nettoyer le grill de votre barbecue. Et une fois bien sec, ils sont d’excellents projectiles biodégradables pour éloigner les #$%?& d’écureuils de votre jardin.

On le mentionne, au cas.

(Publié le 7/08/2020)

ZOOM SUR LE HOMARD

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Avec la saison du homard qui tire à sa fin la semaine prochaine, on en profite pour vous dresser un portrait de ce merveilleux crustacé qui ensoleille nos journées d’été.

 

1. LE HOMARD, C'ÉTAIT POUR LES PAUVRES

Tout comme la polenta, les huitres et les escargots, le homard est un de ces aliments qui a mystérieusement gravi l’échelle de la pyramide alimentaire au fil des ans. Car au 17e et 18e siècle, l’Atlantique regorgeait tellement de homards que le succulent crustacé était carrément classé comme nourriture de « pauvres ». On se servait même des surplus ou des restes ramassés sur les rives comme engrais. Certains États, dont le Massachusetts, avaient statué qu’on ne pouvait le servir à manger plus de deux fois par semaine, car manger du homard de façon régulière était une sanction jugée carrément insupportable. On se contentait donc d’écouler les stocks en l’offrant gratuitement aux veuves et orphelins, ainsi qu’aux prisonniers. Trois cents ans plus tard, le homard est le produit canadien de la mer le plus exporté, représentant 1,5 milliard $ de ventes par année. Le temps n’arrange pas toujours les choses, mais avouez qu’il a néanmoins ce don indéniable de les changer drôlement.

2. IL NE FAUT PAS TROP CUIRE LE HOMARD

Si vous vous donnez la peine de surfer sur le web, vous trouverez autant de méthodes sur le temps de cuisson du homard que de théories sur la mort de JFK. Toutefois, notre chef chaman vous propose cette méthode fort simple qu’il a obtenue d’un vieux pêcheur borgne albinos de la Gaspésie à qui il manquait quelques doigts (on vous épargne les détails) :

a) Ajouter ¾ de tasse de gros sel pour 4 litres d’eau, puis bouillir
b) Retirer les élastiques sur les pinces et plonger le homard dans l’eau, tête première
c) Porter de nouveau à ébullition et calculer 10 minutes de cuisson pour un homard d’une livre. Ajouter une minute pour chaque ¼ de livre additionnel.
Finalement, lorsqu’on retire le homard de l’eau bouillante, il continue à cuire donc cela peut altérer le goût de sa chair. Il faut donc le tremper dans un bac d’eau glacée et salée, ce qui arrête la cuisson et en plus lui permet de se regorger d’eau.

3. UN HOMARD PEUT ÊTRE GROS. ET VIEUX.

À l’image des humains, les homards peuvent aussi vivre gros et vieux. En effet, le plus gros homard jamais pêché — du moins celui qui a été documenté officiellement — a été pris le 12 février 1977 en Nouvelle-Écosse. La bête a fait pencher la balance à 44,3 livres, ce qui est à peu près équivalent au poids d’un enfant de six ans et donc, particulièrement troublant. Pour ce qui est de leur durée de vie, un homard d’une livre et demie est âgé d’environ 5 à 7 ans, mais un homard peut vivre plus de 50 ans, si bien qu’on estime que la créature capturée en Nouvelle-Écosse devait sûrement être centenaire. Ou originaire de Tchernobyl.

4. LE HOMARD NE SE CONSERVE PAS LONGTEMPS

Si on veut le conserver vivant, la meilleure méthode est de l’envelopper dans un linge humide et de le garder au frigo à 4 degrés. Il se conservera alors approximativement 12 heures. Note importante : Il ne faut jamais conserver un homard vivant dans un sac de plastique fermé, encore moins dans le bain ou dans le bol — même si cela peut effectivement être un tour intéressant à jouer lors d’un party mondain. Une fois cuit, on conseille fortement de le garder un maximum de deux jours au frigo, après quoi il perd son goût et sa fraîcheur, et risque d’attirer une trollée de pélicans.

5. LE HOMARD N'EST PAS ROUGE

En fait, il est tout sauf rouge : brun, brun-pourpre, noir, vert foncé, blanc tacheté — même bleu —, mais certainement pas rouge. À quoi doit-on ce changement drastique de teint lors de la cuisson ? C’est en 2002 que des scientifiques britanniques ont réussi à percer le secret du changement de couleur du homard. Sans trop rentrer dans les détails, disons que des protéines de sa carapace changent de forme et de couleur à haute température, poussant le homard à virer au rouge. L’expression rouge comme un homard perd donc tout son sens ; on devrait plutôt dire « rouge comme une créature ébouillantée vivante dont les molécules s’altèrent avec une chaleur soutenue et intense ». Mais bon, on avoue, ça n’a pas le même punch.

LE HOMARD EN CHIFFRES

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9100 

Tonnes de homards pêchés en 2019 au Québec.

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100%  

Besoins quotidiens de B12 comblés par une portion de 100 g de homard. En plus, le homard est un véritable tableau périodique alimentaire, étant une excellente source de phosphore, de zinc, de cuivre et de sélénium. Quand même.

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8000 à 12 000  

Nombre d’oeufs que peut avoir une femelle d’une livre et demie.

Screen Shot 2020-07-09 at 9.18.50 AM

100 livres  

Pression que peut exercer une pince de homard par pouce carré. Si vous vous demandiez pourquoi ils portaient des élastiques, c’est pour ça. Comme l’a appris un certain vieux pêcheur albinos de la Gaspésie.

(Publié le 10/07/2020)

ZOOM SUR LES GRAINS ENTIERS

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Depuis que les humains sont sortis de leurs cavernes pour chasser, ramasser et cueillir tout ce qui traînait par terre et se le mettre sous la dent parce qu’ils étaient constamment affamés, ils se sont rapidement aperçus que les grains — comme le blé, l’orge ou encore le seigle — étaient abondants, mais plutôt difficiles à bouffer cru.
On a éventuellement contourné le problème en les pulvérisant avec de la pierre, ce qui nous a donné de la farine, ainsi qu’une industrie florissante artisanale, pas moins de 18 moulins à vent au Québec et, éventuellement, la belle enseigne de néon « Five Roses » qui surplombe le Vieux-Montréal.

LA PETITE HISTOIRE RAPIDE DU GRAIN AU QUÉBEC

moulin

AVANT

5roses

APRÈS

Mais l’industrialisation et le début des empires alimentaires ont rapidement identifié un problème substantiel avec la farine de grains entiers — elle ne se conserve pas très longtemps. Pour savoir pourquoi, il faut prendre le temps de disséquer le grain et ses trois parties :

1. L’écorce et le son
Ils constituent l’enveloppe de chaque grain, soit approximativement 15% de sa taille, et contiennent des fibres, vitamines et antioxydants.

2. L’amande
En quelque sorte le corps du grain (80% de sa taille), qui est surtout riche en glucide. On l’appelle aussi l’endosperme, mais cela fait ricaner les enfants.

3. Le germe
Il contient une huile très riche en vitamines et antioxydants mais, si vos mathématiques sont à jour, vous aurez compris qu’il s’agit d’une partie marginale qui, une fois pulvérisée, donne ce teint foncé à une farine de grain entier.

Donc, au 19e siècle, au moment où on remarque un potentiel et une demande énorme pour la farine, on constate aussi une faille majeure : lorsqu’on écrase et pulvérise le germe, l’huile qui est relâchée devient rapidement rance, ce qui est un problème pour un produit conçu pour rester en tablette des semaines à température pièce et expédié aux quatre coins du continent.

Solution : en 1875, les Américains perfectionnent un nouveau type de moulin avec des broyeurs à rouleaux qui est désormais capable de retirer le germe et l’écorce — c’est-à-dire les parties les plus intéressantes sur le plan nutritif — pour confectionner une farine plus blanche, légère, riche en glucides et, surtout, qui se conserve très très longtemps.

En 1920, sentant un danger pour la santé publique et craignant que les citoyens soient désormais privés de fibres et de vitamines essentielles dans leur pain quotidien, le président de la Food and Drug Administration Harvey Wiley, lui-même chimiste, tente d’interdire la farine raffinée et blanchie, mais l’industrie se mobilise.

À en juger par sa réaction sur la photo à gauche, on vous laisse deviner qui a gagné.

Aujourd’hui, toutes les farines raffinées sont enrichies de vitamines — donc, on les produit en enlevant leurs éléments nutritifs naturels pour ensuite en rajouter pour compenser. (On est rendu là.)

Mais attention, comme le souligne Santé Canada, il y a aussi une passe croche à éviter concernant les farines de blé entier.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il semblerait qu’une bonne partie du germe de la farine de blé entier vendue au Canada est, en réalité, retirée de la farine. Ce qui veut dire qu’un pain de blé entier à 100 %… n’est peut-être pas fait de grains entiers. (Eh oui, c’est le monde dans lequel nous vivons.)
Donc, pour être certain, on conseille de toujours rechercher les mots « farine de blé entier » suivis de « avec germe » ou « intégrale » dans la liste d’ingrédients.

Et sachez que les produits étiquetés avec les mots « multigrains » et « organiques » ne sont pas nécessairement de grains entiers, prouvant une fois de plus qu’il est beaucoup plus simple de juste faire son propre pain.

(Publié le 05/06/20)